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Introduction au dossier

Marie-Claude Guay, psychologue | Experte invitée
Titulaire d’un doctorat en psychologie, volet recherche (Ph. D.), professeure de psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), neuropsychologue et chercheure associée au Centre jeunesse de Montréal – Institut universitaire (CJM-IU), elle s’intéresse depuis 1998 aux jeunes qui ont un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou un trouble d’apprentissage. Au cours de sa carrière, elle a offert plus de 230 formations destinées aux professionnels qui oeuvrent auprès de cette clientèle. En 2019, elle a publié un ouvrage grand public intitulé Ces enfants qui apprennent autrement, lequel vise à mieux faire connaître les défis et les pistes de solution pour ces jeunes.


Avant même de devenir psychologue, j’ai eu la chance de côtoyer plusieurs jeunes avec un TDAH, ayant travaillé pendant plus de 10 ans comme monitrice dans des camps de jour. En dépit de leurs difficultés inhérentes à l’inattention, à l’hyperactivité ou à l’impulsivité, j’ai découvert des jeunes bourrés de talents ! Plusieurs d’entre eux sont en effet créatifs, toujours de bonne humeur et dotés d’un sens de l’humour aiguisé. Ils sont souvent sans filtre, c’est-à-dire spontanés et authentiques. Ils sont intelligents, ingénieux et ils posent beaucoup de questions, car ils sont curieux. Et, bien entendu, ils sont actifs ! Ils ont une belle énergie, ils sont participatifs et avides de découvertes. Bref, il était pour moi si agréable de travailler avec eux que j’ai choisi de consacrer ma carrière de chercheure et de clinicienne à mieux comprendre leur réalité et leurs défis afin de pouvoir développer des interventions favorisant leur mieux-être.

L’invitation à agir à titre d’experte dans ce présent dossier sur le TDAH à ce moment-ci est certes un pur hasard, mais l’automne 2023 marque mes 25 ans de carrière auprès de ces jeunes. Quand je regarde dans le rétroviseur, je constate à quel point les connaissances scientifiques et cliniques en la matière ont évolué. À titre d’exemple, il y a 25 ans, le DSM-IV-TR (APA, 2000) ne reconnaissait pas le TDAH chez l’adulte ; les chercheurs en étaient aux premières études sur l’évolution des symptômes de l’enfance à l’âge adulte. Or, aujourd’hui, tous reconnaissent que les symptômes évoluent jusqu’à l’âge adulte et, d’ailleurs, le DSM-5 (APA, 2013) module l’expression des symptômes en fonction de l’âge de la personne. (Par exemple, pour le symptôme « court ou grimpe dans des situations où cela est inapproprié », le DSM-5 précise que chez les adolescents ou les adultes, cela peut se traduire par une sensation d’agitation interne ou de bougeotte.) Un autre exemple éloquent de cette évolution est le fait qu’il y a 25 ans, on ne reconnaissait pas la possibilité qu’une personne puisse présenter simultanément un haut potentiel intellectuel et un TDAH. Aujourd’hui, les besoins spécifiques que requiert cette condition exceptionnelle sont non seulement reconnus, mais mieux documentés, ce qui a conduit à des interventions mieux adaptées à leurs besoins (Caron et al., 2021). La liste de ces avancées scientifiques et cliniques est longue, et le but de ce dossier spécial est justement de communiquer certaines d’entre elles et de mettre en valeur l’expertise de nos collègues.

Mais juste avant de vous présenter les auteurs ayant rendu possible la publication de ce dossier thématique, j’aimerais prendre le temps de revenir sur un constat qui n’a malheureusement pas changé au fil des années, soit celui du surdiagnostic de TDAH. Au tout début de ma carrière, on disait qu’il suffisait d’une courte visite chez le médecin au cours de laquelle le parent évoquait quelques symptômes du TDAH et hop ! l’enfant recevait une prescription. Or, force est de constater qu’en dépit des progrès réalisés, les récentes données de l’INESSS (2017) confirment qu’il y a encore des jeunes qui sont identifiés à tort comme ayant un TDAH. Avec le souci d’améliorer la rigueur de la démarche évaluative, plusieurs psychologues ont intégré des épreuves cognitives mesurant les fonctions attentionnelles et exécutives. Toutefois, tout comme il n’existe pas encore de prise de sang qui permette de confirmer hors de tout doute la présence du TDAH, il n’existe pas une seule épreuve cognitive qui permette d’arriver à une conclusion sans équivoque. Peut-être qu’en 2050, nous disposerons de tests infaillibles, mais en attendant, deux choses sont cruciales. Premièrement, continuons d’être rigoureux dans l’évaluation du TDAH en intégrant et en conjuguant plusieurs sources d’informations (par exemple des observations des comportements dans divers milieux de vie, l’étude de l’historique de vie, une analyse de l’évolution des comportements, les résultats aux épreuves d’attention et de fonctions exécutives). Deuxièmement, restons à l’affût des avancées scientifiques et cliniques, car ce domaine d’expertise est dynamique, et il bouge vite.

Dans ce dossier sur le TDAH, cinq articles font état de nouvelles connaissances en la matière.

Tout d’abord, il convient de rappeler que le TDAH se présente rarement seul, et qu’il importe de mieux le comprendre pour mieux reconnaître les troubles qui y sont associés et intervenir adéquatement auprès des personnes qui en souffrent. Dans leur article, les auteures Isabelle Denis et Lyse Turgeon s’intéressent au traitement des troubles anxieux chez les enfants qui ont un TDAH. Elles relatent une littérature récente fort pertinente qui montre l’utilité d’adapter la thérapie cognitive comportementale classique aux réalités des jeunes qui ont à la fois un TDAH et un trouble anxieux.

Par ailleurs, comme il est fréquent que le parcours scolaire des jeunes qui ont un TDAH soit parsemé d’embûches, Julie Morin et son équipe présentent des interventions qui peuvent favoriser leur adaptation en classe. Celles-ci peuvent être déployées de façon universelle et favorisent, par le fait même, l’adaptation de tous les élèves.

Ensuite, l’évolution des connaissances entourant les thérapies cognitives et comportementales de troisième vague s’avère fort prometteuse pour les personnes qui ont un TDAH. Dans leur article, Véronique Parent et Chaïma Meneceur illustrent comment différentes stratégies d’intervention sont complémentaires à la pharmacothérapie pour améliorer le mieux-être des personnes qui ont un TDAH. Plus spécifiquement, elles font état d’avancées scientifiques dans les domaines de la pleine conscience, du yoga et de l’activité physique.

La persistance du TDAH chez les adultes étant maintenant chose admise, Caroline Dugal, Audrey Brassard et Nadine Tremblay nous expliquent dans leur texte les effets du TDAH dans les relations de couple et les défis qu’ils suscitent lors d’une thérapie de couple, puis elles proposent des pistes de solution pour les thérapeutes conjugaux.

Le dernier article, et non le moindre, rédigé par l’équipe de Catherine Lehoux, traite d’un sujet encore trop peu abordé dans le domaine du TDAH : en raison d’un chevauchement des symptômes, le TDAH est trop souvent sous-évalué et rarement traité lorsqu’il est associé à un trouble psychotique. Les auteurs font ainsi des recommandations cliniques pour mieux évaluer et traiter les jeunes qui ont à la fois un TDAH et un trouble psychotique.

En somme, les nombreuses avancées scientifiques et cliniques des deux dernières décennies nous permettent de mieux intervenir pour favoriser l’adaptation et le mieux-être psychologique des personnes, enfants et adultes, qui ont un TDAH. En espérant que les textes de ce dossier puissent inspirer votre pratique clinique, je vous souhaite une bonne lecture !

Bibliographie 

  • American Psychiatric Association. (2000). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders: DSM-IV-R (4e édition, texte
    révisé). American Psychiatric Publishing.

  • American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5e édition). American
    Psychiatric Association.

  • Caron, M.-J., Authier, E., Attié, M., Duval, J. et Guay, M.-C. (2021). 10 questions sur la douance et la double exceptionnalité
    chez l’enfant et l’adolescent. Les Éditions Midi Trente.

  • Conners, K. (2000).

  • Institut national d’excellence et en santé en services sociaux (INESSS). (2017). Portraits de l’usage des médicaments spécifiques au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez les Québécois de 25 ans et moins. État des pratiques.