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Introduction au dossier - Adolescence en turbulence

Carole Lane, psychologue | Experte invitée

Carole Lane est psychologue depuis 1984. Elle travaille depuis 1989 au CHU Sainte-Justine, comme psychologue clinicienne au département de pédopsychiatrie, principalement à l’unité d’hospitalisation des adolescents. Elle est membre du Comité de l’enseignement en psychologie et coresponsable des activités académiques  du département de psychiatrie du CHU Sainte-Justine.


Période de croissance et de développement, période de transition : l’adolescence est un moment critique dont les bouleversements constituent des défis, autant pour ceux qui le traversent que pour les psychologues qui les soutiennent. Qu’en est-il des nouvelles influences de notre société sur les adolescents? L’évolution rapide des univers dans lesquels vivent les adolescents d’aujourd’hui impose d’en reconnaître les effets sur leurs conduites actuelles et sur leur développement psychologique. C’est au cours de ces années que les jeunes font leurs propres expériences du monde, souvent à travers la prise de risques, et qu’elles affirment leur propre identité en prenant conscience de leurs limites et de leurs vulnérabilités physiques et psychiques. Leur vision du monde commence à se dessiner, ce qui les amènera à leur tour à façonner ce monde qui les entoure. Nul ne conteste les enjeux de l’adolescence pour la vie ultérieure.

Dans cette perspective et afin d’offrir les meilleurs services, le psychologue doit tout autant se questionner sur ces nouveaux enjeux qu’élargir le champ de ses interventions psychologiques. Ce dossier thématique alimente la réflexion toujours en marche sur la variété des facettes avec lesquelles le psychologue doit composer et propose des pistes d’intervention innovatrices.

L’attrait que présentent les sports extrêmes et la prise de risque pour les adolescents illustre bien une nouvelle tendance par laquelle parents, éducateurs et professionnels de la santé se sentent parfois dépassés. Comment comprendre cette réalité à une époque où les repères et les valeurs sont en pleine mutation? Que dit l’adolescent sur lui-même lorsqu’il adopte de tels comportements? Dans son article, la Dre Linda Paquette propose une lecture intéressante de ces manifestations qui, dangereuses en soi, sont liées à la maturation du cerveau et à la régulation des émotions. La quête de sensations témoigne d’une autre quête, celle du dépassement de soi.

Ainsi, ces dérives possibles peuvent exprimer chez l’adolescent une détresse émotionnelle, voire une fragilité de la personnalité, et ce, malgré les tentatives thérapeutiques pour les contenir. Le psychologue possède la compétence pour décrypter les différents problèmes rencontrés par l’adolescent. Le modèle de l’évaluation thérapeutique de l’adolescent présenté par le Dr J. Éric Dubé et la Dre Raphaële Noël propose une approche novatrice d’évaluation psychologique issue des travaux de Stephen E. Finn. L’implication de l’adolescent dans ce processus collaboratif semble favoriser l’autonomie et l’émancipation tout en tenant compte de la fonction protectrice des parents.

Dans la gamme des modes d’évaluation psychologique, le diagnostic psychologique à l’adolescence est un processus dynamique et modifiable, mais aussi en transformation permanente. Le texte de la Dre Fanny-Maude Urfer aborde le malaise des psychologues cliniciens à l’égard de l’établissement d’un diagnostic de trouble de la personnalité dès l’adolescence. L’auteure expose les enjeux de l’évaluation menant à un diagnostic de trouble de la personnalité. Elle met en lumière l’utilité de l’évaluation dans l’identification des besoins de prise en charge de ces adolescents afin d’éviter une chronicité et une rupture potentielle des ressources adaptatives en l’absence d’interventions psychothérapeutiques qui modéreront la gravité des problèmes de santé mentale à l’âge adulte.

D’autre part, dans le vaste champ de l’aide et des soins destinés à l’adolescent, les questions liées à l’adaptation à la maladie chronique sont souvent sous-estimées. En plus des changements physiques majeurs qui surviennent à l’adolescence, la maladie physique contribue à fragiliser le développement de la personne qui en est atteinte. Celle-ci se voit confrontée au décalage entre un idéal du moi qui nourrit son devenir identitaire et sa représentation psychique d’un corps blessé dans son intégrité. Le texte de Vanessa Michaud, de Marie Leblond et de la Dre Marie Achille évoque avec justesse la prise en charge, la transition vers l’âge adulte et les multiples échanges nécessaires entre les professionnels concernés dans cette problématique.

Finalement, on ne saurait porter un regard nouveau sur les pratiques cliniques en lien avec la turbulence de l’adolescence sans tenir compte de l’apport des thérapies de la troisième vague. Il faut reconnaître que les modèles qui intègrent la pratique de la pleine conscience (mindfulness) représentent un nouveau défi clinique pour le psychologue vis-à-vis d’adolescents dont l’environnement technologique empreint d’instantanéité ne va pas de pair avec le fait de se centrer sur le moment présent. Dans leur article, la Dre Geneviève Taylor et Catherine Malboeuf-Hurtubise présentent des travaux qui font état de l’amorce de la recherche évaluative de tels programmes existants au Québec.

Le progrès des connaissances fournit aux psychologues et aux intervenants appelés à accompagner des personnes dans ce moment charnière de leur vie des outils efficaces et variés. Les pistes soulevées par les textes de ce dossier en sont la preuve : nous disposons chaque année de meilleurs outils pour répondre aux besoins de ces clients particuliers.