Agrégateur de contenus

Troubles anxio-dépressifs : fonction réflexive et effets psychothérapiques

Dre Fanny-Maude Urfer, psychologue au CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal et en pratique privée


Un étudiant en psychologie s’intéresse aux effets de la psychothérapie et se questionne quant aux mécanismes permettant d’accéder au changement, au-delà des différentes approches psychothérapiques existantes.

Bien que l’efficacité de la psychothérapie ait été démontrée par différentes méta-analyses, les efforts de recherche se poursuivent afin de déterminer les mécanismes d’interventions psychothérapiques permettant le changement. En effet, ces mécanismes pourraient être spécifiques à chaque psychothérapie, ou encore communs à différents types d’interventions.

Une revue de documentation portant sur l’efficacité de la psychothérapie fait ressortir l’effet décisif du recours à la mentalisation, et ce, peu importe le type de traitement psychothérapique. La mentalisation, principal sujet d’étude du professeur Peter Fonagy, renvoie à la capacité de percevoir et de (se) comprendre, à la fois soi-même et les autres, en ce qui concerne les états mentaux (tels que les émotions, les croyances, les intentions et les désirs), et constituerait possiblement le facteur commun déterminant l’efficacité de toute psychothérapie. Le concept de fonction réflexive, quant à lui, renvoie à l’opérationnalisation des habiletés mentales conduisant à la mentalisation.

Différentes recherches cliniques ont montré des lacunes sur le plan de la fonction réflexive chez des patients présentant un trouble de la personnalité, de l’alimentation, d’abus de substance, ou encore souffrant de problématiques telles qu’une psychose ou des troubles anxio-dépressifs. D’autres études ont permis d’établir un lien entre une fonction réflexive de base mieux développée et des symptômes moins sévères au terme d’un traitement psychothérapique. Finalement, des études ont mis en lumière la possibilité d’améliorer la fonction réflexive en cours de psychothérapie de type psychodynamique. Jusqu’à présent, il a été démontré qu’un changement sur le plan de la fonction réflexive surviendrait plus aisément dans un contexte de psychothérapie à long terme plutôt qu’à court terme.

Outre la sévérité des symptômes et le niveau de fonctionnement, la psychothérapie vise souvent les problèmes interpersonnels, puisqu’ils s’avèrent régulièrement associés aux troubles psychologiques. Ainsi, l’étude de Babl et ses collaborateurs (2021) considère ces trois types de variables afin de mieux comprendre le rôle de la fonction réflexive dans la psychothérapie. La psychothérapie de type cognitive-comportementale intégrative est privilégiée dans cette étude et offerte à 37 participants présentant des symptômes d’anxiété ou de dépression, et ce, pour une durée d’environ 25 séances. Les résultats sont recueillis en cours de psychothérapie et au terme de cette dernière, à quatre moments distincts dans le processus. Ces résultats concernent le niveau de fonction réflexive, la détresse associée à la symptomatologie (dépression ou anxiété), la sévérité des symptômes et les problèmes interpersonnels associés. La fonction réflexive est mesurée au regard de son effet entre participants (à savoir si elle se trouve à être plus ou moins élevée chez certains participants comparativement à d’autres) et de son évolution chez chacun des participants au fil du temps.

Il ressort de cette étude que la fonction réflexive s’améliore significativement au cours de la psychothérapie cognitivo-comportementale intégrative, mais qu’elle ne s’améliore que légèrement lorsque la psychothérapie est offerte sur une courte période de temps. Ces résultats s’avèrent conformes à ceux d’autres études démontrant qu’une psychothérapie à court terme apporte des changements positifs quant à des états qui peuvent varier en fonction de stimuli internes et externes, tels que des symptômes spécifiques à certains troubles de santé mentale, et peut ainsi améliorer l’état d’une personne. La psychothérapie psychodynamique à long terme permet, quant à elle, de se pencher sur des traits de personnalité persistants et offre la possibilité de développer la capacité à mentaliser.

Ensuite, en ce qui concerne les participants présentant une symptomatologie dépressive, des symptômes dépressifs moins sévères sont recensés à la suite de séances lors desquelles la fonction réflexive mesurée dévie positivement du niveau de fonction réflexive moyen du participant.

Finalement, on recense moins de problèmes interpersonnels chez les participants dont les niveaux de fonction réflexive, à la base assez élevés, s’améliorent en cours de traitement.

Il apparaît pertinent d’explorer la section des limites de cette étude afin d’explorer la question de la fonction réflexive sous de nouveaux angles dans le contexte de futures recherches. D’abord, en ce qui a trait à la validité de construit de la fonction réflexive, il est intéressant de constater que des variations sur ce plan ont pu être répliquées, mais en réalisant la mesure de la fonction réflexive dans un contexte de session de psychothérapie (thérapeute participatif qui oriente vers le changement), plutôt que dans le contexte standard d’évaluation à partir d’une entrevue structurée (intervieweur au rôle passif). Ensuite, une meilleure généralisation des résultats pourrait se faire à partir d’un échantillon plus grand et en considérant un spectre de diagnostics plus large. Finalement, de futures études pourraient considérer le caractère multidimensionnel du construit de fonction réflexive, et ainsi nuancer quant aux variations de la capacité de mentalisation chez les participants.

Néanmoins, cette étude permet de mettre en lumière pour la première fois l’effet de l’amélioration de la fonction réflexive dans un contexte de psychothérapie autre que psychodynamique, ce qui constitue une contribution importante à la meilleure compréhension des effets de la psychothérapie de manière générale.

Bibliographie