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Échanges par courriel et texto dans le cadre professionnel

Dre Isabelle Marleau, psychologue et directrice de la qualité et du développement de la pratique sortante de l'Ordre des psychologue du Québec.


Les psychologues peuvent régulièrement se poser les questions suivantes : puis-je envoyer des courriels et des textos à mes clients? Que faire avec les courriels et les textos reçus de mes clients? Qu’en est-il de l’échange d’informations par courriel et par texto avec d’autres professionnels et intervenants? Et surtout, quelle conduite tenir quant à la tenue de dossier dans chacun de ces cas de figure?

Devant la prévalence grandissante de pratiques qui s’appuient sur de telles technologies, nous vous proposons ici quelques balises dans le but de favoriser l’efficacité des communications, tant avec les clients qu’avec d’autres intervenants engagés auprès de ceux-ci, et ce, dans un contexte où l’interdisciplinarité prend son importance. Ces balises tiennent évidemment compte des obligations qu’édictent le Code de déontologie des psychologues et le Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues, et mettent de l’avant l’intérêt supérieur du client¹.

Considérations déontologiques préalables

Avant de procéder à toute communication par courriel ou par texto, le psychologue et le client doivent s’entendre sur la ou les modalités retenues et leur utilité en vertu du mandat et des objectifs.

Ainsi, il est primordial de s’assurer du consentement libre et éclairé du client quant à l’utilisation de cette modalité avant de procéder. Cela implique notamment d’avoir abordé avec le client les avantages et les inconvénients de l’envoi de matériel par courriel ou par texto (en fonction de la sensibilité de ce matériel) et d’avoir précisé le cadre dans lequel la modalité sera utilisée.

Par ailleurs, le client pourrait croire que les communications par le biais de ces modalités se feront dans l’immédiateté et, à cet égard, il importe que le psychologue l’informe des délais possibles à lui répondre s’il lui adresse un courriel ou un texto. De plus, il y a lieu de souligner au client qu’en situation d’urgence nécessitant une action immédiate, on lui recommande de communiquer avec un centre de crise ou de se rendre à l’urgence d’un centre hospitalier plutôt que de demander de l’aide au psychologue par la voie d’un courriel ou d’un texto. Le psychologue doit demeurer conscient que la communication par courriel et par texto peut être propice à une transgression des frontières professionnelles ; il doit rester vigilant afin d’établir un cadre clair à ce sujet en début de suivi et de préserver la distance professionnelle requise.

Dans un autre ordre d’idées, le psychologue doit transmettre à son client les informations nécessaires à l’appréciation des enjeux de sécurité que l’utilisation de courriels et de textos peut poser. Lorsque l’envoi de courriels est le mode de communication privilégié, le psychologue doit prendre tous les moyens en sa possession afin d’éviter une violation du secret professionnel : il relève de sa responsabilité de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la confidentialité des informations en regard des logiciels utilisés sur son ordinateur et de la gestion de ses données informatiques. Afin de préserver la confidentialité, le psychologue devrait s’assurer que le courriel du client n’est pas une adresse de groupe ou utilisée par d’autres membres de la famille.

De plus, le client doit être informé des risques que le logiciel utilisé pour les communications ne peut garantir la confidentialité absolue et que des bris de confidentialité hors du contrôle du psychologue pourraient survenir. À cet égard, une bonne pratique est de mentionner ceci à son client :

Les services de messageries électroniques (par exemple Gmail, Hotmail, Yahoo) ne peuvent garantir la confidentialité des communications. Ainsi, si vous communiquez avec moi par courriel ou par texto, vous acceptez les risques de compromission de la confidentialité des informations transmises. Sachez cependant que j’utiliserai tous les moyens possibles à ma portée afin d’assurer la protection des informations que vous me transmettrez.

Lorsque le mode de communication est le texto, le psychologue doit :

  • s’assurer que le répertoire téléphonique de ses clients est distinct de tous ses autres répertoires, que ceux-ci soient personnels ou professionnels;
  • garder en tête qu’il est possible que ce ne soit pas le client qui utilise l’appareil intelligent ou la messagerie au moment de l’échange.

L’échange de courriels et de textos avec des clients

Lorsque le message concerne un point technique
Il est possible d’utiliser la communication par courriel ou par texto lorsque les informations échangées concernent des points techniques (date de rencontre, modification à l’horaire, annulation d’un rendez-vous, etc.).

En pareille situation, il n’est pas nécessaire de verser le courriel ou le texto au dossier, et ce dernier peut être détruit. Toutefois, dans certains cas, le psychologue peut juger pertinent, en raison d’impératifs cliniques, de les conserver au dossier de son client. Le psychologue pourrait alors décider, de surcroît, d’en témoigner dans une note au dossier, notamment pour étayer un patron d’absences (une information pouvant s’avérer utile à la gestion du cadre psychothérapeutique).

Lorsque le message concerne du matériel clinique
Le psychologue peut, dans le respect de ses obligations déontologiques, échanger des courriels ou des textos à contenu clinique avec ses clients. En cette matière comme en d’autres, c’est l’exercice du jugement clinique qui prévaut et qui permettra de déterminer s’il s’agit de la meilleure modalité pour servir l’intérêt supérieur du client, et ce, en fonction du type de contenu clinique envoyé et de la sensibilité de ce contenu.

Également, le psychologue doit juger s’il s’agit du moment opportun pour l’utilisation de cette modalité.

À titre indicatif, ces échanges pourraient être jugés utiles pour communiquer des questionnaires à remplir ou des exercices à effectuer entre les rencontres, des conseils généraux de santé (par exemple des règles d’hygiène de sommeil) ou l’adresse d’un site Web permettant d’accéder à un document ou à une vidéo (par exemple une technique de méditation).

Ces courriels et ces textos doivent être déposés tels quels au dossier du client, et il n’est pas nécessaire d’ajouter une note au dossier les concernant.

Néanmoins, pour des raisons techniques, le dépôt de textos au dossier du client n’est pas toujours aussi facile qu’avec les courriels (que les dossiers soient en format électronique ou papier). Il est alors possible et acceptable de documenter le contenu de l’échange par textos avec le client sous la forme d’un compte rendu, à la manière d’une note de conversation téléphonique.

Finalement, les courriels et textos échangés avec un client ne doivent pas rester sur les appareils intelligents du psychologue lorsque l’échange est terminé et déposé au dossier. Le psychologue doit aussi porter une attention toute particulière à une éventuelle duplication des informations en raison de la synchronisation qui pourrait s’effectuer sur de multiples appareils électroniques, ainsi qu’aux éventuelles copies qui seraient conservées sur un nuage (cloud).

L’échange de courriels ou de textos avec d’autres professionnels et intervenants

Les psychologues peuvent échanger des courriels et des textos avec d’autres professionnels et intervenants à condition de respecter leurs obligations déontologiques. Dans le contexte des échanges interprofessionnels, il importe notamment de distinguer les échanges qui portent sur un contenu clinique général (où il n’y a pas de client identifié) des échanges qui visent un client spécifique, formellement identifié.

Lorsqu’aucune donnée ne permet d’identifier le client, le consentement libre et éclairé de ce dernier n’est pas nécessaire à l’échange entre professionnels. Bien que ce type de consultation ne nécessite aucune tenue de dossier, le psychologue pourrait juger pertinent de témoigner de sa démarche dans un dossier, pour mieux comprendre ou encore pour mieux intervenir².

Par ailleurs, si le matériel partagé comporte une information distinctive permettant d’identifier le client de quelque manière que ce soit, il faut obtenir le consentement libre et éclairé de ce dernier, par écrit, avant de procéder à l’échange. Cela est vrai peu importe la modalité utilisée pour l’échange, incluant les échanges effectués par courriel ou par texto. Dans la situation qui concerne un client connu et identifié, le psychologue doit placer le courriel ou le texto tel quel dans le dossier du client. Il n’est pas nécessaire d’ajouter une note au dossier faisant état de ladite consultation. S’il y a impossibilité technique à verser l’intégralité du courriel ou du texto dans le dossier, il est possible de verser une note au dossier qui en fait le résumé.

Conclusion

L’utilisation des courriels et des textos, comme celle du téléphone ou de la vidéoconférence, comporte des avantages et des inconvénients qui sont propres à chaque outil et dont il faut tenir compte dans l’exercice du jugement professionnel. À cet égard, certaines modalités de communication permettent plus difficilement de faire état de nuances importantes sur le plan clinique. D’ailleurs, toute communication, orale ou écrite, peut prêter à confusion ou à interprétation. Il est donc essentiel de s’assurer que l’usage accru des courriels et des textos ne porte pas préjudice au client, et que le jugement du psychologue prévaut dans le choix des modalités d’intervention.

Pour aller plus loin concernant l’utilisation de la vidéoconférence, vous pouvez vous référer à la chronique professionnelle intitulée « La télépratique : le recours à la vidéoconférence³ » ainsi qu’au document Les considérations techniques de la vidéoconférence⁴, disponibles sur le site Web de l’Ordre.

Notes

  1. Cette chronique est proposée en continuité avec celle-ci : Denis Houde, Les obligations professionnelles à l’ère du numérique, Psychologie Québec, septembre 2019.
  2. Pensons à une situation où un client se plaindrait des services. Le psychologue qui aurait effectué une tenue de dossier serait davantage en mesure de rendre des comptes relativement à sa conduite ou à ses compétences et le dossier pourrait témoigner des moyens qu’il a pris pour donner les services attendus.
  3. La chronique intitulée « La télépratique : le recours à la vidéoconférence » est disponible sur le site de l'Ordre.
  4. Document portant sur les considérations techniques de la vidéoconférence.