Les psychologues qualifiés pour signer un arrêt de travail : des réponses à vos questions
En collaboration avec Béatrice Vandevelde, psychologue et responsable des activités réservées
Depuis l’entrée en vigueur du projet de loi 67 (PL67) en novembre 2024, les psychologues et neuropsychologues peuvent désormais utiliser le terme diagnostic pour désigner leurs conclusions cliniques. En posant un diagnostic de trouble mental ou neuropsychologique, le psychologue ou le neuropsychologue, qui exerce son jugement clinique, peut émettre les recommandations qui en découlent et déterminer un plan de traitement, ce qui inclut l’arrêt de travail et le retour au travail. Dans cette chronique, nous répondons plus particulièrement à certaines questions posées par les membres de l’Ordre concernant l’arrêt de travail et le retour progressif au travail. Nous espérons que les éléments d’information que vous y trouverez sauront alimenter votre réflexion et vous éclairer dans le cadre de votre pratique. Souvenons-nous que chaque cas est unique et que le psychologue doit exercer son jugement clinique en fonction de ses connaissances, de ses compétences, et de la clientèle qu’il dessert.
En tant que psychologue, puis-je conclure sur la pertinence, pour un client, d’un arrêt de travail ou d'un retour progressif au travail?
OUI. Le champ d’exercice du psychologue inclut l’évaluation du fonctionnement psychologique et mental de son client. Il comprend également l’évaluation, la recommandation et la mise en oeuvre d’interventions et de traitements dans le but de favoriser la santé psychologique et de rétablir la santé mentale de son client. En tant que psychologue, vous pouvez donc recommander un arrêt de travail pour votre client en raison d’un problème de santé mentale si vous le jugez pertinent d’un point de vue clinique.
Toutefois, avant que vous remplissiez un formulaire ou que vous signiez un billet d’arrêt de travail, votre client doit vérifier auprès de son employeur et de son assureur quelles sont les modalités à suivre pour que son arrêt de travail soit accepté et compensé par des prestations d’assurance salaire, le cas échéant. En effet, certains employeurs et assureurs exigent encore que les formulaires ou les billets soient uniquement remplis par un médecin, alors que d’autres acceptent qu’un psychologue fournisse de tels documents pour attester d’un arrêt de travail pour une raison de santé mentale.
L’Ordre fait des représentations auprès des organismes concernés pour que les psychologues soient ajoutés à leur liste de professionnels autorisés à signer des arrêts de travail. Ces listes devraient donc s’allonger avec le temps.
Que faire lorsqu’un assureur ou un employeur ne reconnaît pas les recommandations du psychologue?
Il est possible qu’un employeur ou une compagnie d’assurance exige encore un certificat médical ou la signature d’un médecin pour confirmer le diagnostic. En pareille situation, vous n’aurez pas le choix de référer votre client à son médecin traitant ou à un autre professionnel autorisé, le cas échéant.
Il vous est alors recommandé de produire un document à l’intention du médecin traitant ou du professionnel autorisé décrivant la situation de votre client et faisant état de votre diagnostic et de vos recommandations.
Une communication entre le psychologue et le médecin traitant est évidemment également recommandée et fort utile. Elle permet de s’assurer d’une compréhension commune du portrait clinique et de la création d’un plan d’intervention approprié pour le client, incluant l’arrêt de travail et le retour au travail.
Dans le cas où l’employeur ou l’assureur accepte les arrêts de travail et les retours à l’emploi, mais qu’il remet en question certaines de vos recommandations (ex. : celles liées à un retour progressif), un échange avec l’employeur ou l’assureur de votre client pourrait l’aider à mieux comprendre vos recommandations. Il est une bonne pratique de demander à votre client l’autorisation de communiquer avec son employeur et son assureur, au cas où ces derniers vous appelleraient pour mieux comprendre l’arrêt de travail et afin que votre opinion professionnelle soit considérée à sa juste valeur. Il convient également de se mettre d’accord avec le client sur les informations qu’il vous autorise à communiquer à son employeur et à son assureur.
Faut-il toujours remplir un formulaire pour attester d’un arrêt de travail pour un client ou un simple billet signé et émis de la part du psychologue est-il suffisant?
Il est recommandé de discuter avec votre client afin qu’il vous précise quels documents doivent être produits et à qui les adresser. Cela vous aidera à déterminer si vous êtes un des professionnels autorisés à signer l’arrêt de travail et, le cas échéant, quelles sont les informations nécessaires pour produire la documentation, ou s’il vous faudra référer le client à un autre professionnel (dans le cas où vous ne seriez pas autorisé à signer l’arrêt de travail de votre client).
Il n’existe pas de marche à suivre standardisée. Chaque instance a ses propres procédures et exigences administratives. Ainsi, certains employeurs et assureurs exigent que leurs formulaires spécifiques soient remplis pour permettre un arrêt de travail, tandis que d’autres acceptent de recevoir un simple billet d’arrêt de travail signé par le professionnel autorisé.
Dans les cas où l’employeur ou l’assureur n’exige pas de formulaire spécifique et qu’il accepte un simple billet de votre part, voici ce que ce billet devrait contenir minimalement :
- La date d’émission du billet;
- L’identification de votre client
- Le diagnostic de santé mentale justifiant l’arrêt de travail, le cas échéant et si votre client l’autorise. Sinon, une description sommaire des difficultés qui justifient l’arrêt;
- La date du début de l’arrêt et, si possible, sa durée avant réévaluation;
- Vos coordonnées pour vous joindre et votre signature, incluant votre titre.
Un client qui me consulte en psychothérapie me demande un billet d’arrêt de travail en cours de suivi. Puis-je lui signer un arrêt de travail si cela est fondé sur le plan clinique? Suis-je en conflit de rôles?
Vous pouvez tout à fait recommander un arrêt de travail pour un client que vous suivez déjà. Dans le cadre de la psychothérapie, lors de vos rencontres et de votre évaluation continue du fonctionnement psychologique et mental de votre client, vous pourriez être amené à conclure qu’un arrêt de travail est nécessaire sur le plan thérapeutique alors que ce n’était pas forcément le cas en début de suivi.
La recommandation d’arrêt de travail doit être motivée par votre jugement professionnel et en fonction des besoins que vous remarquez chez votre client. Le psychologue qui suit un client possède une connaissance approfondie de son fonctionnement psychologique, de son historique clinique et de l’évolution de sa condition. Cela le place dans une position privilégiée pour poser un diagnostic et, si cela est cliniquement fondé, recommander un arrêt de travail. Le psychologue est aussi en mesure de constater l’évolution de son client et de recommander un retour au travail en temps opportun.
Cela dit, certains contextes cliniques pourraient être moins propices au fait de signer un billet d’arrêt de travail, et ce, même lorsque le client le demande. Vous pourriez en effet estimer que cela serait contre-productif selon sa problématique et les enjeux travaillés en psychothérapie. Il est donc essentiel d’évaluer la pertinence clinique d’une telle recommandation, tout comme vous le feriez pour toute autre recommandation à votre client.
En outre, si vous estimez que le fait de signer un arrêt de travail pourrait nuire à l’alliance ou au processus thérapeutique, que votre objectivité pourrait être compromise, ou encore si vous avez toute autre considération professionnelle (ex. : concernant votre cadre théorique), vous pouvez référer un autre professionnel. Selon la situation, il pourrait alors être pertinent de produire un document à l’intention de ce professionnel décrivant la situation de votre client et faisant état de votre diagnostic et de vos recommandations.
Si un psychologue peut émettre un diagnostic et signer un arrêt de travail, cela inclut-il l’évaluation des limitations fonctionnelles?
Oui. Dans les limites de son champ de compétence, le psychologue évalue le fonctionnement psychologique et mental de son client et peut déterminer si son état psychologique entraîne des limitations fonctionnelles (ex. : dans sa concentration, sa tolérance au stress, ses interactions sociales). Il peut ainsi documenter ces limitations et se prononcer sur leur impact sur le fonctionnement du client en ce qui a trait à son milieu de travail.
La terminologie « limitation fonctionnelle » peut être formulée différemment selon les différents assureurs, employeurs ou institutions. Par exemple, Anciens Combattants Canada utilise plutôt la notion de « limitations à la qualité de vie » (ex. : les interactions sociales, la participation à des activités). Peu importe la désignation retenue, le rôle du psychologue demeure le même, soit celui d’évaluer les conséquences du trouble mental diagnostiqué sur le fonctionnement du client.
Nous vous invitons à consulter la foire aux questions du conseil déontologique, qui pourra vous aider à répondre à vos questionnements supplémentaires. Si vous ne trouvez pas réponse à vos questions, communiquez avec l’équipe du conseil déontologique à conseildeonto@ordrepsy.qc.ca.