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Le syndrome de fatigue chronique

Bruno Fortin, psychologue à l’Unité de médecine familiale Charles-Lemoyne


La chronique « La recherche le dit » traite d’un cas clinique. Puis, des données probantes sont rapportées en lien avec la problématique soulevée par le cas clinique. Finalement, l’apport des données probantes pour nourrir la compréhension clinique est discuté.


Le cas clinique

La patiente est en congé de maladie depuis six mois et craint de perdre son emploi. Elle se plaint principalement d’une fatigue extrême et prolongée qui n’est pas soulagée par le repos. Elle rapporte des problèmes de mémoire et de concentration. Elle a consulté son médecin de famille régulièrement pour des maux de tête, des maux de gorge, des douleurs aux muscles et aux articulations. Elle a vu plusieurs spécialistes, dont un neurologue, pour des étourdissements. Son équipe de soins a conclu au diagnostic de syndrome de fatigue chronique. Elle se décrit comme anxieuse et irritable, mais elle insiste pour dire que c’est la conséquence de sa maladie physique et non sa cause.

La recherche le dit

Le syndrome de fatigue chronique, connu aussi sous le nom d’encéphalomyélite myalgique, est caractérisé par une fatigue extrême, incapacitante, qui dure depuis plus de six mois et pour laquelle l’évaluation clinique n’a pas d’explication (Van Deer Schaaf et coll., 2015). En plus de la fatigue, on trouve au moins quatre des huit symptômes suivants : sommeil qui n’est pas récupérateur, malaise après l’effort, maux de tête, douleur musculaire, gorge irritée, douleur aux articulations, ganglions lymphatiques cervicaux ou axillaires sensibles, mémoire à court terme affaiblie et problèmes de concentration (Janse et coll., 2015).

La psychothérapie cognitivo-comportementale est un traitement efficace pour le syndrome de fatigue chronique (Rimes et Wingrove, 2011). La personne est invitée à nuancer ses schèmes de pensée qui la portent à penser de manière catastrophique au sujet de ses symptômes (« L’augmentation de ma fatigue est un signe que je vais me retrouver constamment alité. ») ou de l’activité physique (« L’exercice va rendre mon trouble de fatigue chronique bien pire. »). C’est plutôt l’évitement ou l’excès d’activité physique qui maintient la fatigue. L’exercice réduit la fatigue pour les personnes atteintes du syndrome de la fatigue chronique (Larun, Brurberg, Odgaard-Jensen et Price, 2016). Mettant de côté les ruminations inutiles ou négatives, le participant est entraîné à utiliser des techniques où il met au défi ses pensées, exécute des expériences comportementales et planifie des activités dont il augmentera graduellement le niveau.

La majorité des patients vivant avec le syndrome de fatigue chronique s’améliorent après une psychothérapie cognitivo-comportementale (Van Deer Schaaf et coll., 2015). Toutefois, ce sont environ 30 % des personnes qui récupèrent complètement. Cela a amené Rimes et Wingrove (2011) à suggérer une psychothérapie complémentaire basée sur la pleine conscience, qui s’adresse à ceux pour qui la thérapie cognitivo-comportementale n’a pas été suffisante. Les participants s’entraînent alors à porter attention volontairement au moment présent sans porter de jugement. Dans un état décentré de conscience métacognitive, les participants s’entraînent à observer leurs pensées comme des événements mentaux transitoires. Ils modifient leur relation avec leurs pensées plutôt que de s’efforcer à changer la pensée elle-même. L’accueil et l’acceptation des sensations physiques sont associés à un plus faible degré de fatigue chez les personnes qui vivent avec le syndrome de fatigue chronique. L’amélioration de la relation que la personne établit avec elle-même devient un antidote au perfectionnisme négatif et aux critiques envers soi. Une étude préliminaire rapporte que ce traitement complémentaire est bien accepté et facile à implanter dans sa version de groupe. Les participants qui ont suivi le traitement étaient moins fatigués et moins handicapés que le groupe de comparaison et cette amélioration s’est maintenue lors de la relance six mois plus tard.

La patiente dont nous avons parlé au début de cette chronique a développé une relation plus positive avec elle-même. Elle a décidé de faire de son mieux avec ce que la vie lui donne et a refusé d’ajouter des douleurs ou de la souffrance à ce qu’elle vit déjà. En plus de la méditation et des massages occasionnels, elle a élaboré un plan d’exercices physiques modérés et a développé des intérêts relationnels et culturels diversifiés. Elle est retournée à mi-temps à son emploi, ce qui correspond à ses capacités actuelles et contribue à son estime de soi, à la satisfaction de ses besoins sociaux et à l’équilibre entre sa vie personnelle, conjugale et professionnelle.

Références

  • Janse, A., Worm-Smeitink, M., Bussel-Lagarde, J., Bleijenberg, G., Nikolaus, S., et Knoop, H. (2015). Testing the efficacy of web-based cognitive behavioural therapy for adult patients with chronic fatigue syndrome (CBIT): study protocol for a randomized controlled trial, BioMedCentral, Neuroloy, 15, 137.
  • Larun, L., Brurberg, K. G., Odgaard-Jensen, J., et Price, J. R. (2016). Exercise therapy for chronic fatigue syndrome. Annals Of Internal Medicine, 164(10), JC55.
  • Rimes, K. A., et Wingrove, J. (2011). Mindfulness-based cognitive therapy for people with chronic fatigue syndrome still experiencing excessive fatigue after cognitive behariour therapy: a pilot randomized study. Clinical Psychology and Psychotherapy, 20, 107-117./li>
  • Van Deer Schaaf, M. E., Schmits, I. C., Roerink, M., Geurts, D. E. M., Toni, I., Roelofs, K., De Lange, F. P., Nater, U. M., Van der Meer, J. W. M., et Knoop, H. (2015). Investigating neural mechanisms of change of cognitive behavioural therapy for chronic fatigue syndrome: a randomized controlled trial. BioMedCentral Psychiatry, 15, 144.