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L’Ordre prend position

Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec - presidence@ordrepsy.qc.ca


Ces derniers mois ont été fort achalandés à la permanence de l’Ordre. Les tragédies de Laval, Amqui, Louiseville et Rosemont ont entraîné de nombreuses demandes d’entrevue sur la santé mentale. Il est d’ailleurs toujours délicat de commenter ce genre d’événement. D’une part, on en connaît généralement très peu sur l’ensemble de ces situations complexes et, d’autre part, le public souhaite comprendre l’incompréhensible. Je tente donc de le faire à la fois dans le plus grand respect des familles éprouvées, et avec la plus grande prudence. Sur le plan politique, l’Ordre a été mobilisé sur plusieurs fronts, et en voici un aperçu.

Élargissement des pratiques dans le RSSS

Dans le cadre de la réforme qu’entreprend le ministre de la Santé, à savoir d’élargir les pratiques professionnelles afin d’en améliorer l’accès, l’Ordre souhaite que les psychologues soient dûment autorisés à utiliser le mot diagnostic au lieu d'évaluation des troubles mentaux et neuropsychologiques, et ce, afin de clarifier la confusion sémantique autour de cette activité, et ainsi favoriser un meilleur accès aux services qui pourraient en découler. L’Ordre réitère également que les psychologues peuvent conclure qu’un arrêt de travail est nécessaire pour une personne en raison d’un problème de santé mentale; il demande donc que les psychologues soient reconnus au même titre que les médecins pour permettre l’accès à des prestations d’assurance et tout autre service connexe. Enfin, l’Ordre réclame que les psychologues puissent directement adresser des références à des médecins spécialistes, comme des psychiatres, des neurologues ou des gériatres, par exemple.

Groupe de travail présidé par Hélène David

Ce printemps, l’Ordre a déposé un rapport final à Hélène David, présidente du Groupe de travail sur l’optimisation de la formation en psychologie formé par la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry. Rappelons les trois objectifs du mandat qui avait été confié à ce groupe de travail :

  1. proposer des pistes d’optimisation de la formation universitaire visant un accès plus rapide menant aux permis d’exercice de psychologue délivrés par l’Ordre des psychologues du Québec;
  2. proposer des pistes d’optimisation de la formation universitaire offerte aux professionnels qui désirent suivre la formation additionnelle requise menant au permis d’exercice de la psychothérapie;
  3. proposer des pistes d’optimisation et de valorisation accrue des compétences des bacheliers en psychologie et issues d’autres domaines de la relation d’aide (par exemple la psychoéducation, les sciences de l’orientation), afin que ceux-ci puissent contribuer à répondre aux besoins de première ligne en santé mentale et services sociaux (par exemple comme agent de relations humaines).

Comme je vous en faisais mention dans le magazine Psychologie Québec de mars dernier, la réflexion sur l’accessibilité aux services en santé mentale ne peut se faire au détriment de la qualité de la formation initiale menant au permis de psychologue. Il en va de la protection du public. En trame de fond, nous savons qu’il y a de grands enjeux d’accessibilité aux services psychologiques dans le réseau public. Les problèmes d’attraction et de rétention des psychologues dans le réseau public ont d’ailleurs été vivement discutés dans le cadre de ces travaux.

Le rapport final de l’Ordre transmis à Hélène David s’appuie sur des chiffres provenant de la base de données de l’Ordre, sur une revue de littérature analysant les différents modèles de formation en place à travers le Canada et ailleurs dans le monde, et sur les résultats d’un sondage effectué auprès des membres, dont vous trouverez les faits saillants dans ce présent numéro. Je tiens d’ailleurs à remercier chaleureusement les 1 310 membres qui ont répondu à ce sondage sur la plateforme Léxi. Au-delà de vos réponses aux questions, je tiens également à vous dire que j’ai entendu vos nombreux commentaires formulés en fin de sondage. La qualité de vos propos atteste de votre engagement et reflète bien la diversité des réalités de pratique dans le réseau public.

Le rapport de l’Ordre a été bien accueilli, et Mme David nous a confirmé qu’il serait annexé à son propre rapport final qui sera transmis à la ministre. Au moment d’écrire ces lignes, le rapport d’Hélène David était en voie d’être déposé à la ministre Pascale Déry.

Réforme de la santé du ministre Dubé : mémoire de l’Ordre sur le projet de loi 15

L’Ordre des psychologues a été invité à présenter un mémoire et à comparaître devant la Commission de la santé et des services sociaux le 10 mai dernier à propos du projet de loi 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace (PL15). Le PL15 propose la création d’une agence indépendante du ministère de la Santé, appelée Santé Québec, centrée sur l’opérationnalisation des services afin de revenir, notamment, à une gestion de proximité.

Afin de réfléchir et de discuter de la gestion de proximité et de la gestion du changement occasionné par une transformation aussi importante du système de santé, j’ai demandé à Mme Andrée Bernard, psychologue du travail et des organisations et administratrice de l’Ordre, d’enrichir la notion de gestion du changement et de gestion de proximité et de m’accompagner à la commission parlementaire.

La nouvelle structure de gouvernance clinique de Santé Québec prévue au PL15 institue quatre conseils, dont le principal mandat est d’évaluer les trajectoires de soins et l’organisation clinique : conseil multidisciplinaire des services sociaux (CMSSO), conseil multidisciplinaire des services de santé (CMSSA), conseil des infirmières et infirmiers (CII) et conseil des médecins, dentistes, pharmaciens et sages-femmes (CMDPSF). Ces quatre conseils, tous égaux, relèvent d’une plus haute instance, le conseil interdisciplinaire d’évaluation des trajectoires et de l’organisation clinique (CIETOC) qui, lui, relève du président-directeur général de l’établissement. Pour les habitués du réseau public de la santé, cela signifie que le conseil multidisciplinaire est scindé en deux, l’un pour les services sociaux et l’autre pour la santé.

Dans la mouture actuelle du PL15, les psychologues sont inclus dans le conseil multidisciplinaire des services sociaux, ce qui nous semble inapproprié afin d’analyser adéquatement la trajectoire de soins en santé mentale. Les professionnels des services sociaux, tels que les travailleurs sociaux et les intervenants psychosociaux, s’intéressent aux déterminants sociaux comme la pauvreté, l’accès au logement, l’accès au marché du travail, etc. Bien qu’il soit important de s’intéresser à la trajectoire de soins en services sociaux, force est de constater que la trajectoire de soins en santé mentale, souvent apparentée au parcours du combattant, y serait laissée pour compte. C’est pourquoi l’Ordre a demandé au gouvernement d’inclure les psychologues au conseil des médecins, dentistes, pharmaciens et sages-femmes (CMDPSF) afin de permettre aux psychologues d’agir sur les trajectoires de service en collaboration avec les médecins, notamment les psychiatres, et les pharmaciens. Ce fut également l’occasion d’expliquer aux parlementaires ce que font véritablement les psychologues du réseau public de la santé : du diagnostic et du traitement psychologique. La confusion sémantique entre les mots diagnostic et évaluation des troubles mentaux et neuropsychologiques et ses conséquences sur l’accès aux services semblent (enfin) avoir été bien comprises.

Nos propos ont été bien accueillis par le ministre de la Santé, Christian Dubé, ainsi que par les membres de la commission. Lors de cette audition, la place des psychologues en première ligne et la question du diagnostic ont également été abordées.

En conclusion, je sais pertinemment que la demande pour nos services demeure élevée et que vous êtes constamment sollicités. Comme vous savez que les temps d’arrêt sont essentiels, je vous souhaite des vacances apaisantes et énergisantes.