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La thérapie par le jeu comme traitement de l’anxiété chez des enfants et leurs mères

Dre Fanny-Maude Urfer, psychologue au CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal et en pratique privée


Face à un nombre croissant de demandes concernant la régulation émotionnelle des jeunes, plus spécifiquement la gestion de leur anxiété, un psychologue opte habituellement pour une approche cognitivo-comportementale, dans une modalité d’intervention individuelle. Il souhaite se pencher sur d’autres manières d’intervenir et s’intéresse plus spécifiquement à l’idée d’inclure activement le parent dans ses interventions.

La thérapie par le jeu (en anglais : « Theraplay ») est une approche thérapeutique basée sur l’attachement qui vise à soutenir la relation et la synchronie émotionnelle au sein de la dyade parent-enfant. Il s’agit d’une forme de thérapie dyadique directive dont les composantes principales sont la structure, l’engagement, l’éducation et l’introduction de défis. Le thérapeute guide la dyade vers des interactions ludiques et structurées, ce qui vise à aider les parents à coréguler, avec le thérapeute, les émotions de l’enfant. Ainsi, ce dernier a l’occasion de se sentir connecté à son parent d’une manière sécurisante.

Une étude de Smithee et al. (2021) se penche sur le lien entre la thérapie par le jeu comme intervention et la réduction des symptômes d’anxiété au sein de six dyades mère-enfant. Dans ce contexte, à la fois la mère et l’enfant sont aux prises avec une anxiété cliniquement importante, d’une intensité de modérée à grave. Les résultats aux questionnaires d’anxiété, administrés à la fois aux enfants et aux mères, sont obtenus à trois reprises avant et pendant l’intervention thérapeutique, puis une fois en postintervention, un mois plus tard. Une attention est également portée aux dynamiques de proximité, de conflit et de dépendance anxieuse au sein des dyades.

Il ressort de cette étude que la thérapie par le jeu présente un très bon potentiel d’efficacité en ce qui concerne la réduction des symptômes d’anxiété, et ce, à la fois pour les mères et les enfants. Les résultats sont variables à chacune des phases du traitement et pour chacune des six dyades évaluées, mais, malgré cette variabilité, une majorité d’enfants s’avèrent globalement moins anxieux après la thérapie. De plus, deux tiers d’entre eux ne satisfont alors plus aux critères cliniques d’un trouble anxieux et cette amélioration se maintient en postintervention pour un tiers d’entre eux, ce qui donne à penser qu’une intervention de plus longue durée pourrait porter des fruits. À propos des mères, la plupart d’entre elles, à savoir toutes sauf une, ont bénéficié d’une diminution de leur anxiété jusqu’à atteindre un niveau non cliniquement important, et ce, jusqu’en postintervention.

L’étude propose des hypothèses quant aux mécanismes par lesquels la thérapie dyadique par le jeu contribue à une diminution de l’anxiété chez la mère et l’enfant. D’abord, l’amélioration du sentiment de sécurité et le développement de la tolérance à la détresse pourraient être des ingrédients qui entrent en jeu, puisque l’objectif principal de la thérapie par le jeu est de renforcer la relation d’attachement pour améliorer le fonctionnement de l’enfant. Ensuite, le développement de la capacité du parent à mieux répondre aux émotions de l’enfant et à l’aider à mieux réguler ses émotions pourrait également être à l’origine de la diminution de l’anxiété chez l’enfant.

D’autres effets positifs de la thérapie par le jeu pourraient avoir indirectement apaisé le niveau d’anxiété des dyades. D’abord, le développement des aptitudes parentales dans le contexte d’interactions saines, par exemple le respect des limites de chacun, pourrait avoir contribué à diminuer l’anxiété des enfants. Ensuite, par l’entremise de la thérapie, il est possible que les mères aient appris à mieux équilibrer le soutien démontré aux enfants et le respect de leur autonomie lors d’activités axées sur l’engagement et les défis. Ceci a pu créer un environnement propice à la régulation de l’anxiété des jeunes, et contribuer à leur impression d’être en maîtrise de la situation. Enfin, il est également possible que les mères, grâce à ce processus interactionnel, aient gagné en confiance vis-à-vis leurs aptitudes parentales et vu leur anxiété diminuer face à une relation améliorée avec leur enfant. Ces hypothèses s’inscrivent dans la lignée de résultats d’autres études établissant une corrélation entre, d’une part, l’anxiété de mères et d’enfants, et, d’autre part, des relations parent-enfant de moindre qualité.

Cette étude apporte un regard nouveau en se penchant non seulement sur les interactions parent-enfant, mais également sur la santé mentale, à la fois celle des mères et celle de leurs enfants. Notons qu’il s’agit d’une étude pilote et qu’ainsi, l’échantillon de faible taille et l’homogénéité des participants limitent la possibilité de généraliser les résultats. Or, ceux-ci montrent que la thérapie par le jeu peut potentiellement contribuer à la diminution de l’anxiété chez les mères et leurs enfants, tel que cela ressort au sein de la plupart des dyades évaluées. Dans le futur, le recours à une étude randomisée contrôlée pourrait permettre de conclure à l’efficacité assurée de ce type de thérapie pour traiter cette problématique.

Bibliographie