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Accès équitable aux services de psychothérapie

Dre Christine Grou, psychologue | Présidente de l'Ordre des psychologues du Québec 


On le constate très souvent, les troubles mentaux affectent non seulement la personne qui en souffre, mais aussi son entourage. Conséquemment, ces problématiques de santé, bien que souvent silencieuses et insidieuses, ont un impact humain important en plus des coûts généraux de santé.

Or, si le Québec ne manque pas de psychologues, on est trop souvent privé d’un accès rapide et gratuit à leurs services. L’Ordre fait des représentations et martèle depuis longtemps sur toutes les tribunes le besoin d’améliorer l’accès aux services psychologiques et à la psychothérapie. Le temps est venu d’adopter des mesures qui vont permettre d’étendre l’accessibilité aux services. La publication attendue cette année du troisième volet du rapport de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), qui doit porter sur différents modèles de déploiement et de financement d’une couverture élargie des services de psychothérapie au Québec, permet de croire que des mesures concrètes seront prises afin que cet accès soit enfin amélioré.

 

Petit retour en arrière : en 2012, le Commissaire à la santé et au bien-être recommandait au gouvernement du Québec de diversifier la couverture des services assurés dans le secteur de la santé mentale et d’offrir un accès équitable à la psychothérapie. 

La direction de la santé mentale du ministère de la Santé et des Services sociaux a donc confié à l’INESSS le mandat d’évaluer l’efficacité et les coûts-bénéfices de la psychothérapie comparativement à la pharmacothérapie (volet I), de répertorier les modèles existants à travers le monde (volet II) et d’évaluer l’impact financier d’une couverture élargie des services assurés pour la psychothérapie (volet III). 

En juin 2015, le premier volet du rapport confirmait que la psychothérapie a une efficacité aussi grande que la pharmacothérapie dans la diminution des symptômes des troubles anxieux et des troubles dépressifs, ces problématiques représentant environ 65 % des problématiques de santé mentale. On y démontrait également que les effets de la psychothérapie duraient plus longtemps à la suite du traitement (meilleure protection contre la rechute) et, finalement, que la combinaison des deux traitements était l’avenue la plus efficace. 

Toujours en juin 2015, le volet II du mandat de l’INESSS examinait les modèles du Royaume-Uni et de l’Australie. Ces modèles d’accès à des soins primaires de santé mentale montraient une diminution de certains symptômes (mesurés à l’aide de questionnaires autorapportés) liés à l’anxiété et à la dépression. Ils m’avaient toutefois causé quelques inquiétudes. D’abord, on y constatait un taux élevé d’abandon (beaucoup de personnes commençaient le programme, mais ne le poursuivaient pas). Ensuite, l’accès à ces programmes incluait les services de psychothérapie (sans égard pour la définition qui prévaut au Québec depuis 2012), mais pour une proportion de la clientèle seulement, les autres recevant d’autres formes de relation d’aide. Finalement, les programmes étaient difficilement applicables au Québec dans leur ensemble, puisque l’activité de psychothérapie en est une exclusivement réservée aux psychologues, médecins et professionnels de la santé mentale qui détiennent un permis d’exercice. 

Les informations recensées faisaient état de la nécessité d’améliorer l’accès à la psychothérapie en élargissant la couverture des services de santé assurés par le gouvernement dans un contexte de surcharge du réseau public et de listes d’attentes variant de plusieurs mois à plusieurs années selon les lieux, et où par ailleurs seulement un tiers des professionnels détenant le droit d’exercice offrent leurs services dans le réseau public. 

Depuis lors, l’Ordre a fait des représentations pour assurer le respect du cadre législatif propre au Québec en matière de psychothérapie. Nous avons également soutenu l’importance de ne pas imposer un cadre trop rigide au regard de l’approche théorique à privilégier ou du nombre de séances requises au traitement. Finalement, nous avons rappelé la pertinence d’offrir les services psychothérapeutiques pour toutes les problématiques de santé mentale (plutôt que de les restreindre aux troubles anxieux et dépressifs) et pour toutes clientèles : enfants, adolescents, adultes et personnes vieillissantes. 

Lorsque je faisais carrière à titre de clinicienne en santé mentale, la devise de mon lieu de travail était : « Animés par l’espoir ». C’est avec l’espoir que nos représentations aient porté leurs fruits que j’attends, comme vous, le troisième volet de ce rapport de l’INESSS. Espérons qu’il nous mènera à l’inclusion de la psychothérapie dans la couverture des services de santé assurés par l’État, du moins si le traitement des problèmes de santé mentale est réellement considérée comme indispensable en matière de santé.

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