Voir le monde comme un psychologue
Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec - presidence@ordrepsy.qc.ca
En novembre dernier, j’ai eu le plaisir de vous accueillir au Palais des congrès de Montréal dans le cadre du 26e congrès de l’Ordre, un événement qui avait dû être reporté non pas une, mais deux fois en raison de la pandémie. Quelle joie d’enfin pouvoir nous revoir après tout ce temps, de retrouver nos collègues, de discuter avec nos pairs, d’échanger avec eux un sourire, de prendre de leurs nouvelles! À l’issue du congrès, c’est un immense sentiment de fierté qui m’a habitée, une fierté une fois de plus renouvelée d’appartenir à une profession aussi riche, nourrissante et essentielle que la nôtre. Merci à tous ceux qui ont pu se joindre à nous lors de cet événement, que ce soit en présentiel ou encore à distance, des quatre coins du Québec.
Je tiens aussi à remercier le comité scientifique du congrès, qui a procédé avec grand soin et rigueur à l’évaluation et à la sélection des activités de formation, et ce, dans l’objectif de répondre aux besoins des membres de tous les horizons et de tous les milieux de pratique. Cette 26e édition a été marquée par la qualité et la variété des formations offertes, mais aussi par l’expertise reconnue de nos conférenciers et formateurs. Notre vision du congrès se voulait arrimée aux besoins actuels de la société, aux préoccupations sur l’état du monde, à ses changements, à ses enjeux. Le congrès, nous l’avons pensé dans une perspective large, évolutive, de manière à ancrer ses formations dans vos pratiques, dans vos réalités, que l’on pense aux impacts psychologiques de la pandémie, aux ruptures et aux réparations de l’alliance thérapeutique, aux thérapies assistées par les psychédéliques, aux compétences relationnelles du psychothérapeute ou encore aux interventions auprès des proches aidants, pour ne nommer que quelques-uns des thèmes des formations du congrès. De plus, la grande diversité des thèmes des ateliers de formation présentés pour l’occasion reflète, d’une part, la curiosité des psychologues, mais aussi, d’autre part, toute la complexité et la vastitude de nos regards.
Cette année, le thème du congrès, « Voir le monde comme un psychologue », était particulièrement à propos. Nous sommes tous témoins de l’intérêt sans précédent que la société porte au regard du psychologue sur le monde. Sa qualité, alimentée à la fois par la posture réflexive du psychologue, par ses savoirs, par ses connaissances et par sa rigueur, contribue a éclairer la compréhension du fonctionnement humain dans son ensemble, les transformations sociales, tout comme les enjeux sociaux.
De plus en plus, le public manifeste en effet une grande confiance envers les psychologues, leur savoir, leur sensibilité. Empreints d’empathie, d’humanité et d’ouverture, les psychologues offrent une vision bienveillante au cœur du processus de changement. Les différentes approches et l’éventail des champs de pratique ne font qu’enrichir encore davantage notre profession et notre apport au monde.
L’une des particularités de notre profession, c’est peut-être aussi cette capacité de voir à l’intérieur de soi… et de comprendre qu’on n’a pas choisi cette profession par hasard. Voir le monde comme un psychologue, c’est non seulement se connaître, mais aussi se reconnaître comme appartenant à une communauté scientifique qui partage des racines et des valeurs communes. Tourner le regard vers soi est aussi essentiel pour prendre son pouls, jeter un œil à sa boussole intérieure, et ainsi prendre soin de soi.
Alors que les changements sociaux s’accélèrent dans nos sociétés pluralistes et que nos capacités d’adaptation sont constamment sollicitées, les défis sont de taille. Lorsque la tension est vive et la charge émotive élevée, plusieurs vivent une perte de repères et ont besoin d’être écoutés. Ils ont besoin de se retrouver à l’intérieur d’un espace narratif dans lequel ils seront entendus. Le psychologue est là pour encourager les échanges, entretenir et cultiver la tolérance, ce filet de protection si crucial pour notre vie en société. Le psychologue est là pour mettre en lumière l’altérité : l’autre n’est pas soi, et chaque vécu est différent. Le psychologue propose également une vision qui lui est propre, et ce, de trois façons : un regard microscopique, en rendant visible ce qui est soustrait à la vue, un regard télescopique, afin de prendre du recul pour bien mettre en contexte, puis un regard kaléidoscopique, parce que le monde ne saurait se réduire qu’à une seule réalité, à une seule interprétation.
Les croisements de toutes ces perspectives nous apprennent l’humilité, nous apprennent l’humanité. La multiplicité des nouveaux savoirs aussi. Afin de préserver ces regards sur le monde, cruciaux pour la qualité de notre travail, il nous faudra continuer à nous serrer les coudes et à nous retrousser les manches.
En somme, voir le monde comme un psychologue, c’est éprouver cette curiosité que vous déployez jour après jour dans vos pratiques, c’est aussi exprimer une passion profonde pour la nature humaine. Ces regards que l’on offre, que l’on porte, que l’on pose ou que l’on croise permettent d’éclairer ce qui se trouve dans l’ombre, tout comme ce qui peut faire ombrage. C’est justement en raison de la nature de notre regard que tous les yeux se tournent vers notre profession à l’heure actuelle. Le cumul des regards du psychologue sur le monde est unique. Il ne connaît pas de frontière ni d’œillères. Il est précieux et, surtout, il est irremplaçable. Chers collègues, je tiens à vous remercier sincèrement pour chacun de vos regards, qui contribuent à la richesse de notre profession et au mieux-être de la population.
À l’approche des fêtes de fin d’année, je vous souhaite, en terminant, de pouvoir profiter de ce moment de répit, de passer du temps avec vos proches, mais aussi et surtout, de prendre soin de vous.