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Le consentement libre et éclairé : réflexions et modèles pour les cliniciens

Dre Isabelle Marleau, psychologue et directrice de la qualité et du développement de la pratique sortante de l'Ordre des psychologue du Québec.


Le consentement libre et éclairé demeure au cœur des préoccupations de nombreux cliniciens. En effet, le consentement constitue l’un des fondements de l’évaluation et de l’intervention en psychologie, notamment pour promouvoir l’alliance thérapeutique (Trachsel, Holtforth, Biller-Andorno et Appelbaum, 2015). Or, le processus d’obtention du consentement se veut largement plus significatif et complexe que le dépôt d’un formulaire au dossier.

Notre souhait est d’abord ici de répondre à la demande répétée des membres d’obtenir des modèles de formulaires de consentement ainsi que des balises quant aux rubriques devant se retrouver dans ces formulaires. Or, il importe avant tout d’insister sur quelques principes éthiques et aspects réglementaires intrinsèquement liés à cette responsabilité du psychologue, soit l’obtention du consentement dans le contexte de la prestation de soins et de services.

Aspects éthiques et réglementaires

Les valeurs qui sous-tendent le consentement libre et éclairé sont les droits de l’être humain à l’inviolabilité et à l’intégrité1. Le carac­tère inviolable de la personne est mentionné à l’art. 11 du Code civil du Québec : « Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse d’examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention. Sauf disposition contraire de la loi, le consentement n’est assujetti à aucune forme particulière et peut être révoqué à tout moment, même verbalement. » La primauté du consentement aux soins a été confirmée par des décisions rendues notamment par la Cour suprême du Canada (Hopp c. Lepp [1980] 2 RCS 192; Reibl c. Hughes [1980] 2 RCS 880), où l’implication du patient dans les décisions relatives à sa santé a été consacrée.

Ainsi, le consentement n’est pas une fin en soi, mais bien le moyen que l’on se donne pour assurer le respect du principe fondamental de l’autonomie de la personne (Bracconi, Hervé et Pirnay, 2017; Grou, 2009). Selon Marzano (2006), le consentement demeure « une condition à la réalisation d’actes cliniques ou encore un moyen juridique protégeant un individu des actions d’autrui […] », c’est-à-dire le client des actes du professionnel.

Le Code de déontologie des psychologues (ci-après le Code) traite du consentement dans le chapitre portant sur les devoirs et obligations envers le client (art. 10 à 13). Il faut retenir de ces articles qu’avant d’entreprendre la prestation de services professionnels, le psychologue obtient, sauf urgence, le consentement de son client, et que, pour ce faire, il tient compte des demandes et attentes formulées, ainsi que des limites de ses compétences et des moyens dont il dispose pour remplir le mandat2.

Les aspects réglementaires mentionnés au Code sont applicables, peu importe le modèle théorique privilégié par le psychologue. Les principes éthiques et l’encadrement réglementaire guidant l’obtention du consentement transcendent le modèle théorique choisi, puisqu’ils reposent sur la valeur de respect de l’autonomie de la personne. Cela dit, l’adhésion à un modèle théorique peut certainement entraîner des variations, notamment quant à la manière de mener l’entrevue d’évaluation, de prendre les notes lors de ces entrevues, d’apprécier les enjeux du client, d’expliquer les services proposés et les modalités de traitement (par exemple, la politique de paiement et d’annulation de séances).

Consentement libre et éclairé : que signifie cette expression consacrée?

Lorsque le psychologue s’assure que le consentement est libre, il vérifie l’existence d’obstacles ou de contraintes empêchant le client de décider librement, d’accepter ou de refuser le service proposé. À cet effet, le psychologue s’enquiert notamment de la présence éventuelle de pressions, d’influence indue, de menaces ou d’intimidation. Il est toutefois possible que l’accès à certains services, privilèges ou autres soit associé au consentement du client à s’engager à recevoir certains autres services. C’est le cas, par exemple, lorsque la garde d’un enfant est conditionnelle à l’engagement du parent en psychothérapie. Bien que cela puisse exercer une influence sur sa décision, le client demeure néanmoins libre de refuser, étant par ailleurs éclairé sur les conséquences de son refus, qu’il devra plus tard assumer.

Le consentement éclairé réfère à l’information qui doit être transmise au client, aux explications fournies afin de le renseigner suffisamment pour qu’il puisse bien comprendre la portée de ce qui est proposé3. À cet effet, le psychologue communique les informations prévues à l’art. 114 du Code et s’assure que le client les comprend bien. Pour ce faire, il adapte son discours à chacun des clients et à chaque contexte, en ajustant, notamment, le vocabulaire et le débit. En effet, offrir une information de qualité, complète, loyale et exprimée en des termes intelligibles constitue un préalable au respect de l’autonomie du client (Bracconi, Hervé et Pirnay, 2017).

L’adaptation de la communication des renseignements au contexte de la prestation de services s’avère particulièrement importante en ce qui concerne les limites de la confidentialité, dont il faut informer le client en vue de l’obtention du consentement. L’annonce de certaines limites sera certes appropriée dans certaines situations (par exemple, en contexte de protection de la jeunesse ou en milieu carcéral), mais on peut mettre en doute la pertinence de mentionner toutes les limites possibles, dans toutes les situations possibles, lorsque ce n’est pas applicable au contexte. Un des aspects qui semble primordial est la connaissance, par le psychologue, des limites au secret professionnel que prévoit la loi, afin qu’il puisse en faire état à son client lorsqu’approprié5.

Le psychologue a la responsabilité de s’assurer que le consentement demeure libre et éclairé pendant toute la durée de la relation professionnelle, ce dernier pouvant être révoqué en tout temps. L’obtention du consentement est donc un processus qui évolue au gré des transformations survenant en cours de mandat (par exemple, lorsque les buts ou les cibles du traitement changent, ou encore, lorsqu’une nouvelle modalité ou technique est introduite). Chaque fois que le client doit faire un choix, qu’il doit décider de ses soins, le refus doit être pris en compte, tout autant que l’acceptation, et consigné au dossier. Ainsi, lorsqu’une situation pouvant nécessiter l’application d’une des limites à la confidentialité se présente en cours de prestation de services, le psychologue exerce alors son jugement professionnel afin d’aviser son client de la limite à la confidentialité qui s’applique au moment le plus opportun (art. 18 et 19 du Code), entendu que le plus tôt n’est pas toujours le plus judicieux.

La délicate question de l’aptitude à consentir

Spécifions d’emblée que nous traitons ici de l’aptitude à consentir aux soins et aux services, plutôt que de l’aptitude à gérer sa per­sonne ou ses biens. Historiquement, le consentement aux soins était basé sur un modèle dit paternaliste, fondé sur le principe de bienveillance, où les cliniciens devaient prendre les décisions dans l’intérêt supérieur du client. De telles décisions reposaient entièrement sur le jugement du clinicien, la prémisse étant qu’il était celui qui possédait le savoir. Or, depuis les années 80, la pensée éthique et les lois ont évolué vers un modèle reconnaissant davantage l’autonomie6 et l’autodétermination du client.

Dans ce paradigme, le psychologue s’assure que le client dispose de l’autonomie nécessaire pour consentir. Cela signifie qu’il évalue la capacité du client à traiter et à comprendre l’infor­mation reçue7, sa capacité à réfléchir et à raisonner (autonomie cognitive), à prendre une décision en fonction des renseignements reçus et de ses valeurs, ainsi qu’à anticiper les conséquences de ses actions (Appelbaum et Grisso, 1988; Grisso et Appelbaum, 1998). Le psychologue doit aussi considérer l’influence de la pa­thologie ou de l’état de santé mentale du client sur sa capacité à consentir au moment où la décision est prise. En effet, la décision du client devrait refléter ce que l’on connaît de lui, ses valeurs et ses normes, sa façon usuelle de réfléchir, plutôt que d’être la conséquence d’un état ou d’une pathologie à traiter.

Une décision éclairée n’est pas équivalente à une décision raisonnable (le mot raisonnable impliquant ici un jugement de valeur). Effectivement, le clinicien qui évalue l’aptitude à consentir porte un jugement clinique sur la capacité du client à consentir et non sur la valeur morale de la décision prise par le client. Par exemple, la décision d’une personne de refuser un traitement oncologique nécessaire à sa survie peut heurter les valeurs du clinicien. Cependant, si le client a reçu l’information requise pour la prise de décision et qu’il possède les capacités de raisonnement lui permettant de bien comprendre les conséquences de son choix, on peut considérer que la décision est éclairée, et ce, même si elle semble déraisonnable.

En définitive, les valeurs de bienveillance et de respect de l’autonomie ne devraient pas être antinomiques. Effectivement, lorsque l’on a confiance en l’autonomie du client et en sa capacité à consentir, et que l’on respecte cette autonomie, il va de soi que l’on agit avec bienveillance, dans l’intérêt supérieur du client.

Consentement verbal ou écrit?

Comme il a été mentionné précédemment, le consentement aux soins et aux services peut être donné verbalement. Dans ce cas, une note au dossier doit faire état des éléments discutés, notam­ment des renseignements qui ont été donnés pour s’assurer que le client est dûment informé avant de pouvoir consentir de façon libre et éclairée (Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues). Le psychologue peut, en lieu et place de cette note, annexer au dossier un document que lui et le client signent (formulaire ou autre), document qui témoigne des éléments précités.

Par ailleurs, il importe de préciser que, dans l’éventualité où le psychologue souhaite exiger des frais administratifs pour un rendez-vous manqué, une entente doit être écrite (et signée par le client) à cet effet (art 54 du Code8). Or, il est laissé à la discrétion du psychologue d’exiger ou non de ses clients de tels frais. Bien qu’il soit fréquent de retrouver cette entente dans les formulaires de consentement, elle pourrait aussi se trouver dans un autre document, ou même dans un formulaire à part la concernant exclusivement.

Des exemples pouvant servir de modèles

L’Ordre ne prescrit aucune forme précise, ni formulaire de consentement, cherchant plutôt chez ses membres une compréhension juste de la portée et de la finalité des enjeux éthiques et réglementaires inhérents au consentement. Toutefois, à la demande de plusieurs d’entre vous, nous sommes à élaborer quelques modèles pouvant guider la réflexion des psychologues. Ces modèles, adaptés à différentes pratiques (notamment celles liées au milieu scolaire et à l’expertise psycholégale), seront disponibles en ligne sous peu. L’Ordre, ce faisant, ne souhaite aucunement alourdir les procédures administratives et rappelle que tout modèle doit être adapté à la pratique de chaque psychologue.

Voici finalement un aperçu des rubriques que pourrait contenir un formulaire de consentement.
 

Références et bibliographie

Références

  1. Codifiés à l’art. 3 du Code civil du Québec et réitérés à l’art. 10.
  2. Art. 10 du Code : « Avant de convenir avec un client de la prestation de services professionnels, le psychologue tient compte de la demande et des attentes du client ainsi que des limites de ses compétences et des moyens dont il dispose. »
  3. La personne doit obtenir l’information nécessaire relativement aux soins qui lui sont proposés pour pouvoir y consentir. Ce droit d’être informé est codifié à l’art. 8 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux : « Tout usager des services de santé et des services sociaux a le droit d’être informé sur son état de santé et de bien-être, de manière à connaître, dans la mesure du possible, les différentes options qui s’offrent à lui ainsi que les risques et les conséquences généralement associés à chacune de ces options avant de consentir à des soins le concernant. »
  4. Art. 11 du Code : « 1° le but, la nature, la pertinence et les principales modalités de la prestation des services professionnels, ses avantages et inconvénients ainsi que son alternative, les limites et les responsabilités mutuelles des parties incluant, s’il y a lieu, l’entente sur le montant des honoraires et les modalités de paiement;
    2° le choix de refuser les services professionnels offerts ou de cesser, à tout moment, de recevoir les services professionnels;
    3° les règles sur la confidentialité ainsi que ses limites de même que les modalités liées à la transmission de renseignements confidentiels reliés à l’intervention ».
  5. Pour une revue des limites au secret professionnel, se référer au Guide explicatif concernant la tenue de dossier.
  6. L’autonomie est définie comme la capacité de se donner à soi-même ses propres normes et d’assumer ses actes en conséquence (Grou, 2009).
  7. Pour s’assurer que le consentement est éclairé et que le client comprend l’information reçue, on utilise généralement les critères de la Nouvelle-Écosse. Ces critères se retrouvent dans les questions suivantes : Le client comprend-il la nature et le but du traitement? Les bénéfices escomptés du traitement? Les risques associés au traitement? Les risques encourus s’il ne subit pas le traitement? L’alternative? (Capital District Health Authority, 2014; Hospitals Act, R.S.N.S., c. 208, art. 54).
  8. L’art. 54 précise quatre situations où le psychologue peut s’entendre par écrit avec son client, dont celle où le psychologue souhaite exiger des frais administratifs pour un rendez-vous manqué.

BIBLIOGRAPHIE

Appelbaum, P. S. et Grisso, T. (1988). Assessing patients’ capacities to consent to treatment. New England Journal of Medecine, 319(25), 1635-1638.

Bracconi, M., Hervé, C. et Pirnay, P. (2017). Réflexions éthiques sur le principe de l’autonomie du patient. Eastern Mediterranean Health Journal, 23(12). Repéré à http://www.emro.who.int/emhj-volume-23-2017/volume-23-issue-12/ reflexions-ethiques-sur-le-principe-de-lautonomie-du-patient.html

Capital District Health Authority. (2014). Administrative Manual Policy and Procedure: Consent to treatment. Repéré sur le site de la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse à http://policy.nshealth.ca/Site_Published/Provincial/document_render. aspx?documentRender.IdType=6&documentRender.GenericField=&documentRender.Id=50984

Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C12. Repéré à http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/C-12

Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ1991. Repéré à http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/ccq-1991

Code de déontologie des psychologues, RLRQ, c. C26, r. 212. Repéré à http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/ cr/C-26,%20r.%20212/

Grisso, T. et Appelbaum, P. S. (1998). Assessing Competence to Consent to Treatment: A Guide for Physicians and Other Health Professionals. New York : Oxford University Press. ISBN 0195103726, 9780195103724.

Grou, C. (2009). Réflexion sur la notion de consentement éclairé en santé mentale : et si la lumière n’était qu’illusion… Dans Lalonde, P., Lesage, A. et Nicole, L. (dir.). La psychiatrie en question. Choix de textes en hommage au professeur Frédéric Grunberg (p. 253-270). Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Hospitals Act, R.S.N.S., c. 208, art. 54. Repéré sur le site du gouvernement de la Nouvelle-Écosse à https://nslegislature. ca/sites/default/files/legc/statutes/hospitals.pdf

Marzano, M. (2006). Je consens, donc je suis… Éthique de l’autonomie. Paris : PUF.

Ordre des psychologues du Québec. (2008). Guide explicatif concernant la tenue de dossier. Repéré à https://www. ordrepsy.qc.ca/documents/26707/63191/Guide+explicatif+concernant+la+tenue+de+dossier/a4c0c26b-eb4c-41e8- a139-65e2657ed2bb

Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues, RLRQ, c. C26, r. 221. Repéré à http:// legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cr/C-26,%20r.%20221/

Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c. S-4.2. Repéré à http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/s-4.2

Trachsel, M., Holtforth, M. grosse, Biller-Andorno, N. et Appelbaum, P. S. (2015). Informed consent for psychotherapy: Still not routine. The Lancet Psychiatry, 2(9), 775777.