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Nouveau mémoire de l'Ordre sur la réussite éducative

Pierre Desjardins, psychologue, consultant et ex-directeur de la qualité et du développement de la pratique de l'Ordre des psychologues du Québec.


Le ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MÉESR) a publié en juillet dernier sa Politique de la réussite éducative (ci-après la Politique)1. L’Ordre a accueilli favorablement cette Politique et nous avons voulu contribuer aux efforts qu’aura à déployer le MÉESR pour donner suite concrètement à ses orientations. Pour ce faire, nous avons mis sur pied un comité d’experts qui a jeté les bases du mémoire que nous avons déposé à la mi-octobre et que nous vous présentons dans le cadre de cette chronique professionnelle.

Le psychologue, un acteur important de la réussite éducative

D’entrée de jeu, nous avons voulu positionner le psychologue comme un acteur important de la réussite éducative :

Les psychologues scolaires sont les spécialistes de la santé mentale les plus qualifiés dans les écoles. En plus d’avoir des connaissances dans le domaine de la prévention, de l’intervention et de l’évaluation d’un grand nombre de problèmes chez les enfants, les psychologues scolaires possèdent une expertise unique en ce qui concerne l’apprentissage et les questions scolaires. Ils ont la responsabilité éthique de prendre part aux programmes qui visent à régler les problèmes des enfants, laquelle dépasse l’évaluation et le diagnostic de ce qui ne va pas chez un enfant2.

Des recommandations pour concrétiser la Politique

Le mémoire vise à proposer au MÉESR une réflexion sur des moyens à prendre afin de donner suite à sa Politique. Notre argumentaire soutient 14 recommandations qui, si on y donne suite, pourraient contribuer à la réussite éducative. Ces recommandations sont en lien avec différentes problématiques, dont les suivantes :

  • le défi de l’adaptation aux différents profils psychologiques des élèves;
  • la quête d’un « diagnostic »;
  • les difficultés d’accès aux services des psychologues;
  • les insuffisances en matière de formation;
  • la place faite aux connaissances actuelles.

Le défi de l’adaptation aux différents profils psychologiques des élèves

Nous ne pouvions qu’abonder dans le sens du Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) qui plaide en faveur de l’égale dignité des individus et ce, peu importe les différences qu’ils affichent3.

Nous avons donc fait valoir que la Politique vise des clientèles différentes, des clientèles qui présentent des besoins variés, qui fonctionnent différemment sur le plan psychologique et mental et qui ne disposent pas toutes des mêmes moyens ou ressources. Les objectifs d’intégration de la Politique demandent une connaissance et une compréhension fine de chacune de ces clientèles. Il faut aussi prendre en compte que les tout-petits ne peuvent pas qu’être soumis à des impératifs « scolaires » où dès leur jeune âge ils auraient à répondre à des exigences extérieures, à un horaire imposé et à un agenda chargé qui ne leur laisseraient que trop peu d’espace pour être. Il faut éviter de forcer des apprentissages alors qu’ils n’y seraient pas prêts.

Il y a également des élèves qui présentent des vulnérabilités sur le plan de la santé physique et du bien-être, des compétences sociales, de la maturité affective, du développement cognitif et langagier, des habiletés de communication et des connaissances générales. Il y a enfin des adolescents pour qui le parcours scolaire ne convient pas en raison d’intérêts personnels, voire d’enjeux développementaux particuliers.

La quête d’un « diagnostic »

La Politique fait état des intentions du MÉESR de réviser ses modes de financement. Considérant cela opportun, nous avons recommandé que l’établissement obligatoire d’un « diagnostic » cesse d’être au Québec non seulement la condition de financement, mais aussi, avons-nous ajouté, de gestion de la convention collective des enseignants et de l’offre de services aux jeunes qui présentent des besoins relevant de l’adaptation scolaire. Nous avons souligné également que les modes de financement actuels ont pour effet pervers d’engorger les services d’évaluation des psychologues et de restreindre leur engagement au sein de l’équipe-école. Ils ne sont pas aussi disponibles que requis pour répondre aux besoins des élèves, de leurs proches et des collègues qui gravitent autour des enfants. Leur mobilisation n’est certainement pas optimale quand ils doivent principalement se consacrer à des tâches administratives et à des évaluations, dont la pertinence est souvent remise en question.

Par ailleurs, nous avons souligné l’importance de miser sur une approche préventive, ce qui implique d’agir précocement, soit en amont des difficultés, rapidement et de façon continue, sans attendre non plus l’obtention d’un « diagnostic » quelconque. À cet égard, nous avons soutenu l’implantation rigoureuse et soutenue de programmes de type réponse à l’intervention (RAI), programmes qui permettent de s’attaquer aux difficultés des élèves dès qu’elles se présentent.

Les difficultés d’accès aux services des psychologues

En plus du fait que les psychologues ne soient pas toujours bien utilisés, comme souligné précédemment, les statistiques démontrent que, parmi les professionnels, ils sont les seuls qui ont vu leur nombre décroître au sein du réseau de l’éducation dans les cinq dernières années, et ce, malgré la présence de problématiques importantes sur le plan de la santé mentale. Nous avons fait valoir qu’il est inacceptable, inconcevable et inéquitable qu’un parent qui demande expressément les services d’un psychologue pour son enfant – parce que celui-ci est victime d’intimidation, a des intentions suicidaires, a des problèmes d’anxiété ou semble présenter un trouble du spectre de l’autisme – se fasse répondre qu’il n’y a pas de psychologues offrant ces services, qu’il y a une attente de six mois à un an ou encore qu’il se voie orienté vers le privé.

Nous avons alors demandé qu’un plancher minimal de services professionnels soit établi dans toutes les écoles du Québec, en insistant sur la nécessaire proximité des professionnels dans le milieu pour qu’ils aient un certain impact, de sorte que soit garanti l’accès à un psychologue dans les 30 jours suivant la formulation d’une demande. De plus, bien que l’Ordre n’ait pas pour mandat de travailler à l’amélioration des conditions de travail de ses membres, nous avons fait écho des difficultés rapportées en matière d’attrait et de rétention des psychologues, et nous avons recommandé que soient revues ces conditions de travail dans le but ultime d’améliorer l’accès dans le réseau de l’éducation à leurs services professionnels.

Les insuffisances en matière de formation

Mieux former et outiller les enseignants

Les enseignants sont au cœur de la réussite éducative, mais trop souvent ils sont laissés à eux-mêmes. Ils pourraient donc bénéficier de l’appui de différents professionnels, dont les psychologues, d’où l’importance du plancher minimal de services professionnels. De plus, leur formation ne les prépare pas toujours adéquatement à répondre aux défis que posent les différentes clientèles. Étant donné leur rôle primordial et la nécessité par conséquent de bien les outiller, nous avons souligné l’importance de réviser leur formation initiale pour tenir compte notamment des avancées de la science en matière de pédagogie, de même que des défis particuliers qu’ils auront à relever, notamment auprès des enfants d’âge préscolaire, des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) et des autres clientèles vulnérables.

Une formation rigoureuse, spécifique à la psychologie scolaire

Bien qu’il n’existe pas de spécialités en psychologie, il demeure qu’être psychologue scolaire requiert des compétences particulières qu’il faut développer et maintenir. Or, depuis plusieurs années déjà, les universités ont à peu près toutes cessé d’offrir une formation spécifique en psychologie scolaire, ce qui a un effet non seulement sur le recrutement, mais aussi sur le type de pratique des psychologues dans le milieu de l’éducation et sur les recherches dans le domaine. Nous avons donc demandé au MÉESR de faire en sorte que les universités au Québec se concertent pour mettre rapidement en place (d’ici 2022 au plus tard) des programmes de formation rigoureux et spécifiques à la psychologie scolaire.

La place faite aux connaissances actuelles

Quand vient le temps de changer, des questions se posent. La recherche scientifique rigoureuse peut fournir des réponses. Mais il n’y a pas que la recherche. On peut aussi disposer de données issues du terrain, alors qu’au Québec, dans certains milieux, et ailleurs il se vit des expériences porteuses. Il faut pouvoir s’en inspirer, mais pour ce faire, il faut les connaître. Or il n’existe pas au Québec d’instance indépendante et bien identifiée qui servirait un peu comme un guichet unique permettant de trouver de façon fiable les données scientifiques et professionnelles sur lesquelles appuyer le développement des modèles éducatifs. À cet égard, nous avons soutenu l’intention du MÉESR de mandater une instance particulière pour ce faire, soit de créer par exemple un institut national d’excellence en éducation (INEÉ) indépendant.

Voilà donc pour le résumé et les points saillants du mémoire que nous vous invitons à lire en intégralité sur le site Web de l’Ordre4.

Des travaux en parallèle

L’Ordre des psychologues ne fait pas cavalier seul dans ses travaux visant à soutenir la réussite éducative. En effet, un comité de travail interordres a été formé il y a quelque temps déjà, comité regroupant des représentants des ordres professionnels dont les membres œuvrent en milieu scolaire. Ce comité se penche sur des moyens que pourraient proposer d’une même voix les différents ordres professionnels au MÉESR pour donner suite concrètement aux orientations de sa Politique. On envisage de déposer un document au début de 2018.

Références

  1. Accessible à l’adresse https://goo.gl/YjxBvC.
  2. Extrait traduit de Sheridan, S. M., et Gutkin, T. B. (2000). The ecology of school psychology: Examining and changing our paradigm for the 21st century. School Psychology Review, 29(4), 485-502.
  3. Conseil supérieur de l’éducation. (2016). Remettre le cap sur l’équité. Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2014-2016, 69.
  4. Le mémoire se trouve à l’adresse https://goo.gl/rPnmDM.