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PL 21 : cinq ans déjà!

Dre Christine Grou, psychologue | Présidente de l’Ordre des psychologues du Québec


C’est en juin 2012 qu’entrait enfin en vigueur la loi 28, mieux connue sous le nom de projet de loi 21. Il a pris de l’âge, est passé de projet à loi et le chemin parcouru depuis son adoption mérite d’être souligné.

Fruit d’un consensus de tous les ordres professionnels de la santé mentale et des relations humaines, et après un parcours exigeant de plusieurs années, la loi venait réserver des activités à haut risque de préjudice aux seules personnes compétentes pour les exercer. Parmi ces activités, l’évaluation des troubles mentaux, l’évaluation des troubles neuropsychologiques et, bien sûr, la psychothérapie. Pour faciliter l’implantation de la loi et pour assurer une cohérence et une uniformité d’interprétation dans tous les milieux, l’ensemble des ordres concernés ont rédigé conjointement un guide explicatif, sous l’égide de l’Office des professions.

La loi, dont l’objectif premier est de mieux protéger le public, confie à l’Ordre des psychologues le mandat de délivrer et de gérer le permis de psychothérapeute, ce qu’il fait en appliquant le règlement de l’Office des professions sur les normes de délivrance de ce permis et sur le cadre des obligations de formation continue qui y sont liées. Cinq ans plus tard, l’Ordre a ainsi délivré, après une analyse des dossiers caractérisée par la rigueur et l’équité, 1 745 permis de psychothérapeute dont, à ce jour, 1 572 sont toujours actifs. Rappelons que plus de 5 900 des 8 663 psychologues déclarent exercer la psychothérapie.  

En ce qui concerne plus particulièrement la psychothérapie, sa définition est inscrite dans la loi et le règlement de l’Office des professions identifie des interventions qui n’en sont pas. Toutefois, tout n’est pas encore clair sur le terrain, plus particulièrement dans le réseau de la santé, où l’opérationnalisation de la définition est compliquée et où la distinction entre la psychothérapie et certaines interventions de nature psychologique – que sont habilités à faire d’autres professionnels en vertu de leur champ d’exercice – tarde à être établie.

C’est pourquoi, depuis plus de deux ans, l’Ordre et tous les ordres dont les membres peuvent obtenir un permis de psychothérapeute mènent des travaux pour arriver à une compréhension commune. Ces travaux interordres complexes, qui tirent maintenant à leur fin, ont permis de trouver, pour chacune des professions, incluant celle de psychologue, le point de bascule, ce moment où une intervention, par exemple une intervention de soutien, devient de la psychothérapie. Ce document est en voie d’être adopté par le conseil d’administration de chacun des ordres concernés.

La loi a évidemment apporté d’autres changements, comme l’intégration des détenteurs de permis de psychothérapeute au service de référence, devenu un guichet unique pour les personnes à la recherche de services en psychothérapie. Elle oblige également les psychologues à détenir une attestation pour faire l’évaluation des troubles neuropsychologiques, attestation que détiennent maintenant 836 de nos membres.

La pratique illégale

La réserve d’activités s’accompagne nécessairement de la responsabilité de surveiller la pratique illégale. Jusqu’à ce jour, l’Ordre a reçu plus de 1 400 signalements pour exercice illégal de la psychothérapie, de l’évaluation des troubles mentaux ou neuropsychologiques, et pour usurpation du titre de psychologue ou de psychothérapeute. Après enquête, plus de la moitié des dossiers ont été réglés à la satisfaction de l’Ordre. 

Depuis le début, l’Ordre a surtout privilégié une approche éducative, le temps de permettre à tous de connaître la loi et de s’adapter au nouveau régime légal. L’éducation, l’information, la sensibilisation et toute approche de non-judiciarisation sont pertinentes lorsque les personnes démontrent une réelle ouverture à changer leurs pratiques, lorsqu’elles s’engagent à se conformer à la loi et lorsque l’Ordre considère que cela ne comporte pas de risque pour la protection du public. C’est donc dans cette optique que nous avons obtenu des engagements volontaires de personnes ayant fait l’objet d’un signalement ou ayant reçu des constats d’infractions. 

Toutefois, cette approche n’exclut pas les recours en justice. Depuis 2014, le conseil d’administration de l’Ordre a autorisé plusieurs poursuites, certaines conduisant à des ententes hors cour, d’autres à la tenue de procès pour exercice illégal et usurpation de titre.

Par ailleurs, nous continuons nos interventions en amont, par le biais de discussions avec différents acteurs œuvrant dans le domaine de la relation d’aide ou de la santé mentale, toujours dans un souci d’éducation et d’information. 

L’obligation de formation continue 

Bien que le code de déontologie prévoyait déjà que « tout psychologue doit développer, parfaire et tenir à jour ses connaissances », l’un des changements majeurs, qui suscite d’ailleurs de nombreuses réactions, est l’obligation de formation continue pour la psychothérapie. Qu’elles soient psychologues, médecins ou détenteurs d’un permis de psychothérapeute, toutes les personnes exerçant la psychothérapie doivent accumuler 90 heures de formation continue par période de cinq ans. Depuis le début de la période de référence, l’Ordre a reconnu des centaines de formations qui pouvaient être comptabilisées et dont 374 sont toujours inscrites au catalogue, sans oublier toutes les autres activités possibles (lecture, supervision donnée ou reçue, formation donnée, codéveloppement, etc.). 

L’échéance imminente de la première période de référence soulève des interrogations chez des centaines de membres qui manifestent un besoin de clarification quant à leur situation particulière. Certains réagissent avec de vives protestations. Toutefois, la majorité des psychologues et la plupart des détenteurs de permis voient toute la pertinence de cette obligation professionnelle et s’y soumettent avec intérêt et avec fierté. 

Gardons en tête que la première période de référence était… une première pour l’Ordre en matière d’encadrement de l’obligation de formation continue. La prochaine période, qui débute dans quelques jours à peine, bénéficiera de cette première expérience et les administrateurs se penchent déjà, non pas sur l’obligation elle-même, prévue dans la loi et balisée par le règlement de l’Office des professions, mais simplement sur certaines de ses modalités. 

Cinq ans déjà… Des pas de géants ont été franchis. Le projet devenu loi continue de faire l’objet de discussions, d’analyses et d’ajustements dans son application, ce qui témoigne bien de la maturité des professions qu’il encadre.