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Ne pas s’oublier dans la tourmente

Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec - presidence@ordrepsy.qc.ca


Enfin, l’été est à nos portes avec un espoir de répit essentiel pour refaire le plein d’énergie, pour prendre le temps de voir ceux que nous aimons, rattraper un peu le temps perdu, et peut-être aussi porter un nouveau regard bienveillant sur les adaptations incessantes qu’ont exigé les quinze derniers mois.

Il est évidemment trop tôt pour dresser un bilan de la crise, mais à la lumière de la littérature scientifique et de vos réponses au sondage de l’automne dernier, on sait que la population montre un plus grand niveau de détresse, et on pouvait s’y attendre compte tenu de la situation. Une chose est sûre et plus vraie que jamais : les psychologues sont en forte demande et jouent un rôle essentiel pour le bien-être de la population.

L’état des ressources

Depuis quelques mois, les échos d’un exode du réseau public vers le privé se sont multipliés. Cette situation me préoccupe au plus haut point, car, à mes yeux, une répartition équilibrée dans les milieux est essentielle. La complémentarité des services offerts dans le réseau public et au privé est la clé pour un accès équitable à nos services par l’ensemble de la population.

Les nouvelles du terrain m’inquiètent, d’autant que de nombreux postes affichés ne trouvent pas preneur, menant, à terme, à des transformations ou à des suppressions de postes de psychologues. Dans l’ensemble de mes représentations et de mes présences médiatiques, je mets de l’avant l’importance de la qualité des services et de leur accessibilité pour la population. Je soutiens aussi que l’expertise des psychologues nécessite le respect de l’autonomie professionnelle qui nous revient ainsi que la reconnaissance de notre contribution à sa juste valeur. Au regard des besoins croissants de la population, il est primordial que davantage de psychologues œuvrent dans notre réseau public.

J’ai été conviée, en avril, à une consultation menée par le ministère de l’Éducation intitulée Rendez-vous pour la réussite éducative : l’éducation au-delà de la pandémie, où j’ai rappelé les besoins criants de psychologues et de professionnels dans les écoles du Québec. J’ai ensuite insisté sur l’importance d’une approche centrée sur les besoins des enfants, trop souvent déviée dans des chemins administratifs complexes. Sachez que nous sommes bien conscients des défis et des enjeux propres à la pratique dans le réseau public et que chacune de nos actions en tient compte.

Une hausse vertigineuse des demandes de consultation

Vous le savez et vous le vivez depuis des mois, les demandes de consultation pour obtenir des services psychologiques affluent. Le temps où la personne qui en avait les moyens pouvait très facilement trouver un psychologue dans un bureau privé semble révolu. La demande pour nos services connaît une hausse vertigineuse et sans précédent, qui se traduit aussi par un fort volume d’appels à l’Ordre par des individus qui peinent à obtenir des services au privé. Il n’est pas rare que des dizaines de psychologues soient contactés en vain. À l’impossible nul n’est tenu et chacun doit bien sûr prendre soin de gérer sa pratique avec un nombre réaliste de clients.

Dans l’objectif de faire tout en notre possible pour faciliter les recherches des personnes voulant accéder aux services de psychologues disponibles, au début mars, nous avons demandé aux membres sans disponibilité ou dont la liste d’attente est complète de se désinscrire du service de référence, ne serait-ce que temporairement. Sensibles à cette situation, vous avez répondu en grand nombre à notre demande et nous vous remercions pour votre habituelle collaboration.

L’évaluation de la douance

Depuis quelques années, on assiste à un intérêt renouvelé, voire à un engouement social pour la douance. Sujet d’actualité, les demandes d’évaluation connaissent en conséquence un essor fulgurant. La directrice de la qualité et du développement de la pratique, la Dre Isabelle Marleau, propose dans ce numéro une chronique sur l’évaluation de la douance chez les enfants. Dans le contexte, nous avons cru bon de faire le point et de rappeler les paramètres de la qualité et de la rigueur dans nos évaluations.

Il faut souligner l’importance de mieux cerner et de mieux définir la notion de douance, pour en arriver à une meilleure compréhension commune, de même que les enjeux qui en découlent. La douance est un thème qui peut attiser les passions et les enjeux affectifs tant parmi la population que chez les psychologues. Faute de consensus ou de définition claire de la douance, il nous semble donc important d’inciter à la prudence et à la rigueur afin que la réflexion à ce sujet demeure éclairée.

Le bien-être des psychologues

Je me sens aussi préoccupée, voire inquiète, de chacun de vous. Voilà plus d’un an que vous soutenez le rythme de ce marathon à la ligne d’arrivée indéterminée, sous une pression sans précédent. Je pense à vous quotidiennement dans vos efforts à aider et à maintenir l’humanité essentielle à notre travail. Je vous incite à ne pas vous oublier, car j’ai toujours cru à l’importance de prendre soin de ceux qui prennent soin des autres, mais aussi à l’importance de prendre soin de soi.

À cet égard, dans ce numéro, vous pourrez lire un dossier fort à propos et riche de contenu, sous la gouverne de la Dre Pascale Brillon, qui détaille les enjeux entourant la santé mentale des psychologues, mais aussi des stratégies et autres pistes de réflexion visant à favoriser notre propre santé psychologique. Malgré tous les défis et les exigences de notre travail, je suis convaincue que les psychologues éprouvent une profonde passion pour la nature humaine, et interviennent afin de générer les plus grands bienfaits possible pour les personnes qui requièrent leurs soins. Être psychologue, dans les bonnes dispositions, est un privilège, une source infinie de gratification et, surtout, un travail qui n’est jamais en quête de sens.

Je vous souhaite un peu de répit et un bel été.