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Dr Louis Cozolino : un passionné de l’être humain à la conquête des neurosciences

Marie-Hélène Bertrand, doctorante en psychologie à l’Université de Sherbrooke


Il est psychologue clinicien, chercheur, professeur d’université, consultant, conférencier, auteur à succès, mais avant tout, c’est un philosophe amoureux de l’être humain. Le Dr Louis Cozolino, une sommité internationale dans le monde des neurosciences, offrira une formation de 6 h le 19 novembre prochain dans le cadre du congrès de l’Ordre des psychologues du Québec. Bien que sa feuille de route soit impressionnante, le personnage, lui, est loin d’être intimidant! Sa convivialité typiquement californienne et son accent new-yorkais chaleureux donnent d’emblée le ton à l’entrevue, révélant rapidement que derrière le chercheur se trouve un grand sensible, passionné par la psyché humaine. Entretien avec un psychologue américain peu ordinaire qui n’a pas la langue dans sa poche!

Comprendre l’être humain : de la philo à la psycho Avide de comprendre l’être humain, le Dr Cozolino confie avoir développé une sensibilité particulière aux autres pendant son enfance et son adolescence. « J’ai toujours été quelqu’un de bizarre et de différent », souligne-t-il. Il entamera d’abord des études en théologie et en philosophie, et avoue aujourd’hui que la psychologie est arrivée par accident : « Lorsque j’étais à l’université, je suis tombé sur un livre de psychologie traitant des processus psychothérapeutiques et j’ai été complètement fasciné », raconte-t-il avec émotion. Si la philosophie et la théologie lui ont d’abord permis d’aiguiser sa compréhension des questionnements existentiels, ce sera plutôt dans le champ de la psychologie que le Dr Cozolino canalisera sa sensibilité à l’autre et son besoin de comprendre l’être humain dans toute sa complexité.

C’est sans gêne que le Dr Cozolino parle des nombreux liens entre la théologie, la philosophie et la psychologie. Au sujet de l’existence d’un certain paradoxe entre la science de la psychologie et la religion, il parle de bouddhisme. « L’humain avait déjà compris l’essence des bienfaits de l’introspection, de la méditation, en plus d’accorder de l’importance aux mécanismes de défense et à l’aspect subjectif de la perception humaine. La construction de la réalité n’est pas objective, elle est le résultat de l’évolution. Les bouddhistes avaient raison! » explique-t-il.

Les neurosciences : comment reconstruire pour retrouver l’équilibre

Après avoir réalisé un doctorat en psychologie clinique à UCLA (University of California, Los Angeles), le Dr Cozolino conduit des recherches en laboratoire sur les troubles mentaux graves et les effets du trauma sur le cerveau humain. Il s’intéresse particulièrement aux effets longitudinaux du stress sur l’organisation cérébrale. Puis, les neurosciences deviennent l’un de ses sujets de prédilection. Avec enthousiasme, le Dr Cozolino explique que la neuroplasticité serait le point de convergence entre la psychothérapie et la neuroscience. Les recherches démontrent que le trauma déclenche plusieurs transformations neurochimiques dans le cerveau, à différents niveaux. En plus de provoquer des changements hormonaux (p. ex. une augmentation du cortisol, une diminution de la sérotonine), le trauma modifie les processus de neuroactivation (p. ex. la régulation émotionnelle) et aurait une influence importante sur le sens de soi (sense of self ). « Si ces effets peuvent modifier négativement l’organisation cérébrale, la psychothérapie, elle, peut créer des changements positifs! » s’exclame le psychologue. Certains principes clés favoriseraient la neuroplasticité du cerveau et de la pensée humaine, dont des relations interpersonnelles sécurisantes, l’équilibre entre le traitement émotionnel et cognitif de l’information et la construction d’un auto-récit cohérent de soi, des autres et du monde. Ces principes sont d’ailleurs inhérents au processus psychothéra-peutique. Le Dr Cozolino vulgarise habilement les principes sous-tendant la psychothérapie au moyen de ce qu’il appelle des « métaphores scientifiques ». « Il s’agit d’un processus de déconstruction et de reconstruction pour retrouver la capacité d’aimer, d’apprendre et d’augmenter le niveau de conscience de soi. »

Pour le développement d’une vision commune Le Dr Cozolino s’intéresse aux mécanismes sous-jacents au processus thérapeutique plutôt qu’à une approche spécifique. « Plusieurs dimensions de la neuroscience nous aident à transcender les approches thérapeutiques et les dogmes », soutient-il. Le psychologue se définit davantage comme un éclectique scientifique qui conserve une structure logique lors de ses interventions. Il a horreur des carcans trop serrés, et compare d’ailleurs les différentes orientations théoriques aux religions, dans le sens où certaines personnes s’associent à une école de pensée comme des croyants à une religion et tentent d’imposer une certaine manière de penser à leurs disciples. Son plus grand souhait serait que la neuroscience conduise à une vision commune de la psychothérapie, à une matrice générale permettant de comprendre l’activation cérébrale et les processus de pensée dans toute leur complexité.

Selon le Dr Cozolino, la plus grande difficulté des psychothérapeutes serait de rester ouverts, souples et curieux. « Nous avons souvent le sentiment qu’il faut avoir toutes les réponses, mais il est avantageux de se considérer comme ignorant lorsqu’on rencontre un patient pour la première fois », recommande- t-il. Il met également en garde les psychologues qui gravitent loin de la pratique clinique : « Les chercheurs-théoriciens qui ne rencontrent pas de clients s’éloignent de plus en plus des enjeux du quotidien et des nuances de l’être humain », soutient- il. Pour lui, conserver une pratique clinique, aussi minime soit-elle, est essentiel.

Qui est le Dr Louis Cozolino?

Le Dr Cozolino insiste sur l’importance qu’il accorde à diversifier ses activités professionnelles : « C’est vital pour me tenir stimulé. » Amoureux de son travail, il avoue avoir de la difficulté à laisser sa vie professionnelle au bureau. « Je suis trop sensible… Je dois donc faire attention à mon dosage de patients gravement traumatisés », confie-t-il. Grand adepte de sports et de voitures anciennes, le Dr Cozolino est aussi un passionné d’écriture. Ayant déjà écrit sept livres, dont les populaires The Neurosciences of Psychotherapy et The Making of a Therapist, le psychologue compte bien poursuivre sa carrière d’auteur afin de continuer à transmettre ses connaissances. Et sa venue à Montréal? La dernière fois que le Dr Cozolino est venu à Montréal, c’était il y a 10 ans. « J’ai très hâte de retrouver les psychologues québécois! Ils sont réfléchis et mieux formés à la philosophie que les psychologues américains », affirme-t-il, manifestement enthousiaste de participer au congrès de l’Ordre. L’atelier de formation qu’il offrira portera principalement sur la psychothérapie vue à travers une lentille neuroscientifique. Le formateur, qui cumule maintenant 20 ans d’expérience en enseignement, abordera les notions d’évolution cérébrale, de développement, de neuroanatomie ainsi que des vulnérabilités et des irrégularités cérébrales relativement au stress et au trauma. La psychothérapie sera abordée comme une tentative de restructuration cérébrale. Les cliniciens qui veulent mieux comprendre le fonctionnement du cerveau traumatisé et du cerveau sain, les mécanismes d’apprentissage ainsi que les processus d’intégration cérébrale impliqués dans la psychopathologie et la psychothérapie seront comblés.