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Des formations axées sur le savoir et la pratique clinique


Pendant deux jours, les vendredi 18 et samedi 19 novembre 2016, les congressistes étaient invités à assister à une série d’ateliers animés par des experts venus livrer leurs observations sur les plus récentes découvertes en matière de psychothérapie. Il a été question de troubles de personnalité limite, d’aliénation parentale, de paternité, d’accompagnement, de deuil, etc. Voici les faits saillants de quelques-uns de ces ateliers.

Utilisation thérapeutique du processus de reconsolidation de la mémoire 

Le matin du 18 novembre, le psychologue Mathieu Perreault et son collègue Jérôme Bossé, tous deux de Sherbrooke, sirotent un café en attendant le début de l’atelier « Neuropsychothérapie : processus de reconsolidation de la mémoire par la thérapie de la cohérence » présenté par le Dr Pierre Cousineau et la Dre Sophie Côté, psychologues.

Les deux Sherbrookois envisagent la journée avec une certaine excitation : « Ça risque d’enrichir la pratique », dit Jérôme. « Mais ça ne révolutionne pas tout », ajoute Mathieu, prudent.

Peut-on modifier des mémoires émotionnelles acquises précocement? Si oui comment? Pour le Dr Pierre Cousineau, le processus de reconsolidation de la mémoire est un outil précieux basé sur des principes scientifiques qui ouvre la porte à la résolution de stratégies dysfonctionnelles tenaces en modifiant les schémas sur lesquels elles reposent.

Au tout début de la présentation, la Dre Sophie Côté a évoqué le rôle du psychologue américain Bruce Ecker dans le développement des nouveaux traitements pour modifier des réactions émotionnelles enracinées. Créateur, avec des collaborateurs, de la thérapie de la cohérence, Bruce Ecker est l’auteur principal de Unlocking the Emotional Brain, un ouvrage datant de 2012 sur la thérapie de la cohérence. « Deux semaines après avoir lu ce livre, a dit la Dre Côté, j’avais changé ma façon de travailler. »

Les participants disposaient de six heures de formation intensive pour se familiariser avec la méthode de la reconsolidation de la mémoire, pour en connaître les étapes et les bases empiriques. En cours de route, les formateurs les encourageaient à puiser dans leurs propres habiletés et outils cliniques pour appliquer le processus de reconsolidation thérapeutique de manière à permettre de déraciner les apprentissages émotionnels (symptômes et construits) à leurs sources neuropsychologiques et d’ainsi obtenir des résultats durables. Dans la salle, on aurait pu entendre une mouche voler. 

Mettre à jour ses connaissances sur le traitement des troubles d’anxiété

Psychologue, professeur à l’Université du Québec en Outaouais et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en cyberpsychologie clinique, le Dr Stéphane Bouchard est originaire de Baie-Saint-Paul. Il a étudié à Québec et a fait de la supervision un peu partout dans le monde, dont en Guadeloupe. Le Dr Bouchard a notamment développé une expertise dans l’utilisation de la réalité virtuelle dans le traitement des troubles anxieux.

Dans son atelier de mise à jour sur les troubles d’anxiété chez l’adulte, le Dr Bouchard a fait état des dernières recherches appuyant le modèle biopsychosocial dans la conceptualisation et le traitement des troubles d’anxiété (du microbiome intestinal jusqu’aux réseaux sociaux comme Facebook, en passant par l’épigénétique, la mémoire, l’apprentissage, les interactions sociales, la pleine conscience, la réalité virtuelle, etc.). Il a également discuté des données probantes quant aux stratégies d’intervention en thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Ici comme ailleurs, a-t-il plaidé, les progrès sont incontournables. « Quand j’étais étudiant, un neurone détruit, c’était fini pour toujours. Aujourd’hui, les recherches démontrent la plasticité du cerveau. Même le fait d’évoquer un souvenir peut modifier ce qui est encodé en mémoire. » 

Le Dr Bouchard a également parlé de la nécessité pour les psychologues de s’adapter aux facteurs biosociaux de leur clientèle. « Les maladies mentales doivent être envisagées dans un contexte culturel, a-t-il prévenu sinon vous allez manquer le bateau. » Le psychologue a ensuite enchaîné sur les différentes façons d’intégrer les neurosciences dans la pratique clinique de la psychothérapie. Il a beaucoup insisté sur les façons contemporaines de comprendre et appliquer l’exposition dans la TCC.

Dans la salle, le psychologue en milieu scolaire Deogratias Bagilishya a aimé l’allusion au multiculturalisme. « La profession est encore dominée par les descendants d’Astérix », a ironisé l’intervenant, qui a fait ses études à Angers, en France. Il s’est dit d’accord avec le conférencier pour tenir compte de « la relation dynamique entre le biologique et le psychosocial ». Quant aux neurosciences, il convient qu’on doit en tenir compte. « Ça fait partie des outils qu’on peut utiliser. » 

Aliénation parentale : un phénomène en pleine croissance

Psychologue clinicienne et chercheuse, la Dre Francine Cyr est également coordonnatrice de projet à la Cour supérieure de Québec. Intitulé « Intervenir dans les situations de séparation hautement conflictuelles et d’aliénation parentale », l’atelier présenté par la Dre Cyr et trois collaboratrices portait sur un phénomène parfois méconnu, mais cependant en pleine croissance chez les couples séparés : l’aliénation parentale. Il s’agit de stratagèmes mis de l’avant par les parents en guerre qui s’arrachent leurs enfants, aux dépens de ceux-ci. Au Canada, de nombreux cas sont devant la justice et, que ce soit en amont ou en aval, les psychologues sont appelés à intervenir.

La Dre Cyr a commencé sa conférence avec un tour d’horizon, fondé sur la recherche et les observations cliniques, des différents enjeux associés à la séparation parentale. Elle a fourni des pistes qui aident à reconnaître les conduites susceptibles de mener à l’aliénation parentale dans des séparations hautement conflictuelles et qui permettent de comprendre la contribution de l’enfant dans cette dynamique familiale.

La Dre Cyr a terminé en faisant un inventaire de dispositifs novateurs d’intervention psychologique destinés à aider ces parents à dépasser leurs conflits et à rester centrés sur le bien-être de l’enfant.

Psychologue à Trois-Rivières, Michelle Hamelin a été impressionnée par le travail mené par la chercheuse. « Par un drôle de hasard, j’ai un dossier d’aliénation parentale sur mon bureau. Un enfant en bas âge a été enlevé à sa mère. Je suis convaincue qu’avec les méthodes mises de l’avant par la Dre Cyr, on aurait mieux résolu cette crise. » 

Apprendre à se délester de l’inutile

Psychologue en soins palliatifs durant plus de 25 ans, conférencière, auteure de quatre livres et de plusieurs articles scientifiques sur la relation à la mort et le deuil, Johanne de Montigny est aussi une survivante. Dans la salle durant cet après-midi de novembre, aucun participant n’ignore qu’en 1979 elle a survécu à un écrasement d’avion qui a tué 17 des 24 passagers. Est-ce le parcours de la rescapée qui donne tant de poids aux paroles de la psychologue ? 

Au cours de l’atelier intitulé « Deuil et impact des pertes de capacités physiques », Mme de Montigny s’exprime avec grande douceur, ce qui nous donne l’impression de participer à une conversation plutôt qu’à une conférence. Elle rappelle que nul n’est prêt à faire face à la perte de ses capacités physiques, pas plus qu’à la mort. Il est important pour le psychologue, enchaîne-t-elle, de bien saisir les mécanismes de défense déployés par le patient pour affronter la détresse. Reconnaissant ses limites, l’intervenant devrait se mettre « en état de stricte humilité ». Parmi les comportements à proscrire : la posture du connaisseur et l’arrogance du savoir.

Pionnière de l’intervention du psychologue en soins palliatifs, Mme de Montigny a parlé de peur, d’impuissance, de maturité. Dans chaque chambre, a-t-elle souligné, il y a une histoire unique. « Face à la mort, qu’est-ce qu’on a à offrir? Notre présence. Ne pas fuir, c’est déjà une intervention. » 

Parfois, on s’attache à la personne qui agonise devant soi. « Autrement dit, le psychologue peut être remué par les passages de la vie à la mort. » Il importe de pratiquer le « détachement aimant ». Elle rappelle son lien avec l’approche théorique humaniste.  « Les mourants m’ont appris le silence. On doit développer une maturité personnelle, i.e. offrir son ancrage à celle ou celui qui perd du terrain. »

À la fin de son atelier, Mme de Montigny a été chaudement applaudie. Un participant l’a remerciée de sa présence et de son authenticité. Pour Marie-Claude Ayotte, psychologue en Mauricie, Mme de Montigny propose un supplément d’âme. « Avec elle, on est dans l’essentiel. »

Le retour du père

Le père a longtemps été relégué aux oubliettes dans la société québécoise. Réputé absent, il n’est entré que tout récemment dans le monde des sciences et des pratiques sociales. Psychologue, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières et directeur du Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille, le Dr Carl Lacharité compte parmi les grands experts de l’expérience et de l’engagement paternel.

Dans le cadre de l’atelier « Paternité, développement de l’enfant et vie de famille », le Dr Lacharité a abordé de nombreux thèmes reliés à la promotion et au soutien à l’engagement paternel. Le chercheur a parlé d’un champ d’étude en pleine évolution : « L’intervention auprès des pères a énormément progressé au Québec ces dernières années. La nécessité d’intervenir auprès de pères n’est plus à démontrer. »

Le Dr Lacharité a insisté sur l’importance pour le psychologue d’identifier les dimensions et les déterminants de l’engagement paternel. Il a scruté pour les congressistes les phénomènes de la coparentalité et de l’alliance parentale. Il a aussi mis l’accent sur les multiples rôles que le père est susceptible de jouer dans le développement du jeune enfant. Le professeur s’est attardé aux situations de vulnérabilité psychosociale qui interfèrent avec l’exercice des responsabilités parentales. De plus, il a réitéré la nécessité d’inclure les pères à l’intérieur du dispositif de services à la famille et d’adapter les pratiques de ces organismes en fonction de leurs besoins.

Les propos du Dr Lacharité ont beaucoup fait réfléchir Jean-François Boivin, psychologue à Chicoutimi. « Je me suis rendu compte que je ne sollicitais pas assez l’opinion des pères. Pourtant, les recherches le prouvent : quand il est interpellé, le père répond présent. »

La petite musique qui nous donne des ailes

Professeure depuis 10 ans à l’Université du Québec à Montréal, où elle est responsable du cours de supervision et de consultation, Danielle Desjardins a longuement étudié les facteurs qui distinguent une psychothérapie efficace. 

« Pour un même thérapeute, les résultats varient », a expliqué la psychologue au cours de l’atelier de formation sur « les facteurs communs et autres histoires de thérapie ». Pour amener une personne souffrante à profiter des bienfaits d’une thérapie, a-t-elle ajouté, il ne faut pas miser uniquement sur ses connaissances ou sur sa formation. Ce mélange regroupe un nombre de facteurs communs aux différentes approches théoriques, sur lesquels les participants ont été amenés à réfléchir.

Espoir et engagement du client, capacité d’écoute de l’intervenant, déploiement de l’alliance thérapeutique : chaque thérapeute développe sa propre musique à partir de ces thèmes pour moduler à sa façon sa pratique. Il est aussi important de réfléchir sur les différentes variables dans l’évaluation thérapeutique. La Dre Desjardins a également encouragé les participants à savoir optimiser les conditions nécessaires au travail thérapeutique efficace.

La personnalité limite au peigne fin

Noémie a 30 ans, elle est célibataire et elle se mutile. À la suite d’un ixième échec amoureux, elle est revenue habiter chez sa mère. « Ma vie, c’est d’la marde », explose la jeune femme sur la vidéo. Visant à illustrer trois approches de traitement du trouble de la personnalité limite (TPL), la mise en situation était au cœur de l’atelier animé par le Dr Conrad Lecomte, psychologue, et co-animé par le Dr Pierre David, psychiatre à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. 

Pour présenter cette vignette illustrée intitulée « Analyse comparative de trois thérapies reconnues efficaces pour les troubles de la personnalité limite », le Dr Lecomte était également accompagné par trois cliniciens expérimentés : les psychologues Martin Roy et Frédéric Pérusse, de Montréal, et l’ergothérapeute et psychothérapeute Hélène Poitras. Intervenant à tour de rôle sur le cas (fictif) de Noémie, ces trois cliniciens modelaient leurs modes d’intervention selon l’une ou l’autre des approches reconnues pour le traitement du TPL, soit la thérapie comportementale dialectique (TCD), la thérapie centrée sur les schémas (TCS) et le traitement basé sur la mentalisation (TBM). Après plusieurs visionnements de la vidéo, chaque clinicien présent y allait de ses observations. Quant au Dr David, il a mis en lumière les principes communs de ces approches, « ce qui fait consensus ».

La salle était pleine à craquer pour entendre le Dr Lecomte et ses acolytes. Lauréat du prix Noël-Mailloux 2012, le Dr Lecomte est une sommité de la profession. Ses recherches portent sur les facteurs communs en psychothérapie. Il est professeur à l’Université de Montréal, à l’Université de Sherbrooke, à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université de Paris. 

En plénière, le Dr Lecomte a rappelé que les personnes qui ont un TPL ont connu plusieurs expériences d’abandon, de trahison, d’exploitation au cours de leur existence. Comment, alors, établir un lien fiable avec un être qui en a connu très peu? D’un côté, a-t-il établi, le thérapeute peut compter sur une science de plus en plus efficace pour créer un traitement sur mesure, adapté à la personne. Néanmoins, a prévenu le Dr Lecomte, il n’y a rien de gagné. « On a beaucoup à apprendre dans ce domaine, et la mauvaise nouvelle, c’est que nous sommes peu doués pour régulariser nos états internes de manière à bâtir des liens avec ces gens-là. »

Trois approches psychothérapeutiques sur un cas de dépression complexe

Une cliente dépressive se présente à votre bureau. Elle est chef de famille monoparentale et atteinte d’un trouble d’anxiété généralisée. Craignant de ne pas être une bonne mère pour ses deux adolescents, elle manifeste des traits de personnalité obsessionnelle compulsive. Référée par son médecin, elle est méfiante quant au fait de consulter un psychologue, mais se sent obligée de le faire, car elle pleure de plus en plus souvent.

Comment concevoir cette problématique? a demandé Jean-Guy Rochefort en présentant les paramètres de sa vignette clinique. Celle-ci visait à établir trois approches psychothérapeutiques sur un cas de dépression complexe. Quels sont les critères utilisés pour définir le problème de la cliente? Quel type de traitement offrir? Le cas a beau être fictif, a rappelé M. Rochefort, il présente des problèmes sur lesquels les psychologues sont fréquemment appelés à travailler.

Psychologue clinicien au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, M. Rochefort était assisté dans sa présentation par deux psychologues, le Dr Marc-Simon Drouin et le Dr Pierre Cousineau, respectivement de l’approche humaniste et de l’approche cognitive comportementale, et par la psychologue et psychanalyste Dominique Cosandey, superviseure à l’Institut Argyle.

Après avoir présenté leur vision du cas clinique, les panélistes ont répondu aux questions des congressistes. L’exercice a permis de comprendre les limites associées à chacune des modalités de traitement, mais également leurs forces. Il ne s’agissait donc pas d’évaluer telle approche au détriment d’une autre, mais plutôt, a indiqué M. Rochefort, de voir « comment la complémentarité, le soutien clinique, le diagnostic différentiel et toute forme de collaboration sont les avenues de l’avenir ».