Agrégateur de contenus

Déontologie : questions d’actualité à propos des données brutes

Denis Houde, psychologue et conseiller à la déontologie à l'Ordre des psychologues du Québec - dhoude@ordrepsy.qc.ca


Plusieurs psychologues se posent des questions sur la conservation des données et informations contenues dans les dossiers de leurs clients. Voici quelques questions et réponses inspirées de préoccupations souvent exprimées par des membres à propos des données brutes.

Question : Afin de minimiser l’espace d’entreposage, est-il convenable de numériser les protocoles de tests et autres données brutes afin de les transférer sur un support informatique?

Réponse : L’ère numérique apporte certainement des solutions intéressantes pour réduire l’espace d’entreposage des documents qui composent les dossiers des clients. Il faut se rappeler que le psychologue ne peut tenir qu’un seul dossier par client. Il peut utiliser le support informatique, ou tout autre support, pourvu que la confidentialité et la sécurité des données soient assurées et que l’intégrité des documents soit préservée. En ce sens, c’est la responsabilité du psychologue de s’assurer que les documents seront inaltérables (ne peuvent être modifiés) et inaliénables (intégrité assurée). Lors de la numérisation des données brutes, le psychologue s’assurera que ces données soient entreposées distinctement des dossiers. Par exemple, il s’assurera que l’existence des données brutes soit connue dans le dossier du client, mais que ces données brutes soient enregistrées dans un compte de fichiers avec accès sécurisé et limité aux professionnels autorisés. Cette réponse fait référence aux art. 1, 2 et 5 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues.


Question : Peut-on détruire les originaux des protocoles de tests après les avoir transférés sur un support informatique?

Réponse : Si le psychologue choisit de numériser les documents contenus dans le dossier ainsi que les données brutes qui y sont rattachées, il devra s’assurer de la destruction sécuritaire et confidentielle des documents en papier, et ce, conformément à l’art. 9 du Règlement. Jeter les documents dans des bacs de recyclage n’est pas une option acceptable si ces documents n’ont pas été préalablement déchiquetés de façon sécuritaire, sans possibilité de reconstitution par un membre du public. Cette mesure vise à éviter tout préjudice au client, ce qui est conforme aux art. 20, 49 et 50 du Code de déontologie.

Finalement, pour que les documents numérisés conservent une valeur juridique comparable à l’original, ce qui peut être déterminant dans l’établissement de la crédibilité de la preuve en cour, le psychologue s’assurera de produire une déclaration de numérisation avant de détruire les originaux.


Question : Quelles sont les mesures particulières à prendre pour assurer la sécurité et la confidentialité des dossiers informatiques et les données brutes numérisées?

Réponse : Le psychologue est responsable du secret professionnel et de l’intégrité du dossier pour assurer le caractère confidentiel de ses interventions. Il est aussi responsable de remplir ses obligations professionnelles en matière d’accès au dossier pour les personnes concernées, pour les besoins d’inspection professionnelle ou pour les besoins d’une enquête, le cas échéant.

C’est donc au psychologue que revient la tâche de s’assurer que le dossier sur support informatique (ou autre) ne puisse disparaître (être aliéné) ou être modifié (altéré). C’est pourquoi le psychologue utilisera des mesures de sauvegarde des données, des mots de passe sécurisés, des serveurs adaptés ou toute autre technologie afin de démontrer qu’il a rempli ses obligations professionnelles avec toute la rigueur et la prudence attendue.


Question : Une psychologue tombe malade et quitte son poste pour un temps indéterminé. Elle est remplacée au pied levé par une autre psychologue. La psychologue remplaçante constate que des évaluations sont en cours. La psychologue remplaçante peut-elle compléter les évaluations et les rapports?

Réponse : Lorsque les processus d’évaluation ne sont pas terminés, la psychologue remplaçante veillera à établir une rencontre clinique avec le client pour obtenir les renseignements nécessaires afin de préciser son opinion professionnelle (art. 38 du Code de déontologie) et pour expliquer les raisons du changement de psychologue. Elle devra compléter l’évaluation par les entrevues, les tests et les tâches nécessaires à la rédaction d’un rapport entier avec une opinion clinique adéquate. Pour ce faire, la remplaçante doit avoir accès aux données brutes des tâches accomplies (art. 49 du Code de déontologie). Lors de la rédaction du rapport, cette psychologue distinguera le travail de la première psychologue du sien.


Question : Dans une situation de remplacement pour congé de maladie, des évaluations ont été faites par la psychologue avant son congé de maladie, mais la rédaction des rapports n’a pas été amorcée. La psychologue remplaçante peut-elle achever les rapports?

Réponse : Dans une situation où une évaluation est complétée, mais que le rapport n’est pas rédigé, la psychologue remplaçante peut, entre autres mesures, prendre le temps d’effectuer une entrevue clinique avec le client afin d’avoir toute l’information professionnelle lui permettant de donner son opinion clinique. Afin de formuler les opinions professionnelles, les conclusions et les recommandations appropriées, la psychologue aura accès aux données brutes. Lors de la rédaction du rapport, elle devra veiller à distinguer le travail de la première psychologue du sien


Question : Cette même psychologue remplaçante constate que certains processus d’évaluation sont complétés et que les rapports sont rédigés. Peut-elle effectuer l’entrevue de bilan pour les clients dont les rapports ont été achevés?

Réponse : C’est effectivement possible. Comme l’intérêt du client prévaut sur celui des psychologues et de leur employeur (art. 23 du Code de déontologie), le client a le droit d’obtenir une copie du rapport complété. Au préalable, le psychologue aura pris connaissance des notes au dossier ainsi que de tous les documents associés au rapport, incluant les données brutes, pour mieux préparer la rencontre de bilan avec le client. Dans ces circonstances, le bilan peut être effectué avec le client. Le psychologue deviendra ni plus ni moins un intermédiaire entre le client et le contenu du rapport. Il pourra répondre à toutes les questions, puisque l’auteur du rapport aura pris soin de le rédiger dans une langue accessible à tout type de lecteur, incluant le client. Cette pratique est suggérée dans le guide explicatif sur la tenue de dossier en page 12.

Références

  • Bibliothèque et Archives nationales du Québec. La numérisation des documents. Méthodes et recommandations, mai 2012
  • Gouvernement du Québec. Code de déontologie des psychologues (C-26, r. 148.1.001).
  • Gouvernement du Québec. Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (C-1.1).
  • Gouvernement du Québec. Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets des psychologues (C-26, r. 221).
  • Ordre des psychologues du Québec. Guide explicatif concernant la tenue de dossier, septembre 2008.