Agrégateur de contenus

Les notes au dossier

Denis Houde, psychologue et conseiller à la déontologie à l'Ordre des psychologues du Québec - dhoude@ordrepsy.qc.ca


La rédaction des notes au dossier est une compétence acquise dans le cadre de la formation universitaire. Il arrive qu’un écart se dessine entre les meilleures pratiques enseignées dans un environnement optimal pour l’apprentissage, soit en stage, et la réalité du marché du travail. Cette chronique répond à certaines des questions que se posent les psychologues à propos de la rédaction des notes au dossier.

Qui peut lire les notes au dossier?

Lorsqu’il rédige les notes au dossier d’un client, le psychologue doit garder en tête que ces notes peuvent être lues par différents lecteurs. Qui sont-ils?

1. Le client
De façon générale, tout client de 14 ans et plus qui en fait la demande par écrit peut avoir accès aux renseignements contenus dans son dossier (art. 20 du Code de déontologie des psychologues; ci-après le Code).

De plus, si le client est âgé de moins de 14 ans au moment de recevoir les services, les personnes détenant l’autorité parentale peuvent avoir accès aux notes au dossier de l’enfant, en faisant une demande écrite.

2. Les tiers autorisés par le client
Un client peut demander « qu’une copie de son dossier ou que des renseignements contenus dans ce dossier soient transmis à un tiers » (extrait de l’art. 10 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues; ci-après le Règlement).

Ainsi, « lorsqu’une copie d’un document du dossier qui le concerne est transmise […] à une tierce personne, le psychologue doit insérer dans ce dossier une note en ce sens, signée par le client et datée » (extrait de l’art. 10 du Règlement).

Le tiers peut être, par exemple, un médecin, un avocat, une compagnie d’assurance, un organisme payeur, un enquêteur de police, un membre de la famille.

3. Lorsque la loi l’oblige (art. 15 du Code)
Les dispositions de certaines lois permettent l’accès au dossier d’un client par certaines personnes sans son consentement (un coroner, un juge, un agent de la DPJ, par exemple). Si le psychologue fait un signalement à la DPJ, il se peut qu’il soit tenu de donner des renseignements contenus dans le dossier.

Il est possible que la DPJ demande une copie du dossier dans certaines circonstances. Par exemple, un agent de la DPJ est autorisé à obtenir des renseignements contenus au dossier d’un usager d’un établissement du réseau de la santé et des services sociaux. Ainsi, les notes rédigées par le psychologue pourraient être lues par cet agent.

De même, le psychologue cité à comparaître au tribunal doit apporter le dossier pour le consulter si le juge a levé le secret professionnel afin d’obtenir des renseignements dans l’audition de la cause qu’il préside.

4. Les collègues
Si le consentement le prévoit, les collègues professionnels d’une même organisation peuvent avoir accès aux notes si ces renseignements sont nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.

Quoi écrire dans les notes au dossier?

L’art. 3 du Règlement demeure la référence principale en matière de rédaction des notes au dossier.

Chaque note doit avoir une date, un paraphe, une signature ou une signature électronique qui témoignent de l’authenticité de l’auteur du service et du moment où celui-ci a été rendu. Elle doit être rédigée le plus rapidement possible après la prestation du service afin de conserver son caractère « authentique ». Le support du dossier peut être papier, électronique ou autre, et la note doit être disponible pour que l’on puisse s’y référer, y donner accès ou la transmettre au besoin.

Retenons qu’il y a six moments clés dans la prestation d’un service professionnel. La prise de notes doit en témoigner de la façon la plus réaliste possible :

1. La prise de contact
Généralement, c’est à ce moment que les données nominatives et le motif de consultation sont notés.

2. La clarification du mandat et le consentement libre et éclairé au service
Le psychologue doit s’assurer que le client comprend « le but, la nature, la pertinence et les principales modalités de la prestation des services professionnels, ses avantages et inconvénients ainsi que son alternative, les limites et les responsabilités mutuelles des parties incluant, s’il y a lieu, l’entente sur le montant des honoraires et les modalités de paiement; le choix de refuser les services professionnels offerts ou de cesser, à tout moment, de recevoir les services professionnels; les règles sur la confidentialité ainsi que ses limites de même que les modalités liées à la transmission de renseignements confidentiels reliés à l’intervention. La communication de ces renseignements est adaptée au contexte de la prestation des services professionnels. » (Extrait de l’art. 11 du Code.)

Ce peut être une note écrite par le psychologue qui témoigne de ce qui précède ou un formulaire explicite que le client est appelé à lire, à questionner et à signer si tout lui convient.

3. L’évaluation du besoin
Le psychologue note les renseignements recueillis (anamnèse, perception des symptômes, etc.), les étapes d’évaluation et le matériel psychologique utilisé.

4. Le bilan de l’évaluation
Le psychologue note également, souvent sous forme de rapport, les points forts de l’échange lorsque les conclusions de l’évaluation sont transmises et surtout la détermination des objectifs et des moyens qui seront priorisés. C’est ce que l’on appellera le plan de traitement.

5. L’intervention
Les notes d’évolution témoignent principalement de cette étape. On y lira :

  • les buts, les objectifs, les cibles et les intentions (ci-après les objectifs) de l’intervention;
  • les moyens pour atteindre ces objectifs;
  • les thèmes reliés aux moyens (interventions du psychologue, techniques utilisées, etc.) et aux objectifs (comportementaux, affectifs, émotifs, cognitifs, familiaux, relationnels, etc.);
  • l’évolution du client à propos des objectifs à atteindre (utilisation ou non des moyens pour atteindre les objectifs, leur efficacité, les changements apportés, la pertinence théorique et clinique, etc.).

Chaque note ne comprend pas nécessairement tous ces renseignements. Cependant, la lecture des notes au dossier devrait permettre de retrouver tous ces éléments et devrait offrir un portrait réaliste de la trajectoire du processus dans lequel s’inscrit le client.

6. La note de fin de service ou note finale
Lorsque cela est possible, la note finale devient une note bilan qui récapitule les objectifs, les moyens utilisés pour les atteindre et l’évolution du client. Si certains objectifs n’ont pas été atteints, la note en témoigne ou en explique la raison.

Comment rédiger ma note?

Si le style est propre à chaque psychologue, la note doit être rédigée sous forme de phrases complètes, intelligibles pour tout type de lecteur, pourvues de sens et de rigueur professionnelle.

Une note au dossier n’est ni une déposition ou un témoignage du client, ni un verbatim issu d’un interrogatoire, ni un recueil d’aveux ou de confidences, mais bien un sommaire des services professionnels qui ont été offerts dans un moment précis.

Finalement, la note doit être le fruit d’un travail de synthèse. Le psychologue organise l’information afin de témoigner de sa compréhension des besoins, des enjeux et de la problématique soulevée dans chacune des rencontres, et, tel qu’il est énoncé à la page 12 du Guide explicatif concernant la tenue de dossier, «s’il y a lieu, [fait] référence à des considérations théoriques dont le contenu et la forme sont également accessibles au client».

Comment rédiger les notes au dossier quand le service consiste essentiellement à produire des rapports?

Le rapport (d’évaluation, d’expertise, d’évolution, final ou autre) est issu de la nécessité d’organiser l’information à consigner, avec clarté, avec cohérence et avec rigueur dans un seul document pour un lecteur bien précis. Les renseignements du rapport proviennent donc des notes au dossier et non l’inverse.

Donc, chaque note doit rendre compte du service offert à la date du service. Par exemple, lors d’une entrevue d’évaluation visant à recueillir l’histoire du client, les données interprétées de l’anamnèse devraient s’y retrouver. Lorsqu’il y a des rencontres d’administration de tests ou de tâches, la note doit en faire état. En outre, le psychologue peut, pour témoigner des travaux effectués, inscrire les dates d’analyse de résultats et de rédaction, en toute cohérence avec les heures facturées.

Les documents remis par le client lui-même doivent-ils se retrouver dans le dossier?

Lorsque le client confie au psychologue des documents pour une consultation ultérieure, ces documents doivent se retrouver impérativement dans le dossier, car si le client en demande la restitution, le psychologue pourra les lui remettre. Le psychologue pourra en garder une copie dans le dossier (art. 22 du Code).

Les renseignements provenant d’un tiers doivent-ils figurer au dossier?

Les renseignements provenant d’un tiers doivent être consignés dans le dossier dans un onglet à part. Ainsi, si le client demande de consulter son dossier, cette mesure permet d’éviter l'accès à ces renseignements. Cette précaution vise à empêcher tout préjudice pour le client ou pour le tiers. Cependant, un consentement du tiers pourrait autoriser le psychologue à donner accès à ces renseignements au client concerné (art. 20 du Code).

Faut-il verser les données brutes au dossier du client?

Conformément à l’art. 5 du Règlement, les données brutes ne doivent pas être versées au dossier du client. Elles doivent être conservées à part, soit dans un classeur distinct, soit dans une enveloppe scellée et identifiée comme donnée brute, soit dans un onglet distinct afin qu’elles puissent, au besoin, être transmises à un autre psychologue (art. 49 et 50 du Code).

En conclusion, la note au dossier doit témoigner simplement des réels services professionnels offerts par le psychologue dans un langage accessible pour tout lecteur, quel qu’il soit, y compris le client lui-même. La lecture des notes doit permettre au lecteur de comprendre la trajectoire et les étapes des services rendus par le psychologue.

Bibliographie

  • Gouvernement du Québec. (2019). Code de déontologie des psychologues (C-26, r. 212). Éditeur officiel du Québec. Les Publications du Québec.
  • Gouvernement du Québec. (2019). Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues (C-26, r. 221). Éditeur officiel du Québec. Les Publications du Québec.
  • Ordre des psychologues du Québec. (2008). Guide explicatif concernant la tenue de dossier.