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Quelques astuces pour faciliter le processus d’inspection professionnelle

Dre Isabelle Marleau, psychologue et directrice de la qualité et du développement de la pratique sortante de l'Ordre des psychologue du Québec.


Chaque année, plus de 450 psychologues participent au processus d’inspection professionnelle de l’Ordre, soit 5 % des membres. En 2020, 95 % des psychologues inspectés ont rapporté que leur expérience d’inspection professionnelle a été positive et leur a permis d’améliorer leurs pratiques professionnelles.

Par cette chronique, nous souhaitons que tous les psychologues puissent bénéficier de la rétroaction donnée par les inspecteurs lors des processus d’inspection. Les cinq problématiques les plus fréquentes ont donc été répertoriées, et les suggestions offertes par les inspecteurs sont présentées ici, afin de permettre d’outiller l’ensemble des membres, mais également de soutenir ceux qui se préparent à vivre une inspection.

1. Distinguer les termes psychothérapie et thérapie

La psychothérapie est définie comme :

« Un traitement psychologique pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé. Ce traitement va au-delà d’une aide visant à faire face aux difficultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien1 . »

Il s’agit d’une activité à haut risque de préjudice qui a été réservée par le PL 21 à certains professionnels (psychologues, certains membres d’ordres professionnels titulaires du permis de psychothérapeute, médecins) aux fins de la protection du public.

Le mot thérapie, quant à lui, peut être considéré comme un synonyme du mot traitement et en ce sens avoir une valeur générique englobant différents types d’interventions dont la psychothérapie2. La psychothérapie est donc réservée par la loi alors que plusieurs autres interventions en santé mentale et relations humaines ne le sont pas. Par conséquent, l’emploi du mot thérapie risque de créer de la confusion lorsqu’il s’agit de distinguer la psychothérapie des autres interventions et d’identifier les professionnels autorisés à l’exercer. Il est donc suggéré d’éviter d’utiliser le mot thérapie comme synonyme ou comme abréviation du mot psychothérapie. La même logique s’applique aux termes thérapeute et psychothérapeute, thérapeutique et psychothérapeutique.

Par ailleurs, même s’il ne faut pas utiliser le mot thérapie seul, il arrive qu’on l’accole à des approches, des outils ou des techniques, comme, par exemple, art-thérapie, musicothérapie, zoothérapie et hypnothérapie3. En effet, l’art, la musique, les animaux et l’hypnose peuvent servir comme médium, adjuvant ou technique et peuvent être utilisés dans le cadre de diverses interventions. Ces approches, outils ou techniques peuvent donc être employés dans le cadre d’interventions qui constituent, ou non, de la psychothérapie.

2. Les conflits de rôles et les conflits d’intérêts

Le psychologue s’engage à servir l’intérêt premier de ses clients; tout autre intérêt, le sien ou celui de tiers, doit lui être subordonné (section IV du Code de déontologie des psychologues). Il y a donc conflit d’intérêts lorsque le psychologue a des intérêts personnels qui entrent en concurrence avec son mandat. Ainsi, plusieurs situations peuvent être à la source de conflits d’intérêts.

Le Code de déontologie des psychologues ne réfère pas à l’expression conflit de rôles. L’expression générique conflit d’intérêts recouvre les situations où le psychologue s’engage auprès d’un ou de plus d’un de ses clients dans des rôles qui risquent d’être incompatibles pour bien servir leurs intérêts (art. 28 et 29 du Code de déontologie des psychologues).

Le fait d’exercer des rôles différents à l’intérieur de sa profession et auprès d’un même client comporte un potentiel de conflit d’intérêts dans la mesure où certains intérêts d’un rôle sont incompatibles avec ceux d’un autre rôle. Toutefois, tous les rôles exercés ne sont pas automatiquement incompatibles : le jugement professionnel prévaut pour déterminer si les méthodes ou interventions relatives aux mandats confiés et à la poursuite des objectifs convenus portent atteinte à l’intérêt premier des clients. Parmi les situations possiblement problématiques à considérer, il y a, par exemple, celles qui suivent :

  • Le rôle qu’un formateur joue auprès d’un groupe de participants à qui il communique un contenu particulier et celui consistant à aider ces mêmes participants à réaliser les apprentissages convenus peuvent être incompatibles avec le besoin spécifique d’un des participants;.
  • La relation hiérarchique et le rôle d’évaluation du superviseur ne sont pas compatibles avec le rôle de psychothérapeute;
  • Le rôle du superviseur d’accompagner quelqu’un dans son développement professionnel peut entrer en conflit avec le rôle de psychothérapeute4, qui vise le traitement psychologique du trouble mental ou le développement personnel du supervisé.

3. La transmission de renseignements à un tiers

Dans l’art. 10 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues, il est stipulé que :

« [l]orsqu’un client demande qu’une copie de son dossier ou que des renseignements contenus dans ce dossier soient transmis à un tiers, le psychologue ne peut transmettre ces renseignements que 15 jours après la date de signature par le client d’un consentement à cet effet. Le client peut, à l’intérieur de ce délai, révoquer son consentement. Toutefois, dans les cas d’urgence, le client peut renoncer à ce délai de 15 jours ».

Étant donné qu’il s’agit d’une obligation écrite, tout psychologue doit disposer d’un formulaire d’autorisation de transmission de renseignements à un tiers, dans l’éventualité où une transmission de renseignements devrait avoir lieu. Afin de respecter l’art. 10, vous pouvez utiliser la formulation suivante dans votre formulaire d’autorisation à la transmission de renseignements.

Un délai de 15 jours est applicable à la transmission de renseignements à un tiers, délai pendant lequel vous pouvez révoquer votre consentement. Toutefois, en cas d’urgence, vous pouvez renoncer au délai de 15 jours pour la transmission des renseignements.

Je renonce au délai de 15 jours : OUI  NON 

Signature : __________________________________________________________

 

Ce délai a été prévu afin de permettre aux personnes de réfléchir à leur décision et éventuellement de revenir sur celle-ci.

Néanmoins, l’art. 10 du Règlement ne s’applique pas à tous les psychologues. En effet, l’art. 12 mentionne que cet article ne s’applique pas au psychologue qui exerce dans un établissement au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5). Alors, les règles internes des établissements doivent s’appliquer.

4. Les documents réglementaires dans la salle d’attente

L’art. 18 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues prévoit que le psychologue doit exposer dans sa salle d’attente une copie des documents suivants : le Code de déontologie des psychologues, le Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des psychologues et, dans le cas d’un psychologue percevant des honoraires de ses clients, le Règlement sur la procédure de conciliation et d’arbitrage des comptes des psychologues

Cet article vise exclusivement les salles d’attente des cabinets de consultation privés.

Le psychologue a l’obligation d’utiliser la version originale (les photocopies ou l’impression du texte disponible par Internet ne sont pas acceptées au regard de la Loi sur le droit d’auteur). En effet, « une copie » signifie « un exemplaire original » et non « une photocopie ».

L’art. 18 mentionne également que l’adresse de l’Ordre doit apparaître sur chacun de ces documents. La raison est la suivante : faire connaître au client l’adresse où il pourrait éventuellement porter plainte.

Il est possible de faire l’achat des documents originaux en écrivant à l’adresse suivante : info@ordrepsy.qc.ca. De plus, l’Ordre appose maintenant lui-même son adresse sur les documents.

Lorsqu’un psychologue travaille dans plusieurs bureaux fixes (comprenant chacun une salle d’attente), il doit se procurer un exemplaire des documents pour chacune des salles d’attente. Lorsqu’un psychologue se déplace d’un cabinet de consultation à un autre, ce qui arrive fréquemment en milieu scolaire, il doit pouvoir fournir les documents aux clients sur demande, dans un délai raisonnable.

Pour ceux qui pratiquent en télépsychologie, notamment en période de pandémie, il est recommandé qu’ils partagent les liens Web suivants avec leurs clients :

5. L’évaluation des troubles mentaux et autres concepts connexes

À la lumière de la définition de « l’évaluation5  » qui se trouve dans le guide explicatif du PL 21, Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, de la description et de la portée des évaluations qui sont liées à l’identification de troubles, les évaluations qui consistent à statuer sur la présence d’un trouble mental, neuropsychologique ou un handicap intellectuel (retard mental) sont des activités de nature diagnostique, et ce, même si par compromis, on les a historiquement qualifiées autrement, plus spécifiquement lors de l’adoption du PL 21. Ainsi, le diagnostic psychologique de trouble mental est une expression équivalente à l’évaluation des troubles mentaux ou au diagnostic en santé mentale. 

Outre dans le secteur de la santé mentale, rappelons que le terme diagnostic peut être utilisé dans d’autres contextes, notamment en psychologie organisationnelle. 

Évaluer le fonctionnement psychologique et mental d’une personne est prévu au champ d’exercice du psychologue. Il s’agit de la marque distinctive de la profession. Le psychologue évalue le fonctionnement psychologique, lequel constitue l’objet d’étude et d’intervention de la profession. Il évalue également le fonctionnement mental afin d’en identifier les troubles, au sens d’un dysfonctionnement, d’une altération des fonctions mentales, tels le retard mental, les troubles mentaux et les troubles neuropsychologiques6

L’évaluation du fonctionnement psychologique et mental d’une personne atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique est réservée aux psychologues. En dehors de ce contexte, elle ne l’est pas. L’évaluation du fonctionnement psychologique et mental consiste à évaluer notamment les affects, aptitudes, attitudes, cognitions, goûts, intérêts, motivations, ressources et autres, et ce, en vue d’établir un portrait de la personne évaluée, de faire des recommandations ou de déterminer un plan d’intervention7.

Conclusion

Nous espérons que cette chronique a pu apporter certaines clarifications et qu’elle permettra à l’ensemble des membres de bonifier leurs pratiques professionnelles et de s’engager dans le processus d’inspection professionnelle avec confiance. 

Notes et références

Notes

  1. Code des professions, art. 187.1.
  2. Collectif. (2018). Exercice de la psychothérapie et des interventions qui s’y apparentent, p. 23.
  3. Ordre des psychologues du Québec. (2013). Avis de l’Ordre des psychologues du Québec sur l’hypnose et l’hypnothérapie.
  4. Ordre des psychologues du Québec. (2019). La supervision : balises de pratiques, réflexions éthiques et encadrement réglementaire.
  5. « L’évaluation implique de porter un jugement clinique sur la situation d’une personne à partir des informations dont le professionnel dispose et de communiquer les conclusions de ce jugement. Les professionnels procèdent à des évaluations dans le cadre de leur champ d’exercice respectif. Les évaluations qui sont réservées ne peuvent être effectuées que par les professionnels habilités. » Office des professions du Québec. (2013). Guide explicatif – PL no 21, Section 3, page 04.
  6. Ibid., Section 2, p. 19.
  7. Ibid., Section 2, p. 19.

Références