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Le psychologue et les enquêtes du syndic

Robert Vachon, psychologue et syndic sortant de l'Ordre des psychologues du Québec.


Plusieurs ordres professionnels ont connu une augmentation des demandes d’enquête au syndic ces dernières années. L’Ordre des psychologues ne fait pas exception : on y note une hausse annuelle d’environ 10 % de telles demandes depuis 2011.

Le bureau du syndic de l’Ordre a reçu 270 demandes d’enquête en 2015-2016, comparativement à 152 en 2012-2013. Ces demandes, qui proviennent en majorité du public (64 %), connaissent en effet un accroissement constant depuis quelques années. Plusieurs ordres professionnels ont observé une hausse similaire. Cette dernière et l’accélération du traitement des dossiers disciplinaires par le conseil de discipline sont deux facteurs qui mettent de la pression sur les ressources humaines et financières de l’Ordre.


 

Il n’en demeure pas moins que la plupart des professionnels préfèrent éviter l’expérience d’une enquête du syndic et le processus disciplinaire qui peut en découler. Même si le bureau du syndic met en place plusieurs moyens pour cultiver un climat de collaboration avec le professionnel qui fait l’objet d’une enquête, ce processus fortement encadré par la loi est souvent méconnu et génère du stress, voire de la détresse chez le professionnel visé et parfois aussi chez le demandeur d’enquête. C’est pourquoi l’Ordre a produit un document d’information sous forme de questions et réponses à l’intention des demandeurs d’enquête et des psychologues concernés. Ces derniers reçoivent systématiquement ce document, qui vise à répondre à leurs questions les plus courantes. Nous en reproduisons ici quelques extraits.

Extraits de Quand le bureau du syndic enquête, un document d’information à l’intention des psychologues faisant l’objet d’une enquête d’un syndic

Est-ce que je fais l’objet d’une plainte?
On parle souvent de « porter plainte à un ordre professionnel ». Or on devrait plutôt parler de « faire une demande d’enquête au bureau du syndic », car c’est ce dernier qui reçoit les signalements du public, qu’on nomme « demandes d’enquête ». À l’étape de l’enquête, il n’y a ni plainte ni dossier disciplinaire. Vous n’êtes accusé de rien. L’enquête vise, dans un premier temps, à vérifier les faits et les circonstances entourant les informations reçues de façon à établir si celles-ci sont fondées. Ceci permet de déterminer si un psychologue a potentiellement dérogé aux lois et règlements qui encadrent sa pratique. Cette enquête est effectuée par un syndic. La grande majorité des enquêtes d’un syndic mène à des interventions non disciplinaires.

Qu’est-ce qu’un syndic?
Un syndic est un employé indépendant nommé au sein de chaque ordre professionnel. Son rôle est de recevoir les signalements du public, de mener les enquêtes afin de vérifier si les faits allégués sont fondés et de décider si une plainte doit être portée au conseil de discipline. Il peut aussi ouvrir une enquête à partir d’une information portée à son attention et qui la justifie. Lorsqu’il y a lieu de porter plainte, le syndic devient le plaignant officiel et en assume toutes les responsabilités.

Quel est le rôle du conseil de discipline?
Le conseil de discipline est un tribunal quasi judiciaire indépendant de l’Ordre. Il est composé d’un avocat nommé par le gouvernement et deux psychologues nommés par le conseil d’administration (CA) de l’Ordre. Le conseil de discipline reçoit les plaintes formulées par un syndic ou un plaignant privé, entend les preuves et détermine s’il y a eu infraction aux lois professionnelles et aux règlements s’appliquant. Le cas échéant, le conseil sanctionnera le psychologue.

Puis-je continuer à pratiquer?
Dans presque tous les cas, vous pouvez continuer à travailler normalement. Dans certaines situations où la protection du public le requiert de manière urgente, un syndic peut, lors du dépôt de sa plainte, demander au conseil de discipline que le psychologue soit radié du tableau des membres de l’Ordre de façon immédiate et provisoire, ou que son droit de pratique soit limité de façon immédiate et provisoire, et ce, le temps que la plainte soit entendue par le conseil de discipline.

Puis-je éviter l’enquête d’un syndic?
Lorsque le bureau du syndic ouvre une enquête sur votre conduite, vous avez l’obligation d’y collaborer. Des dispositions du Code des professions et du Code de déontologie des psychologues établissent qu’un syndic peut demander des documents et des renseignements à des psychologues et à des tiers et que ces derniers ont l’obligation de fournir les éléments demandés. De plus, il vous est interdit d’inciter une personne détenant des renseignements vous concernant à ne pas collaborer avec un syndic, ou encore de lui interdire de lui transmettre ces renseignements.

À quoi dois-je m’attendre lors de l’enquête?
Le syndic dispose de différentes méthodes d’enquête en fonction des particularités propres à chacune des situations qu’il doit traiter. Le plus souvent, le syndic :

  • analyse les documents soumis par le demandeur d’enquête;
  • tient une entrevue avec le demandeur d’enquête;
  • étudie les documents remis par le psychologue;
  • fait une entrevue avec le psychologue;
  • rencontre des témoins;
  • consulte un expert.

Vous devez donc fournir l’original ou une copie des dossiers en cause. Vous serez questionné sur votre conduite et sur votre pratique lors d’une entrevue. Cette entrevue est généralement enregistrée afin de documenter avec précision les échanges. L’enregistrement est partie intégrante du dossier confidentiel d’enquête du syndic. En tout temps au cours du processus, vous pouvez vous attendre à être traité avec respect, à pouvoir donner votre version des faits et à être adéquatement renseigné sur le processus disciplinaire et sur le rôle du syndic.

Comment dois-je me comporter lors de l’enquête?
Voici quelques conseils utiles pour réagir adéquatement à une enquête d’un syndic. Les comportements suivants sont à favoriser :

  • répondre à toute demande du syndic dans le délai imparti;
  • au besoin, informer le syndic le plus rapidement possible de votre impossibilité de lui répondre dans le délai imparti et demander un délai additionnel;
  • offrir votre collaboration au syndic;
  • préparer l’entrevue avec le syndic en relisant les documents pertinents et transmis lors de la demande d’enquête;
  • apporter votre dossier client lors de l’entrevue d’enquête;
  • transmettre au syndic tous les documents qui lui permettront de comprendre le dossier;
  • répondre au syndic ou le rappeler le plus rapidement possible : même si vous avez retenu les services d’un avocat pour vous assister, vous devez vous-même communiquer avec le syndic.

Au contraire, les comportements suivants sont à éviter :

  • considérer le syndic comme un adversaire;
  • s’entêter à ne pas répondre au syndic;
  • discréditer la personne qui s’est adressée au bureau du syndic;
  • demander une lettre ou un témoignage d’appréciation à l’un de vos clients.

Ai-je besoin d’un avocat?
Lors de l’enquête, vous pouvez obtenir les services d’un avocat. Celui-ci pourra vous assister, mais il ne peut vous représenter, ni répondre aux questions à votre place, ni entraver le travail d’enquête du syndic. Si l’enquête donne lieu à une plainte au conseil de discipline, il est fortement recommandé d’être représenté par un avocat.

Mes assurances responsabilité s’appliquent-elles?
Non. L’assurance responsabilité professionnelle ne couvre pas les frais entraînés par une enquête du syndic ou un processus disciplinaire. Des assurances couvrant les frais disciplinaires existent cependant et sont offertes aux psychologues par l’entremise de certaines organisations.

Quelles sont les conclusions possibles d’une enquête?
Au terme de son enquête, le syndic peut décider :

  • de ne pas porter plainte au conseil de discipline;
  • de transférer le dossier au comité d’inspection professionnelle;
  • de tenter une conciliation entre le demandeur d’enquête et le psychologue;
  • de porter plainte au conseil de discipline.

Dans le premier cas, le syndic peut conclure à l’absence de faute déontologique et fermer le dossier. Lorsque des dérogations sont constatées, il peut solliciter la collaboration du psychologue pour déterminer des mesures non disciplinaires permettant de corriger ou d’améliorer la situation. Par exemple :

  • le syndic peut faire des recommandations ou des mises en garde au psychologue;
  • le psychologue peut s’engager volontairement à suivre une formation, une supervision, à limiter sa pratique, à corriger certains problèmes, etc.

Quelle que soit sa décision, le syndic en informe par écrit la personne qui a demandé la tenue de l’enquête ainsi que le psychologue visé. Si un demandeur d’enquête est insatisfait de la décision d’un syndic de ne pas porter plainte, il peut, dans les 30 jours suivant cette décision, demander l’avis du comité de révision. Par ailleurs, lorsque la plainte ne porte pas sur tous les aspects entourant la demande d’enquête, le demandeur peut solliciter l’avis du comité de révision sur les éléments non retenus dans la plainte.

Le comité de révision est un comité indépendant du bureau du syndic. Formé de trois personnes nommées par le CA de l’Ordre et dont l’une est nommée par l’Office des professions pour représenter le public, le comité de révision donne un avis relativement à la décision d’un syndic de ne pas porter une plainte lorsqu’il reçoit une demande.