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La stigmatisation sociale entourant le trouble obsessionnel-compulsif

Dre Fanny-Maude Urfer, psychologue au CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal et en pratique privée


Dans le cadre d’un mandat qui lui a été confié, un psychologue travaille à informer le public à propos de différents troubles de santé mentale dans le but de contribuer à désamorcer la stigmatisation entourant certains troubles en matière de santé psychologique.

Les stigmas entourant les problèmes de santé mentale prennent généralement l’une des trois formes suivantes :

  1. les stéréotypes, à savoir les croyances négatives partagées à propos d’un groupe d’individus;
  2. les préjugés, à savoir l’entretien de certains stéréotypes ou les réactions émotionnelles négatives face à ces derniers;
  3. la discrimination, à savoir la réponse comportementale associée à un préjugé (par exemple l’évitement ou la distanciation).

Il existe de nombreuses études portant sur la stigmatisation sociale envers les individus présentant des troubles de santé mentale. Ces dernières prennent généralement la forme de mises en situation à propos de personnages dont l’histoire permet d’entrevoir un trouble de santé mentale, suivies de questionnaires à remplir. La majorité de ces études se penchent sur les troubles dépressifs ou la schizophrénie, mais de plus en plus d’études couvrent les troubles anxieux et d’autres troubles reliés, ce qui permet de mettre en lumière les différentes formes que peut prendre la stigmatisation en fonction des différents troubles. Ainsi, la schizophrénie serait plus généralement associée à une perception de danger et de peur ainsi qu’à un désir de distance sociale, tandis que les troubles anxieux seraient plutôt associés à une perception de faiblesse et à un comportement de blâme. Les personnes stigmatisées, quant à elles, semblent ressentir des niveaux de détresse similaires, peu importe la forme de stigmatisation dont elles sont victimes.

Les études portant sur la stigmatisation entourant le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) sont plus récentes et se penchent sur les différentes formes cliniques de ce trouble hétérogène, à savoir un premier sous-type défini par les obsessions (pensées, images ou pulsions récurrentes et associées à une détresse), et un deuxième par les compulsions (comportements répétitifs ou démarches mentales). Préciser les sous-types de TOC apparaît important puisque le public semble limiter la définition de ce trouble à un intérêt pour la propreté et l’ordre.

Les effets nuisibles de la stigmatisation entourant le TOC peuvent prendre la forme de difficultés à trouver un emploi ou un logement, encourager une tendance à éviter de rechercher un traitement efficace, ou encore à entretenir des pensées stigmatisantes à propos de soi-même. Les recherches démontrent la pertinence de mener des interventions visant à atténuer la stigmatisation entourant les troubles de santé mentale, car cette dernière apparaît malléable. En effet, des interventions ont permis d’améliorer les postures et de diminuer la discrimination à l’endroit d’individus aux prises avec une schizophrénie et un trouble dépressif, ce qui pourrait s’appliquer aux personnes aux prises avec un TOC. Dans un premier temps, il apparaît nécessaire de mieux comprendre la stigmatisation entourant le TOC, en mettant en lumière à la fois les stéréotypes, les préjugés et les discriminations associés. La présente étude vise cet objectif grâce à une revue systématique des études portant sur la stigmatisation entourant le TOC.

Toutes les études sélectionnées présentent des articles empiriques revus par les pairs, comportent au moins une mesure de stigmatisation à partir d’au moins deux formes de cas cliniques (vignette écrite ou vidéo) et comparent soit un symptôme de sous-type de TOC avec un autre, soit le TOC avec un autre trouble de santé mentale. À partir de 856 résumés, un total de 10 études ont été retenues, répondant à tous les critères fixés et totalisant 5 806 participants. Les mesures de stigmatisation prennent la forme de quatre échelles reconnues, présentant de bonnes qualités psychométriques, dont l’échelle de distanciation sociale (EDS). Notons certaines limites inhérentes aux études en raison de la désirabilité sociale et de l’absence d’analyses multimodales (c’est-à-dire qu’aucune mesure comportementale ne vient appuyer les résultats obtenus), ce qui pourrait faire l’objet d’études dans le futur.

Les résultats indiquent que parmi toutes les études, les éléments de stigmatisation sociale les plus répandus relativement au TOC sont le désir de distanciation sociale, classé comme indice de discrimination, et la perception de dangerosité, considérée comme un stéréotype. À propos du désir de distanciation sociale, ce dernier a été établi dans le contexte de la présentation de tous les sous-types de TOC ainsi qu’en comparaison avec la schizophrénie. Les vignettes portant sur les sous-types de TOC concernant des symptômes associés à la sexualité ou à l’agression étaient associées, le plus souvent, à un désir de distanciation sociale. En ce qui a trait à la perception de dangerosité, seuls les sous-types de TOC concernant l’agression ou le désir de symétrie et de justesse ont été considérés, ce qui limite les conclusions pouvant être tirées à propos de ce stéréotype, mis à part le fait que le premier sous-type (agression) ressortait comme étant davantage associé à une perception de dangerosité que le deuxième (symétrie/justesse).

Enfin, à partir de ces études, aucune conclusion n’a pu être tirée à propos d’autres préjugés ou stéréotypes pouvant être associés à d’autres sous-types de TOC, comme l’idée de faiblesse personnelle, ce qui pourrait être exploré dans le cadre de futures études, puisqu’il a été établi que ce stéréotype est associé aux troubles anxieux.

Bibliographie