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La pratique illégale : des chiffres et des tendances

Me Édith Lorquet, directrice des services juridiques à l'Ordre des psychologues du Québec - elorquet@ordrepsy.qc.ca


Depuis 2012, l’Ordre des psychologues du Québec a le mandat exclusif de poursuite pour la pratique illégale de la psychothérapie et pour l’usurpation du titre de psychothérapeute. Depuis septembre 2012, d’autres activités sont réservées aux psychologues, comme l’évaluation des troubles mentaux et des troubles neuropsychologiques. L’Ordre a donc également le mandat de poursuite pour l’exercice illégal de ces activités. Enfin, rappelons que depuis la création de l’Ordre, le titre de psychologue est réservé et que l’Ordre intervenait déjà sur ce plan. Voici quelques chiffres éloquents.


Comme on peut le constater, les signalements dans le secteur de la pratique illégale ne diminuent pas, ils augmentent. La pratique de la psychothérapie demeure en tête de liste quant aux signalements portés à notre attention, malgré le fait que de moins en moins de personnes s’affichent ouvertement comme étant psychothérapeute. Ces signalements viennent de toutes les régions du Québec.

Contrairement à ce qui semble être véhiculé dans certains milieux, la majorité des signalements ne viennent pas des psychologues, médecins ou détenteurs de permis de psychothérapeute (moins de 15 %), mais bien du public. Ces signalements (plus de 50 %) viennent souvent de la famille ou des proches du client qui se questionnent ou s’inquiètent, ou encore d’anciens clients qui consultent maintenant et qui réalisent que quelque chose ne tournait pas rond dans la façon dont les choses se sont passées. Il arrive, dans peu de cas, que nous ne pouvions pas intervenir, car il n’y a pas exercice illégal d’une activité réservée. D’autres signalements sont, de fait, des signalements dits collatéraux. Par exemple, dans le cadre d’une enquête conséquente à un signalement du public, nous pouvons fréquemment découvrir – par exemple dans un site Web – d’autres personnes qui pratiquent la psychothérapie sans y être autorisées. L’Ordre doit alors ouvrir un dossier sur chacune de ces personnes et mener une enquête.

Contrairement à la croyance populaire, la majorité des personnes qui font surtout l’objet de nos signalements pour pratique illégale de la psychothérapie ne sont pas intéressées à faire de l’argent aux dépens de personnes vulnérables. La plupart sont animées par un réel désir d’aider les autres. Certaines vont parfois trop loin dans leurs interventions, d’autres croient que leur expérience personnelle peut s’appliquer tous azimuts aux autres et certaines croient que les solutions miracles existent. De ces personnes, plusieurs veulent réellement respecter le nouveau cadre législatif. Elles veulent savoir ce qu’elles peuvent faire afin de continuer de soutenir et d’accompagner les gens sans pour autant exercer la psychothérapie. Elles sont souvent ouvertes à nos commentaires, saisissent les nuances cliniques et sont prêtes à changer leur façon d’annoncer leurs services ou leur façon de faire afin de ne pas induire le public en erreur.

Sur 881 dossiers ouverts depuis 2012 (plusieurs signalements concernaient une même personne, ce qui explique l’écart entre ce nombre et celui des signalements), plus de la moitié ont été fermés à notre satisfaction. Les autres dossiers sont en cours d’intervention. Le processus est long : recherche sur Internet et dans les médias sociaux, recueil de témoignages, recherche documentaire, lettre d’avertissement (souvent plusieurs), mise en demeure, entretien téléphonique ou en personne et, parfois, mandat donné à des agents d’investigation.

Avant de fermer un dossier, nous cherchons au sein de l’équipe à obtenir l’assurance clinique et juridique (analyse de lettres de conformité, appel téléphonique et rencontre clinique, écoute de bandes audio le cas échéant, etc.) que les paramètres de la loi seront respectés. Lorsque nous entretenons des doutes, nous suspendons momentanément un dossier et nous effectuons des vérifications ultérieurement. Nous demandons également à certaines personnes des engagements volontaires de ne plus ou de ne pas enfreindre la loi. Enfin, advenant un nouveau signalement ou une nouvelle information concernant un dossier fermé, nous réévaluons systématiquement la situation.


Dans certains cas, cependant, notre appréciation du risque pour le public nous amène à intenter des poursuites pour pratique illégale, notamment lorsque des enfants sont impliqués ou lorsque nos avertissements sont ignorés ou éludés. 

Sur 881 dossiers ouverts, dont la moitié sont fermés, 11 dossiers seulement font l’objet de poursuites pour pratique illégale. Comme on peut le constater, l’Ordre des psychologues privilégie encore la non-judiciarisation et croit en d’autres moyens de s’acquitter de sa mission de protection du public. À cet égard, nous ne fermons jamais la porte aux individus, aux écoles de formation ou aux regroupements œuvrant dans le vaste domaine de la relation d’aide qui, de bonne foi, souhaitent s’adapter au nouveau cadre légal. Nous ne ménagerons aucun effort pour informer, sensibiliser et éduquer les gens et pour échanger avec eux sur la question.

Psychology Today : il n’y a plus de risque de poursuite pour usurpation du titre de thérapeute conjugal et familial

Certains psychologues affichent leurs services professionnels dans le site de référence de Psychology Today. Lorsque les psychologues s’inscrivent avec les mots clés family/marital ou family systems, ils se retrouvent dans une liste dont l’en-tête indique Family/Marital therapists in Québec, et ce, bien qu’ils n’aient pas l’intention d’usurper le titre de thérapeute conjugal et familial et que leur titre de psychologue soit par ailleurs bien visible sous leur nom.

Or, certains psychologues ont reçu une lettre de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ) leur demandant de remédier à la situation sous peine d’être poursuivis pour usurpation de titre. Nous avons donc communiqué avec l’OTSTCFQ afin de comprendre la nature du réel problème soulevé et ce que les psychologues seraient en mesure de faire pour y remédier. Compte tenu de la manière dont est conçu ce service de référence Web, la seule solution possible était que les psychologues cessent d’inscrire leurs domaines de pratique. Devant l’impossibilité d’obtenir une modification du site Web, compte tenu du fait que le titre professionnel des psychologues y est inscrit clairement et qu’ils ont le droit d’exercer la thérapie familiale et conjugale, l’OTSTCFQ nous a donné l’assurance qu’aucune poursuite ne serait intentée. Nous avons également convenu pour l’avenir de nous tenir informés mutuellement de situations similaires et de concerter nos actions. Nous profitons toutefois de l’occasion pour rappeler les règles : les psychologues pratiquant la thérapie conjugale et familiale ne sont pas tenus d’être membres de l’OTSTCFQ. Ils doivent toutefois s’identifier comme psychologues et non comme thérapeutes conjugaux et familiaux, puisque ce titre est réservé aux membres de cet ordre professionnel.

Sur sa carte professionnelle ou ailleurs, un psychologue peut se présenter ainsi :

Monsieur Jacques Untel, psychologue
Thérapie conjugale et familiale