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Retour Parcours de résilience de parents et de familles anicinapek
La Dre Sioui, d’origine wendat et membre de la Nation anicinape, pratique en bureau privé à Montréal. Elle intervient également auprès de communautés des Premières Nations du Québec. Ses intérêts de recherche portent notamment sur la résilience en milieu autochtone.
En dépit de l’adversité et des traumatismes historiques et contemporains affectant les Premières Nations du Canada, plusieurs individus racontent des récits de vie personnelle et familiale porteurs d’espoir dont ils sont fiers : des histoires de résilience. Cet article présente les principaux résultats de la thèse doctorale de l’auteure (Sioui, 2017) portant sur le processus de résilience familiale à l’intérieur de deux communautés anicinapek (algonquines) du Québec.
Le premier objectif consiste à décrire les conditions adverses des familles anicinapek, et ce, sur le plan de la trajectoire de vie des parents, au sein de la famille et de la communauté. Le deuxième objectif vise à décrire et à comprendre le processus par lequel les familles parviennent à surmonter les conditions adverses, en précisant les composantes de la trajectoire de vie des parents, de la dynamique familiale et dans leurs relations avec la famille étendue, la communauté et les services de la ville la plus près. L’article propose également quelques pistes de discussion et d’intervention.
Les conditions adverses qui affectent les Premières Nations du Canada sont de sources multiples, souvent chroniques, parfois traumatiques et s’accumulent à travers la vie des individus et les générations (Bombay et coll., 2009; Kirmayer, Sehdev, Whitley, Dandeneau et Isaac, 2009). L’intensité des contextes adverses contemporains se situe directement en continuité avec l’adversité et les traumatismes auxquels les Premières Nations ont été confrontées au cours de l’histoire, découlant de la Loi sur les Indiens (1876) (CRPA, 1996) et des politiques gouvernementales assimilatoires qui en résultent, comme le système des pensionnats indiens, visant leur disparition comme entités légales, sociales, culturelles, religieuses et raciales (Commission de vérité et réconciliation, 2015). La transmission intergénérationnelle des traumatismes vécus depuis des siècles rend donc encore plus complexe l’adversité contemporaine (Aguiar et Halseth, 2015; Bombay et coll., 2009).
L’étude de la résilience est valorisée et significative au sein des Premières Nations, puisqu’elle permet de se décentrer des déficits et des pathologies qui leur sont généralement associés. Qui plus est, elle fait ressortir leurs forces et leurs capacités à survivre, à bien vivre (meno madizin en langue anicinape [Leroux, 1995]) et même à s’épanouir dans la société contemporaine (Kirmayer, Sehdev, Whitley, Dandeneau et Isaac, 2009; Laboucane-Benson, 2009).
Dans le cadre de la thèse, notre définition de base de la résilience familiale est la suivante : « le processus par lequel les familles parviennent à surmonter les conditions adverses auxquelles elles sont confrontées ». Ce processus implique, d’une part, des composantes propres aux familles et aux individus qui en font partie et, d’autre part, des composantes dans leurs relations avec la famille étendue, la communauté et la ville la plus près. Par l’entremise d’entrevues individuelles et de groupes de discussion semi-dirigés, nous avons cherché à comprendre ce que signifie la résilience familiale pour des parents et des informateurs clés des communautés anicinapek (algonquines) de Kitcisakik et de Pikogan en partant des deux critères de base généralement reconnus dans la littérature1.
La thèse met en évidence des trajectoires de vie personnelle et familiale se distinguant par de multiples conditions adverses et traumatiques. Au cours de leur enfance et de leur adolescence, les parents ont été marqués par les impacts d’événements traumatiques de leurs propres parents, particulièrement l’expérience du pensionnat indien de Saint-Marc-de-Figuery, de même que par la négligence parentale et la violence familiale. Enfin, la séparation et le déracinement de la famille et de la communauté d’origine ainsi que l’impossibilité de créer des liens stables avec les parents substituts se situent également au cœur de leurs souffrances.
La majorité des familles ont été confrontées à une problématique de dépendance à l’alcool, aux drogues ou au jeu d’un ou des deux parents ainsi qu’aux infidélités ou à la violence conjugale. D’autres difficultés familiales s’ajoutent dans bien des cas : problématiques psychologiques, scolaires ou de consommation d’alcool et de drogues des enfants, maladies avec danger létal, accidents impliquant des blessures mortelles, difficultés reliées aux familles recomposées, décès/suicide (tentative) dans la famille élargie et séparation avec le père des enfants (pour les mères monoparentales).
Par ailleurs, des facteurs néfastes communautaires influencent également l’expérience familiale : la prévalence importante de la consommation d’alcool et de drogues, le manque de limites relatives à l’encadrement des enfants (par exemple le climat général de permissivité) et la perte des valeurs anicinapek. À Kitcisakik, deux conditions connexes ressortent : le niveau élevé de pauvreté et les conditions sociosanitaires défavorables, principalement vivre sans eau potable ni électricité, de même que le contexte sociohistorique récent relatif à l’éducation des enfants hors de la communauté.
En conclusion, retenons le caractère intense de l’adversité, tant par le nombre élevé de conditions adverses familiales et communautaires, souvent vécues de façon simultanée, que par la chronicité et le potentiel traumatique de plusieurs d’entre elles.
La résilience familiale en milieu anicinape est un processus qui se développe graduellement tout au long de la vie des parents, de leur enfance jusqu’à leur vie familiale actuelle. Elle se construit grâce à certains fondements ancrés dans l’histoire de vie personnelle des parents. Comme ils ont grandi dans des contextes d’adversité extrême, très tôt dans leur vie, les parents ont acquis un sens aigu de la débrouillardise et des responsabilités. Malgré l’adversité et les traumatismes, force est de constater qu’ils conservent des souvenirs positifs de leur réalité familiale d’autrefois (notamment la vie dans le bois et la transmission des valeurs familiales) et qu’il leur est ainsi possible de se représenter positivement leurs propres parents.
Leur forte motivation/décision initiale visant à ne pas reproduire avec leurs enfants les mêmes conditions traumatiques vécues plus jeunes (négligence parentale, violence familiale, mauvaises conditions socioéconomiques, etc.) se développe durant leur jeunesse pour devenir un principe de vie directeur. La résilience se construit également dans leur sentiment d’appartenance/fierté communautaire et à la culture anicinape. Ces premiers fondements enracinés dans la culture et les valeurs traditionnelles anicinapek suggèrent de mettre l’accent sur leur transmission, par exemple, en valorisant et en favorisant concrètement ou symboliquement dans l’imaginaire individuel et collectif le lien et l’attachement au territoire traditionnel anicinape, et ce, dès l’enfance.
La naissance des enfants, du premier particulièrement, marque un tournant dans le parcours de vie des parents en constituant le principal élément déclencheur du processus de guérison des blessures et des traumatismes passés. Outre la sobriété, la guérison se traduit essentiellement par un processus de (re)construction de soi et de son passé. Ainsi, il se crée chez les parents une ouverture de plus en plus grande pour s’occuper de soi et de ses enfants, pour apprendre à se connaître et pour comprendre les origines de leurs souffrances dans l’histoire personnelle, familiale et générationnelle. Pour les Anicinapek comme pour les membres de toutes les Premières Nations, ce passé à (re)construire implique non seulement de développer une conscience de sa propre histoire, mais également celle de sa communauté, de sa nation et des autochtones en général. La connaissance de son histoire avec un grand H peut s’inscrire dans le mouvement de « conscience décolonisatrice »2, en émergence dans les sociétés autochtones contemporaines (Newhouse, Voyageur et Beavon, 2005) et qui gagnerait à se développer davantage en milieu anicinape afin de favoriser la résilience familiale.
Par ailleurs, la thèse fait valoir la place du pardon, notamment celui envers les parents et les agresseurs, dans le processus de guérison. Elle suggère également de permettre l’exploration du sens particulier que peut évoquer le pardon, tant pour les individus que pour la collectivité : est-il représenté comme une prescription religieuse ou associée aux Alcooliques anonymes (populaires présentement au sein des Premières Nations)? S’inscrit-il dans les valeurs et manières traditionnelles anicinapek de résolution des conflits? Elle laisse d’autres questions importantes à discuter. À titre d’exemple : le pardon envers soi et ses agresseurs est-il, dans toutes circonstances et pour tous, possible et souhaitable? Comment diminuer les risques qu’il soit réalisé plutôt « en surface » (pseudopardon) qu’« en profondeur » (pardon authentique), évacuant un réel travail intrapsychique sur les émotions intolérables, telles que la haine de soi ou de l’autre? Comment le pardon de soi et le pardon envers autrui s’alimentent-ils?
Certaines influences sont significatives dans le processus de guérison. Les expériences psychothérapeutiques sont fréquemment considérées comme le symbole et l’ancrage d’un engagement dans une vie plus saine pour les parents et leurs enfants, ainsi que le commencement d’une rencontre avec soi-même. La spiritualité anicinape et le christianisme (pentecôtisme et catholicisme) apportent pour plusieurs un sentiment d’être guidé et/ou protégé dans ce processus. Par ailleurs, la guérison se réalise souvent de manière interdépendante entre les partenaires d’une majorité de couples. La volonté simultanée de l’un et de l’autre à s’engager dans une thérapie s’est avérée pour plusieurs un élément indispensable de leur sobriété. Enfin, des membres significatifs de la famille étendue (souvent, leurs propres parents) ou de la communauté se présentent comme des modèles de rôle et des sources d’inspiration.
Le processus de guérison conduit graduellement à de profondes transformations identitaires, conjugales et familiales au cœur desquelles les enfants deviennent la source fondamentale de sens et de structure de la vie des parents. Le positionnement des parents au sein de leur famille étendue et de leur communauté devient de plus en plus apparent. Leur réseau social se modifie, ils s’ouvrent davantage aux autres et aux services, ils développent divers moyens de protection familiale et sont appelés à devenir des piliers. À cet effet, la thèse implique de repérer les piliers au sein des communautés, de les soutenir pour éviter leur épuisement et de collaborer avec eux afin de renforcer le système d’entraide naturel et communautaire.
Le processus de résilience familiale se consolide, alors que les couples et les familles développent à la fois des mécanismes de rapprochement vis-à-vis des épreuves familiales en même temps qu’un système de protection intrafamiliale vis-à-vis des menaces externes associées à l’environnement social (le partenaire, la famille étendue et la communauté). Pour une majorité de familles biparentales, le couple constitue un levier primordial dans le processus de résilience. La thèse encourage aussi les interventions visant à renforcer les capacités de protection intrafamiliale (par exemple aider les parents à établir et parfois à imposer leurs limites avec le conjoint ou les membres de leur famille étendue ayant une influence néfaste).
La résilience familiale se consolide également grâce au soutien familial étendu et communautaire ainsi qu’à celui des services de la communauté et de la ville la plus près. Bien qu’une majorité de parents représentent des piliers, le soutien reçu de la famille étendue et de la communauté est aussi incontournable.
La thèse met en lumière un double mouvement pouvant engendrer un dilemme moral pour les parents dans leurs relations familiales et communautaires. D’une part, ils se trouvent au cœur d’un vaste réseau de connexions et d’entraide. D’autre part, en même temps, ils ressentent aussi un besoin, voire une nécessité, pour la survie familiale, de se protéger des influences néfastes. Ils doivent donc trouver un équilibre, une balance afin de naviguer entre ces deux forces.
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