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Diagnostic : portée et impacts sur les rôles et responsabilités des psychologues – des réponses

Béatrice Vandevelde, psychologue et responsable des activités réservées de l'Ordre des psychologues du Québec –bvandevelde@ordrepsy.qc.ca


Le 19 juin dernier, l’Ordre a tenu un webinaire à l’occasion duquel la présidente s’est adressée aux membres sur la portée et les impacts de l’adoption du PL67 sur les rôles et responsabilités des psychologues. Nombreux sont les psychologues qui y ont assisté et qui ont eu l’occasion de poser des questions toutes plus pertinentes les unes que les autres. Ces échanges témoignent d’un vif intérêt de la part des membres à participer aux changements concrets qu’entraîne la reconnaissance du diagnostic posé par les psychologues dans l’objectif d’améliorer l’accessibilité aux services et aux prestations pour la population.

La présente chronique reprend les principales questions et réponses formulées lors de cet évènement. Elle apporte également un complément d’information à la suite de la publication, dans l’édition de juin dernier de Psychologie Québec, de la chronique « Les psychologues qualifiés pour signer un arrêt de travail : des réponses à vos questions1 ».

Est-il nécessaire de poser un diagnostic pour recommander un arrêt de travail?

Non, un diagnostic n’est pas toujours requis afin de recommander un arrêt de travail, bien que cela soit souvent lié.

En effet, un arrêt de travail ou un « congé de maladie » peut s’avérer cliniquement pertinent lorsqu’une personne n’est plus en mesure de travailler en raison d’un problème de santé, qu’elle ait ou non reçu un diagnostic franc et établi.

Par exemple, il arrive que des médecins indiquent « fatigue physique » ou « fatigue intense » lorsque l’état de fatigue de la personne qui consulte la rend inapte au travail. Le diagnostic s’affinera en fonction de l’évolution de la situation et des renouvellements de l’arrêt de travail, le cas échéant.

En santé mentale, le même principe s’applique. Sur le plan clinique, une personne peut présenter des symptômes de troubles mentaux sans nécessairement satisfaire les critères diagnostiques des nomenclatures reconnues, et pourrait avoir besoin d’un arrêt de travail afin de retrouver une bonne santé psychologique. Un psychologue pourrait donc écrire « épuisement professionnel » sur le certificat d’arrêt de travail s’il évalue que son client « est en burnout » et a besoin d’un arrêt de travail. Il pourrait aussi indiquer « symptômes dépressifs situationnels » pour qualifier l’état de son client qui vient de perdre un être cher et qui ne répond pas pour autant aux critères diagnostiques d’un trouble dépressif caractérisé. Le psychologue pourrait juger que ce client a besoin de repos pour se remettre de ce choc émotionnel et qu’il n’est donc pas en état de travailler.

Rappelons également que les diagnostics peuvent être évolutifs. Ainsi, le client qui présente des « symptômes dépressifs situationnels » pourrait par la suite présenter un trouble d’adaptation avec humeur dépressive ou même un trouble dépressif caractérisé qui nécessitera un prolongement de son arrêt de travail lors de la réévaluation de sa situation.

Dans la section « diagnostic » ou « diagnostic médical » d’un formulaire préétabli par l’assureur, ou dans son propre certificat, le psychologue pourrait donc, selon la situation, inscrire :

  • le diagnostic de son client;
  • un diagnostic provisoire;
  • les symptômes invalidants.

Par ailleurs, précisons qu’il pourrait être pertinent pour le psychologue d’informer son client de la possibilité que l’assureur de ce dernier le contacte en tant que professionnel ayant émis le certificat d’arrêt de travail afin de mieux comprendre les motifs justifiant ledit arrêt. Le psychologue pourrait alors préciser que, dans une telle situation, il aura besoin de son consentement pour communiquer avec l’assureur, et que les deux devront se mettre d’accord sur les informations pertinentes à transmettre et sur les frais associés à ces échanges, le cas échéant.

Que faire si un assureur refuse de reconnaître un arrêt de travail recommandé par un psychologue?

La décision de reconnaître ou non un arrêt de travail recommandé par un psychologue revient ultimement à l’assureur. C’est pourquoi, en premier lieu, il est conseillé au psychologue de toujours vérifier auprès de son client quels sont les professionnels autorisés par son assureur à recommander un arrêt de travail, afin de lui éviter des démarches infructueuses et de l’aiguiller vers un autre professionnel si nécessaire. Dans ce cas, s’il le juge pertinent, et avec l’accord de son client, le psychologue pourrait communiquer avec ce professionnel et lui expliquer la situation et ses recommandations quant à un possible arrêt de travail.

Le psychologue pourrait également, avec le consentement du client, contacter l’assureur pour lui expliquer que la loi l’autorise à poser des diagnostics et à recommander des arrêts de travail, et l’orienter vers les pages Web de la campagne de sensibilisation de l’Ordre sur les arrêts de travail recommandés par les psychologues :

  • Arrêt de travail : les psychologues peuvent le faire2
  • Arrêt de travail et avis sur la médication d’un client : le point sur ce qui est autorisé au psychologue3

Nous tenons à rappeler que l’Ordre poursuit actuellement ses représentations auprès des différentes instances pour la reconnaissance du diagnostic et de l’arrêt de travail recommandé par le psychologue, l’objectif étant d’améliorer l’accès aux services pour la population.

Comment favoriser la collaboration et la communication avec l’assureur?

Dans certaines situations, il peut être pertinent que le psychologue communique avec l’assureur pour clarifier les raisons de l’arrêt de travail. Dans ce contexte, afin de favoriser la collaboration, le psychologue pourrait s’adresser à l’assureur comme à un partenaire de soins. Le psychologue pourra ainsi créer une alliance avec ce tiers payeur essentiel au rétablissement de son client. Pour ce faire, le psychologue pourrait, avec le consentement de son client :

  • rappeler à l’agent que tous deux ont les mêmes objectifs, soit :
    • un rétablissement rapide de la santé du client;
    • un retour au travail durable et sans rechute : pour ce faire, le retour doit avoir lieu au moment opportun (ni trop tôt ni trop tard) et dans de bonnes conditions ;
  • expliquer à l’agent que, pour atteindre ces objectifs, il a besoin de sa collaboration. Il est primordial que le client sente que son agent le soutient dans sa démarche et qu’il n’ait pas l’impression que ce dernier agit contre lui. Il peut alors être pertinent de préciser à l’agent que :
    • lorsque la menace de perte financière est absente, le client peut se concentrer sur la problématique affectant sa santé mentale et retrouver une meilleure santé psychologique plus rapidement;
    • les gains obtenus vers un retour au travail peuvent être perdus lorsque le client vit un stress en raison d’une pression à retourner rapidement au travail ou d’une peur de voir ses prestations financières se terminer.

Que doit-on inclure dans un certificat médical** (arrêt de travail)?

Un certificat d’arrêt de travail devrait minimalement contenir les informations suivantes :

  • la date de délivrance du certificat;
  • l’identification du client (prénom, nom, adresse);
  • l’état de santé mentale ou psychologique justifiant l’arrêt de travail. Selon la situation :
    • le diagnostic ; x un diagnostic provisoire;
    • les symptômes invalidants;
    • la date du début de l’arrêt et, si possible, sa durée avant réévaluation; 
  • les coordonnées du psychologue (pour qu’il puisse être joint);
  • la signature du psychologue, y compris le titre et le numéro de permis.










Chaque psychologue est libre de créer son propre modèle. Afin d'aider les psychologues dans cette démarche, l'Ordre propose un gabarit de certificat d'arrêt de travail. Les membres peuvent également se le procurer et le personnaliser en ligne en cliquant sur l'image de gauche ou via la page informative sur l'arrêt de travail.

Notons que, pour l’heure, il n’existe pas de modèle de certificat d’arrêt de travail unique. Chaque assureur ou tiers payeur procède selon ses propres règles administratives. Certains exigent que les informations soient accessibles dans un formulaire préétabli, alors que d’autres acceptent que le professionnel utilise son propre outil de communication. Le psychologue devrait donc s’informer auprès de son client ou auprès de l’assureur pour connaître les exigences de l’instance qui versera les prestations financières pendant l’arrêt.

Exemples :

  • Pour les prestations de maladie de l’assurance-emploi de Service Canada, le psychologue a deux options :
    • remplir le certificat médical pour les prestations de maladie de l’assurance-emploi4 de Service Canada;
    • remettre à son client son propre certificat d’arrêt de travail.
  • Certains employeurs et assureurs (fonction publique) acceptent le certificat d’arrêt de travail délivré par le professionnel pour le premier épisode d’arrêt, mais exigent leur formulaire spécifique pour chaque renouvellement.
  • D’autres exigent leur propre formulaire spécifique dès le premier épisode.

**CERTIFICAT MÉDICAL
Le saviez-vous? 
Les psychologues sont autorisés à remplir et signer des formulaires ou rapports qualifiés de « médicaux » par différentes instances, sous réserve qu’ils s’identifient clairement comme psychologues.

Peut-on exiger des frais pour la rédaction d’un certificat d’arrêt de travail?

Oui, pourvu que les frais restent raisonnables, comme le prévoit l’article 52 du Code de déontologie : « Le psychologue demande et accepte des honoraires justes et raisonnables, justifiés par les circonstances et les coûts de réalisation des services professionnels rendus. »

Il faut également considérer que, si le formulaire est très succinct, ou si le psychologue utilise son propre modèle et qu’il n’est pas trop long à remplir, ce dernier pourrait décider de ne pas facturer de frais supplémentaires.

Dans le cas où le psychologue serait tenu de remplir un formulaire préétabli qui nécessiterait plus de temps, il pourrait alors demander des frais supplémentaires au client. Le psychologue devrait alors l’en informer préalablement et lui remettre un reçu sur lequel seront indiqués ces frais administratifs.

Comment évaluer (ou réévaluer) la durée d’un arrêt de travail?

Les psychologues savent bien qu’en matière de santé mentale, il est assez difficile de prédire l’évolution des symptômes et de la situation de la personne. Face à un même trouble, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, dont les facteurs émotionnels, cognitifs, psychosociaux et environnementaux, les ressources internes de la personne et ses expériences passées.

La détermination de la durée de l’arrêt de travail et l’organisation d’un retour progressif, s’il y a lieu, doivent donc se faire au cas par cas et reposer principalement sur le jugement professionnel du psychologue, de sorte qu’il puisse adapter ses recommandations à la réalité intrinsèque du client.

L’Ordre travaille actuellement sur des balises afin d’orienter ses membres sur les données les plus récentes et les meilleures pratiques en lien avec les arrêts de travail et les retours au travail. En attendant, pour soutenir leur réflexion, les psychologues pourraient trouver quelques pistes dans les références non exhaustives suivantes :

  • les recommandations de l’OMS sur la santé mentale au travail5, et en particulier la section « Recommandations concernant le retour au travail après une absence associée à des problèmes de santé mentale » des Lignes directrices de l’OMS sur la santé mentale au travail6
  • les ressources sur les risques psychosociaux du travail7 de l’INSPQ, et notamment la fiche Indicateur « Activités ou politique de retour au travail »8;
  • les ressources sur la question des arrêts de travail, du retour et du maintien au travail disponibles dans le centre de documentation de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST)9.

Comment gérer une situation où un psychologue et son client ne sont pas du même avis quant à un arrêt de travail?

Dans la situation où un client souhaite un arrêt de travail et que le psychologue juge l’arrêt non justifié d’un point de vue clinique, voire contre-thérapeutique pour le client, il revient au psychologue d’expliquer les fondements ou les motifs de son jugement professionnel.
Pour soutenir sa réflexion face à une telle situation, le psychologue peut s’appuyer entre autres sur les articles suivants du Code de déontologie :

  • l’article 7 : « Le psychologue s’acquitte de ses obligations professionnelles avec compétence, intégrité, objectivité et modération. » Le psychologue s’assure ainsi de démontrer l’intégrité essentielle au maintien de la confiance du client dans ses interventions et de celle du public envers la profession. Il ne peut donc pas signer un arrêt de travail de complaisance et, dès lors, risquer de ne pas faire preuve d’honnêteté professionnelle.
  • l’article 45 : « Le psychologue ne pose ni ne multiplie des actes professionnels sans raison suffisante et s’abstient de poser un acte inapproprié ou disproportionné au besoin de son client. » Le psychologue ne peut donc pas légitimement recommander un arrêt de travail s’il ne peut justifier cliniquement les raisons pour lesquelles cette recommandation pourrait être thérapeutique pour le client.

Le psychologue peut en outre évaluer ce qui motive cette demande. Il peut s’agir par exemple d’une fuite face à une situation délicate ou conflictuelle au travail. Ces enjeux gagneraient alors à être abordés avec le client afin qu’il puisse recevoir le soutien nécessaire.

Il est également possible que la situation inverse se présente. Un psychologue pourrait estimer que son client aurait besoin de s’arrêter, mais ce dernier pourrait refuser ses recommandations pour différentes raisons : culpabilité, conflits de valeurs, perte de revenu difficile à envisager, etc. Dans ce contexte, le psychologue devra oeuvrer auprès de son client, tout en respectant son choix et en mettant au travail les enjeux psychiques pouvant nuire à sa santé psychologique.

Chaque situation est unique, et le psychologue doit faire preuve de jugement professionnel, toujours dans l’intérêt supérieur de son client. Il doit se garder de tomber dans la complaisance, mais veiller à manifester une empathie juste et sincère.

Est-ce qu’un psychologue peut prolonger un arrêt de travail initié par un autre professionnel ou recommander un retour au travail pour un arrêt qu’il n’a pas initié?

Oui, mais cela dépendra du contexte.

Généralement, un professionnel qui émet un certificat d’arrêt de travail assure une prise en charge globale du client. Il pourrait alors être préjudiciable qu’un autre professionnel interfère dans ce plan de prise en charge en reprenant les rênes d’un arrêt de travail sans échanger avec le professionnel qui l’a prescrit. Par exemple, un professionnel pourrait recommander un arrêt de travail en ayant des objectifs précis de reprise à certains moments clés dans le parcours de soins de son client. Ses objectifs ne seraient vraisemblablement pas atteints si un autre professionnel de la santé décrétait un retour au travail ou prolongeait l’arrêt sans le consulter.

Cela étant dit, il peut arriver qu’un professionnel qui recommande un arrêt de travail juge qu’il serait plus pertinent que le suivi de l’arrêt soit assuré par un autre professionnel. On peut notamment penser à un médecin spécialiste, dont le mandat est circonscrit, qui pourrait délivrer un arrêt de travail, mais préférer que la suite de la prise en charge et la réévaluation de l’arrêt de travail soient assurées par le professionnel traitant. Inversement, un professionnel généraliste pourrait recommander un arrêt de travail et orienter son client vers un professionnel expert dans le traitement du trouble identifié, et juger plus pertinent que la suite de la prise en charge de l’arrêt de travail soit assurée par ce professionnel.

Par exemple, un médecin de famille pourrait diagnostiquer un épuisement professionnel chez son patient et recommander une psychothérapie comme traitement de première intention. Selon la condition de ce dernier, il pourrait estimer préférable de confier le suivi de l’arrêt de travail au psychologue responsable de la psychothérapie ou, au contraire, juger plus approprié de réévaluer lui-même son patient pour organiser le retour au travail le moment venu. Dans ce dernier cas, la collaboration entre le médecin de famille et le psychologue traitant serait des plus importantes.

Rappelons que les professionnels sont complémentaires, et non interchangeables. L’interdisciplinarité est essentielle pour la prise en charge globale des clients. Une collaboration active et respectueuse favorise l’efficacité et l’efficience des différentes interventions.

Pour visionner l’enregistrement du webinaire, rendez-vous sur la plateforme FOS, accessible par le portail sécurisé.