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Retour sur les événements phares du congrès 2018 et sa soirée festive riche en émotions

Hélène de Billy, journaliste et écrivaine



Photo : Louis-Étienne Doré
L'animateur de la soirée, Gregory Charles, la Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l'Ordre, Éric St-Pierre, fondateur de la Fondation Mira, Johanne de Montigny, récipiendaire du Prix professionnel 2018, Dre Francine Lussier, neuropsychologue, récipiendaire du Prix Noël-Mailloux 2018, Harry Timmermans, récipiendaire du prix Mérite du CIQ 2018 et Denis Leclerc, secrétaire du comité exécutif du CIQ et président de l'OPPQ.

Congrès 2018 de l'Ordre : souligner le rôle essentiel du psychologue en matière de santé mentale

« Le succès du 25e congrès me réjouit parce qu’il confirme la maturité et la grande ouverture d’esprit de nos membres », a confié la Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre, au terme du rassemblement qui a réuni plusieurs centaines psychologues au Centre des congrès de Québec. Pendant trois jours, soit du jeudi 11 octobre au samedi 13 octobre, les congressistes ont été invités à discuter de pratiques innovantes ainsi que des plus récentes découvertes en matière de psychologie moderne. Traitement du trouble d’anxiété généralisé, psychothérapie à l’endroit des personnes issues des Premières Nations, soutien des personnes avec un trouble neurocognitif, cannabis et santé mentale : toutes les activités au programme s’inscrivaient dans un grand mouvement de réflexion sur le rôle primordial du psychologue en santé mentale au Québec. Retour sur quelques-uns des moments phares et des faits saillants survenus à Québec dans le cadre de ce congrès.

Une conférence d’ouverture inspirante

Comme le veut la tradition, le congrès a débuté par la conférence d’ouverture de la présidente de l’Ordre. Dans son allocution, la Dre Grou a invité les psychologues à s’engager et à affirmer leur leadership dans les milieux où ils exercent. « Il ne faut jamais oublier les raisons pour lesquelles, pour notre clientèle comme pour la société québécoise, nous sommes des piliers de la santé mentale», a-t-elle déclaré en faisant écho au thème rassembleur de ce 25e congrès.

« Comme psychologue, a-t-elle ajouté, j’ai eu la chance d’être formée auprès de collègues où tous et chacun apportait ses lumières. Cette interconceptualité constitue pour la pratique clinique une avancée majeure et je crois qu’en toute justice, nous devons cette richesse à notre clientèle. »

La cérémonie des Prix de l’Ordre : une soirée haute en émotions

Comme il est d’usage, l’Ordre a profité de son congrès annuel pour souligner l’apport exceptionnel de certains de ses membres en leur attribuant des prix au cours d’une soirée festive animée par un artiste de renom. Les congressistes ne sont pas près d’oublier cette célébration riche en émotions coanimée par le musicien et animateur vedette Gregory Charles ainsi que la présidente de l’Ordre.

Durant la cérémonie, lorsque Mme Johanne de Montigny a reçu le trophée reconnaissant son travail exemplaire sur le deuil, Gregory Charles est intervenu pour souligner l’excellence du travail des psychologues auprès de son père endeuillé quelques mois auparavant. Ému, il a enchaîné en citant les propos de sa petite fille, Julia : « Ah! les psychologues, ce sont les gens qui enlèvent la peine aux gens. » Les mots de l’enfant de 6 ans semblaient taillés exprès pour le congrès. Dans sa conférence prononcée le matin même, la Dre Christine Grou avait en effet évoqué les changements du rôle du psychologue dans l’imaginaire collectif, trop longtemps confiné à la caricature et qui est aujourd’hui associé à un professionnel sensible, crédible et qui n’est pas gêné par la peine des gens, justement.

La cérémonie débutait à peine et très vite l’assistance a été gagnée par l’enthousiasme. Lorsque l’animateur vedette s’est installé au piano, il a invité les convives à lui faire part à tour de rôle d’une date importante de leur vie. À chacune des années évoquées, le pianiste virtuose, « fils d’un monsieur qui venait de la Barbade et d’une maman organiste à l’église de la paroisse Saint-Germain-de-Grantham », a improvisé de mémoire une chanson populaire correspondant à la date en question. Il a ainsi joué les Beatles, Simon and Garfunkel, Jean-Pierre Ferland, Johnny Farago... Complicité, rires et chansons : la soirée ne pouvait être plus réussie.

Remise des Prix 2018 : l’excellence au rendez-vous

Le prix Noël-Mailloux, la plus haute distinction de l’Ordre, a été attribué en 2018 à la Dre Francine Lussier pour sa contribution exceptionnelle à la neuropsychologie, son rayonnement à l’international, son esprit d’entreprise et son apport à la communauté scientifique.

Neuropsychologue spécialisée dans les troubles comportementaux chez l’enfant, fondatrice d’une clinique privée employant aujourd’hui 40 personnes, professeure associée à l’Université du Québec à Trois-Rivières, la Dre Lussier est une pionnière dans l’étude et le traitement du syndrome de Gilles de la Tourette, caractérisé entre autres par des tics et des symptômes obsessionnels compulsifs.

« En 1987, au moment d’entreprendre ma thèse, a-t-elle confié avant la cérémonie, j’avais recensé un total de 117 références sur le sujet depuis le XIXe siècle. À l’époque, à peu près personne ne s’intéressait au syndrome de Tourette. J’avais rencontré un jeune patient très attachant. J’étais passionnée. J’ai persisté. »

En 1994, la Dre Lussier, neuropsychologue fonde à Montréal le Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique (CENOP), spécialisé dans la rééducation en cas de troubles d’apprentissage. Il s’agit aujourd’hui de l’une des plus importantes cliniques privées de neuropsychologie infantile au Québec.

Femme de terrain, Francine Lussier a aussi organisé des camps d’été. « J’ai accompagné beaucoup d’enfants. Ce sont eux qui m’ont le plus appris », tranche-t-elle. Cependant, elle ajoute qu’elle offre aussi son soutien à leurs parents, souvent écrasés par les critiques qui fusent de toute part sur leur manière d’éduquer leur enfant. « Les parents sont souvent mis au ban de la société à cause de leurs enfants, a-t-elle déclaré en entrevue. J’ai toujours été touchée par la grande souffrance des parents. »

Auteure prolifique, la Dre Lussier a publié plusieurs ouvrages. Son classique Neuropsychologie de l’enfant : troubles développementaux et de l’apprentissage, publié par Dunod, en est à sa troisième édition. Elle y présente les nouvelles méthodes d’évaluation prenant appui sur la neuropsychologie.

Signé en collaboration avec Line Gascon et Gisèle Chiniara, son dernier livre, Tics? Toc? Crises explosives (Éditions Tom Pousse, 2018), est rapidement devenu un best-seller outre-Atlantique. « Je reçois beaucoup de courriels de Français qui cherchent à mieux comprendre cette maladie, dit-elle. C’est un peu paradoxal étant donné que c’est un Français, Gilles de la Tourette, qui, le premier, [en 1885,] en a décrit les symptômes. Mais comme en France le syndrome est tombé dans l’oubli, la maladie y est peu connue par rapport à la place qu’elle occupe en Amérique du Nord. »

Dans la vidéo hommage diffusée durant la soirée et qu’on peut visionner sur la page Facebook de l’Ordre, l’une des filles de Francine Lussier, Judith, chroniqueuse et journaliste, rappelle pourquoi un tel prix détient une réelle valeur à ses yeux. « Francine est très anticonformiste. Elle n’a jamais fitté dans aucune institution. Alors je trouve ça beau que l’Ordre la reconnaisse au sein de l’institution aujourd’hui. »

Pour la Dre Maryse Lassonde, neuropsychologue, professeure retraitée de l’Université de Montréal et présidente du Conseil supérieur de l’éducation, la récipiendaire du prix Noël-Mailloux est un modèle à suivre. « Dans sa clinique, explique-t-elle dans la même vidéo, Francine a favorisé une approche multidisciplinaire. Elle a standardisé des tests, ce qui n’avait jamais été fait pour les enfants atteints du syndrome de Gilles de la Tourette. Elle a organisé des sessions de formation pour les étudiants québécois et étrangers. Elle est toujours restée à la fine pointe des derniers développements en neuropsychologie et elle a fait montre d’un véritable leadership. »

En recevant son prix, la Dre Lussier a d’abord remercié son père, décédé alors qu’elle n’avait que 7 ans. « Mon père avait étudié avec le père Mailloux, le grand pédagogue qui a donné son nom au prix que je reçois aujourd’hui. Il était de la promotion des premiers psychologues, celle de 1943. Et je me suis souvenu en venant ici que le père Mailloux avait assisté aux funérailles de papa en 1954. »

Aussi spécialiste du TDAH, la Dre Lussier a confié vivre elle-même avec un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, une réalité qu’en « cordonnier mal chaussé » elle n’a pas cru bon de vérifier avant ses 40 ans.

« J’ai toujours su que j’étais différente et c’est ce qui m’a permis de traiter mes patients avec empathie, a-t-elle conclu. Je veux donc dire merci à nos différences qui finissent par devenir des forces. »

Prix professionnel à une pionnière pour sa contribution exceptionnelle à l’endroit des personnes en fin de vie

Remis à un membre de l’Ordre pour souligner ses réalisations remarquables, le Prix professionnel 2018 a été attribué à Mme Johanne de Montigny pour ses compétences exceptionnelles et sa contribution à l’endroit des personnes en fin de vie.

Psychologue spécialisée en suivi de deuil et en accompagnement à l’endroit des personnes en fin de vie, Mme de Montigny a survécu à un écrasement d’avion en 1979, un drame qui l’a amenée à soutenir d’autres personnes confrontées à la mort ou à des deuils multiples.

Au cours de sa carrière, elle a publié plusieurs articles scientifiques, donné des centaines de conférences au pays et à l’international, en plus de rédiger nombre d’ouvrages. À l’Hôpital Royal Victoria de Montréal, à partir de 1988, elle a occupé le premier poste de psychologue clinicienne dans une unité de soins palliatifs au Québec. Elle a poursuivi sa pratique en psychologie du deuil au CUSM jusqu’en 2015. Dans ces deux établissements, elle a supervisé le travail d’une vingtaine de doctorants désireux de mieux comprendre les phénomènes reliés à la mort et de bien saisir le processus de deuil.

En 1990, elle cosigne avec l’auteure et psychologue française bien connue Marie de Hennezel le livre L’amour ultime, qui traite de psychologie et de tendresse dans la traversée du mourir. Son plus récent livre, Quand l’épreuve devient vie (Médiaspaul, 2010), répond aux questions sur l’accompagnement, la mort et la résilience.

Aujourd’hui, elle reçoit en pratique privée des patients atteints d’une maladie sévère ainsi que leurs proches aidants. Les chocs de la vie, la souffrance existentielle, les soins palliatifs et la quête de sens comptent parmi les principaux thèmes reliés à son champ clinique.

En recevant son prix, Mme de Montigny a rappelé les événements tragiques qui ont orienté sa carrière et changé sa vie. « Ce soir, a-t-elle déclaré, j’éprouve un sentiment étrange à me retrouver au Hilton de Québec pour recevoir un tel honneur alors que c’est d’ici même, il y a de nombreuses années, que je suis partie prendre l’avion qui allait s’écraser et faire basculer ma vie. L’expérience du crash m’a insufflé le souci des êtres dont la vie s’achève et qui en éprouvent une détresse que je sais possible d’apaiser. »

Après une pause, elle a enchaîné : « Votre regard sur ce que j’ai accompli durant les 30 dernières années me touche immensément et me rend à la fois humble et fière d’appartenir à la communauté des psychologues. Ce prix m’honore et je ferai tout pour l’honorer. »

Prix « Mérite du CIQ » : un psychologue engagé dans le bien-être des enfants

Un des premiers psychologues à se consacrer à la médiation familiale au Québec, M. Harry Timmermans, a toujours eu à cœur le bien-être des enfants qui trop souvent paient le prix de la séparation de leurs parents. C’est donc en raison de son engagement et de son implication envers les couples et les familles traversant le difficile passage de la séparation ou du divorce que le psychologue Harry Timmermans a reçu le prix « Mérite du CIQ » 2018. Ce prix est remis par le Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) sur recommandation de l’Ordre.

« Recevoir ce prix est une surprise et un bonheur », a affirmé M. Timmermans. Le récipiendaire, qui est membre de l'Ordre depuis plus de 48 ans, a également tenu à remercier ses clients et « tous ceux qui [lui] ont fait confiance [et lui ont permis] de les aider ».

Un prix pour la Fondation Mira… et une ovation pour son fondateur, Éric St-Pierre

Décerné à une personne ou à une organisation en reconnaissance de son engagement ainsi que de sa contribution à la santé mentale des Québécois, le Prix de la santé et du bien-être psychologique 2018 a été attribué à la Fondation Mira, un organisme sans but lucratif qui ne reçoit aucune subvention gouvernementale et s’autofinance avec les dons du public et du secteur privé.

Bien connue pour ses chiens guides offerts aux personnes vivant avec des déficiences visuelles, la Fondation Mira a élargi son programme de chiens d’assistance pour venir en aide aux jeunes présentant un trouble du spectre de l’autisme.

Depuis 2010, des dizaines de chiens sont entraînés pour répondre à cette clientèle – 50 % des chiens Mira, soit environ une centaine, sont formés à cette fin aujourd’hui. Et des études effectuées en collaboration avec différentes universités ont démontré une réduction significative du cortisol (hormone de stress) tant chez l’enfant que chez les parents à la suite de l’attribution d’un chien d’assistance de la Fondation Mira.

Non-voyant de naissance, le psychologue François Côté a proposé la candidature de Mira pour ce prix, ayant pu juger lui-même de l’utilité de l’organisme à but non lucratif fondé il y a plus de 40 ans par Éric St-Pierre.

« J’ai bénéficié de l’assistance de deux chiens Mira au cours d’une trentaine d’années. J’ai calculé avoir mené 12 000 entrevues accompagné de chiens dans ma clinique privée. La présence des chiens permettait aux gens d’exprimer davantage leurs émotions. »

Au-delà de la sympathie qu’il éprouve pour le créateur de la Fondation Mira, c’est le travail de l’organisme auprès des enfants touchés par le syndrome de l’autisme qui l’a convaincu de présenter cette candidature. « Il s’agit d’une œuvre extraordinaire qui s’inscrit dans le prolongement d’un organisme qui favorise l’autonomie des gens. Pour l’enfant avec des troubles cognitifs, c’est extraordinaire. Car, contrairement aux autres intervenants, le chien est disponible 24 h sur 24. »

Applaudi chaleureusement par la grande famille des psychologues, le président et fondateur de la Fondation Mira, M. Éric St-Pierre, est monté sur scène en compagnie du chien Tolkien, mélange de bouvier bernois et de labrador. Ce chien est un spécimen de la race St-Pierre, créée par la Fondation Mira pour son tempérament, sa stabilité d’humeur et sa sensibilité et nommée en l’hommage du fondateur.

M. St-Pierre a évoqué avec humour les 40 dernières années passées avec ses chiens et ses chums à « essayer de convaincre du monde que j’étais un bon gars. Faut être fou pour embarquer dans un trip de même », a-t-il enchaîné. Puis, alors que, gagné par l’émotion, chacun essuyait une larme, il a repris : « Moi, j’ai passé la plus belle des vies. Je me suis servi de mon intuition. J’ai parlé avec mon cœur. Mira, ça appartient à tous les Québécois. »

M. St-Pierre s’est interrompu pour signaler que son chien était en train de manger son trophée. L’anecdote a permis à la salle de s’offrir un fou rire. Les applaudissements ont fusé. Un beau moment d’humanité et de partage.