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L’Ordre en mode rentrée

Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec - presidence@ordrepsy.qc.ca


Déjà septembre! J’ai toujours aimé l’effervescence de la rentrée, à la fois inspirante et mobilisatrice pour les nombreux projets, chantiers et activités sur lesquels travaille l’Ordre. Cela dit, j’espère que le trop bref répit estival vous aura permis du repos, du calme et du plaisir. Comme des annonces ont été faites par le gouvernement depuis la publication du dernier numéro du magazine Psychologie Québec, j’aimerais vous faire part non seulement des faits saillants du rapport du groupe de travail présidé par Hélène David, mais aussi des nuances qui s’imposent quant à la portée du mandat et aux mesures annoncées.

En conférence de presse le 8 juin dernier, Hélène David, présidente du Groupe de travail sur l’optimisation de la formation en psychologie et en santé mentale, Pascale Déry, ministre de l’Enseignement supérieur, et M. Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux, ont en effet annoncé plusieurs mesures visant l’optimisation de la formation en psychologie dans la foulée du rapport déposé par Mme David au printemps. Ce rapport, intitulé Santé mentale : des formations qui répondent aux besoins de la population, est constitué de 18 recommandations, lesquelles comprennent l’essence des recommandations formulées par l’Ordre auprès de ce groupe de travail. Bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction et que l’Ordre ait favorablement accueilli ces annonces, soulignons que la partie est encore loin d’être gagnée et qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour que des solutions pérennes aux enjeux d’accès aux services psychologiques soient mises en place. L’objectif demeure d’offrir à la population, selon ses besoins, un accès aux services de professionnels qualifiés, et ce, en temps opportun. Il serait en effet utopique de croire qu’à elles seules, ces mesures permettront une réelle amélioration de l’accès aux services en santé mentale, et plus particulièrement aux services psychologiques dans le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS), puisqu’elles ne ciblent pas le noeud du problème, soit l’attraction et la rétention de psychologues dans le réseau public. L'amélioration des conditions de travail dans le réseau de la santé favoriserait non seulement la rétention du personnel, mais permettrait aussi de pourvoir les nombreux postes de psychologues qui demeurent vacants. Cela dit, la portée des mesures proposées et le plan de travail échafaudé nous rappellent à quel point notre profession, au coeur des services en matière de santé mentale, est essentielle au bien-être de la population.

À propos des recommandations formulées par l’Ordre

Devant les besoins croissants de la population et le nombre de places limitées au doctorat en psychologie dans les universités québécoises, l’Ordre a recommandé une augmentation des admissions aux programmes de doctorats professionnels de troisième cycle (Psy. D., D. Psy ou D. Ps.) afin de former davantage de nouveaux psychologues, et ce, je le réitère, sans compromettre la formation et les compétences de ces derniers, et sans amputer l’apprentissage de la recherche. En parallèle, les programmes de doctorat de recherche et intervention (Ph. D. R/I), aussi essentiels à l’avancement des savoirs et de la connaissance en psychologie au Québec, poursuivront leur développement et demeureront attractifs.

Notre recommandation principale quant aux établissements universitaires correspond aussi à la première recommandation qu’a faite le groupe de travail de Mme David auprès du gouvernement. Pour ce faire, il est prévu que le gouvernement soutienne les universités, notamment sur le plan financier. Qui plus est, dans la perspective où l’État québécois souhaite accélérer l’accès au marché du travail des futurs psychologues, l’Ordre recommande qu’un financement adéquat destiné à l’ensemble des étudiants au doctorat en psychologie soit considéré afin qu’ils puissent s’y consacrer entièrement. Il est d’autant plus crucial de mettre en place un mode de financement viable pour les doctorants inscrits au doctorat professionnel, puisque les essais doctoraux ne sont pas admissibles aux bourses de recherche traditionnelles octroyées par les organismes subventionnaires – généralement, seuls les étudiants au Ph. D. sont en mesure de satisfaire aux critères d’admissibilité. À ce sujet, le groupe de travail recommande que le montant des bourses de soutien aux internes en psychologie soit porté à 30 000 dollars annuellement et indexé au coût de la vie.

Le rôle essentiel des superviseurs

Il va sans dire que l’augmentation des doctorants devra nécessairement s’accompagner d’une augmentation du nombre de superviseurs (et de places d’internat), notamment dans le RSSS. L’Ordre avait émis cette recommandation dans son rapport, et une recommandation précise du rapport David cible le rôle fondamental des superviseurs dans la formation des doctorants. Le groupe de travail prévoit la mise sur pied d’un comité de mise en oeuvre regroupant le ministère de l’Enseignement supérieur (MES), le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et le Bureau de coopération interuniversitaire « pour établir des politiques de valorisation et de reconnaissance des psychologues-superviseurs, qui sont essentiels à la formation dans le réseau public ».

La durée de la formation

Je ne vous apprends rien, de nombreux délais existent durant le parcours menant à l’obtention du permis de psychologue, qu’ils proviennent des universités ou qu’ils soient de nature administrative de l’Ordre. Pour tenter d’y remédier, dès 2023-2024, l’Ordre constituera un comité qui se consacrera à l’analyse des dossiers reçus pour l’obtention du permis, lequel sera aussi soumis à des délais circonscrits afin d’assurer la fluidité du processus menant à son obtention. En ce qui a trait aux délais du parcours doctoral en milieu universitaire, le groupe de travail recommande aux universités de prendre les mesures nécessaires pour que les étudiants terminent leur programme en quatre ans en s’assurant, notamment, que l’essai doctoral soit réellement de moindre envergure que la thèse du Ph. D. et que l’étudiant soit bien encadré tout au long de son parcours. Cette recommandation rejoint tout à fait la deuxième recommandation formulée par l’Ordre dans son propre rapport.

Les compétences des bacheliers

Le dernier volet du mandat du groupe de travail concernait l’optimisation et la valorisation des compétences des bacheliers en psychologie afin de mieux répondre aux besoins de la population. À l’écoute de vos inquiétudes hautement partagées dans le sondage et sensible à celles-ci, l’Ordre a recommandé de rehausser les compétences des bacheliers durant leur formation, et tout à la fois de bien informer les gestionnaires des rôles et des compétences respectives des bacheliers et des professionnels, de même que de bien circonscrire les tâches et les fonctions qui leur seront attribuées. Le groupe de travail consacre quant à lui six recommandations spécifiques au baccalauréat en psychologie, dont celle d’y apporter des modifications afin de lui donner une portée plus pratique en y incluant, par exemple, davantage d’exposition.

Tout comme vous, je suis d’avis que cette bonification peut certes enrichir le parcours de formation au baccalauréat ; il demeure essentiel que les bacheliers qui oeuvreront en santé mentale sans être membres d’un ordre professionnel soient bien au fait des limites de leurs compétences et des activités réservées dans le cadre de la loi 21. Cette posture est également partagée par le groupe de travail et signalée dans sa dernière recommandation.

Des chiffres qui ne mentent pas

Par ailleurs, le rapport David cite plusieurs données transmises par l’Ordre, notamment l’évolution des effectifs de psychologues dans le RSSS. Rappelons qu’actuellement, seuls 20 % des psychologues en exercice ont le RSSS comme milieu de pratique principal. C’est donc, au total, moins de psychologues qui exercent dans le RSSS qu’il y a 20 ans, alors que la population du Québec a augmenté de près de 1,3 million d’habitants. Durant ce temps, l’exode des psychologues vers le privé suit la courbe inverse – 47 % des psychologues exercent principalement en pratique privée. Le rapport David relate à ce propos des échanges préoccupants tenus avec le MSSS ; « il serait nécessaire de recruter autour de 1 000 psychologues d’ici cinq ans pour maintenir un service adéquat dans le réseau public », y lit-on entre autres.

Une bourse supplémentaire de 25 000 dollars

Lors de la conférence de presse du 8 juin dernier, le ministre Carmant a par ailleurs annoncé, afin d’améliorer l’attractivité du réseau de la santé, qu’une bourse supplémentaire de 25 000 dollars sera accordée par le MSSS à ceux et celles qui s’engageront dans le RSSS pour une période de deux ans à la fin de leurs études. Celle-ci s’ajoute à la bourse de 25 000 dollars pour les internats dans le RSSS octroyée par le MES. Voilà un premier pas dans la bonne direction, mais, à elle seule, cette mesure ne peut garantir l’engagement à long terme des psychologues dans le RSSS si les conditions de travail et salariales demeurent inchangées. Force est de constater que les problèmes de rétention et d’attraction persisteront si le statu quo demeure.

Et le réseau scolaire?

Autre conséquence déplorable, cette bourse supplémentaire du MSSS ne pourra s’appliquer aux jeunes psychologues qui désireront s’engager dans un milieu scolaire, ce qui constitue un net désavantage pour les écoles. Il sera évidemment plus attrayant pour un jeune psychologue d’amorcer sa carrière dans le RSSS que dans le réseau scolaire. Cela dit, le groupe de travail a rencontré le MEQ et est bien au fait des enjeux de recrutement et de rétention dans le réseau scolaire. Une recommandation du groupe de travail est d’ailleurs de trouver des moyens pour augmenter les admissions dans les programmes de formation en psychologie scolaire offerts par certaines universités. Le rôle du psychologue scolaire demeure crucial pour le développement et la réussite éducative des enfants.

Les étapes à venir : un plan de travail

Le MES et le MSSS ont mis sur pied un plan de travail conjoint dans le but de prioriser les recommandations du rapport David. Divisé en quatre volets (Stage, Admission, Formation, Orientation et soutien), ce plan de travail détaille les actions envisagées pour permettre la mise en place des recommandations.

Rappelons que tout au long de ces démarches, l’Ordre travaille à une accessibilité accrue aux services psychologiques, mais n’acceptera jamais que cela se fasse au détriment de la compétence des psychologues et de la qualité des services offerts. Nous suivrons de près l’avancement des travaux et vous tiendrons au courant des éléments pertinents.

Un dossier thématique sur le TDAH

En terminant, je vous invite à lire notre dossier thématique, qui tombe à point en cette période de la rentrée puisqu’il traite du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité. Le comité de rédaction a pu compter sur l’expertise de Marie-Claude Guay, psychologue, pour l’élaboration de ce dossier.