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L’hypnose spirituelle de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies : considérations déontologiques et légales

Béatrice Vandevelde, psychologue et responsable des activités réservées à l'Ordre – bvandevelde@ordrepsy.qc.ca

Avec la collaboration du Dr Yves Martineau et de Pierre Desjardins, psychologues


Cette chronique vise l’hypnose spirituelle seulement et non pas l’hypnose telle que généralement pratiquée par les psychologues, laquelle est, comme le démontre le dossier thématique de ce numéro, basée sur la science et les données probantes.

Le secteur de la pratique illégale de l’Ordre reçoit régulièrement des signalements concernant des hypnothérapeutes. Dernièrement, l’Ordre a été sollicité précisément au sujet de l’hypnose spirituelle. Cette pratique semble en émergence au Québec et mérite donc une attention particulière.

Il s’agit pour l’Ordre de déterminer si elle rencontre les critères de la définition légale de la psychothérapie édictée par le Code des professions, afin de statuer sur le droit d’exercice relativement à cette pratique. Si l’hypnose spirituelle constituait une forme de psychothérapie, seuls les médecins, les psychologues et les détenteurs de permis de psychothérapeute pourraient alors la pratiquer au Québec.

Toutefois, précisons : conclure qu’une pratique relève de la psychothérapie est une chose ; conclure qu’elle rencontre les standards de bonne pratique, c’est-à-dire une pratique fondée sur des preuves, en est une autre. Il apparaît donc nécessaire de vérifier également si l’hypnose spirituelle s’appuie sur des méthodes d’intervention validées scientifiquement, puisqu’une pratique qui ne serait pas soutenue sur le plan empirique ou scientifique ne pourrait pas être exercée par les psychologues, compte tenu des exigences qu’ils doivent rencontrer sur les plans éthique et déontologique.

La présente chronique a donc pour objectif de présenter la position de l’Ordre sur l’hypnose spirituelle en déterminant :

  • si elle peut être exercée par des psychologues, considérant les obligations déontologiques de la profession ;
  • si elle peut être légalement exercée par des hypnothérapeutes ou hypnologues non détenteurs d’un permis de psychothérapeute, considérant la réserve de l’exercice de la psychothérapie.

Mais avant toute chose, commençons par définir l’hypnose spirituelle.

L’hypnose spirituelle : définition

L’hypnose spirituelle n’a pas pour l’heure de définition officielle. Aussi, pour comprendre en quoi consiste cette pratique, l’Ordre a rencontré des directions d’écoles d’hypnose spirituelle et des praticiens1, consulté des sites Internet et pris connaissance de plusieurs livres2 détaillant cette pratique. Un premier constat : l’appellation même de cette pratique ne fait pas consensus. Certains la nomment hypnose spirituelle, d’autres hypnose de régression dans les vies antérieures ou encore hypnose spirituelle de régression. On trouve également parfois des références plus métaphysiques associées à la spiritualité, par exemple dans les appellations hypnose quantique spirituelle, hypnose régressive quantique spirituelle ou encore hypnose de soin quantique. Malgré ces différentes appellations, il existe un point commun, qui réside dans le fait que les praticiens offrent des séances d’hypnose de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies; l’entre-vies (ou vie entre les vies, entre-deux-vies ou inter-vie) désignant l’espace où l’âme se retrouve à la fin d’une vie, avant son incarnation dans la vie suivante. La différence entre les qualificatifs spirituelle et quantique tient au fait que certaines vies antérieures pourraient être extraterrestres, voire dans d’autres dimensions – ce qu’impliquerait le terme quantique.

Ainsi, quelle que soit son appellation, l’hypnose spirituelle3 peut se définir comme une forme de thérapie qui utilise l’hypnose pour aider les personnes qui consultent à se souvenir de leurs vies antérieures et à les explorer, ou à accéder à l’entre-vies pour entrer en contact avec leurs Guides spirituels. Ces derniers seraient des Êtres (ou encore Entités) qui participeraient à la définition de la Mission de vie de la personne entre chacune des incarnations ; la Mission de vie (ou Contrat d’âme) étant les objectifs de vie que chaque âme planifierait dans l’entre-vies à l’aide de ses Guides spirituels.

Les praticiens en hypnose spirituelle spécifient que cette pratique s’adresse aux personnes qui vivent un problème récurrent dans leur vie (complexe, blocage, exclusion, bannissement, rejet de groupes…), qui se sentent coincées dans des schémas répétitifs qui les empêchent d’avancer, ou encore qui vivent des peurs inexplicables qui entravent leur épanouissement. Certains précisent que cette pratique serait particulièrement appropriée pour résoudre des problématiques physiques, psychologiques ou psychosomatiques qui ne trouvent pas d’issue avec les thérapies dites classiques, alors que d’autres soulignent qu’elle permet de faire un travail similaire à celui d’une psychanalyse, mais beaucoup plus rapidement.

Concrètement, cette pratique qui allie des paradigmes thérapeutiques aux croyances spirituelles sur la réincarnation et l’évolution de l’âme est proposée pour accompagner les personnes vers la compréhension et la résolution des problèmes ou des défis actuels qui seraient liés à des expériences dans les vies passées. Les praticiens en hypnose spirituelle soutiennent en effet que les expériences vécues dans une autre vie exerceraient une influence sur la vie actuelle de chacun en agissant directement sur les croyances, les peurs, les relations et les comportements. Ainsi, au cours d’une séance d’hypnose spirituelle, le praticien guide la personne en état d’hypnose dans l’exploration de ses souvenirs de vies passées, puis l’engage dans une démarche d’analyse de la problématique actuelle en élaborant des liens avec les événements vécus dans les vies passées. Par cette démarche, que certains nomment travail de compréhension et d’intégration, le praticien amène la personne à prendre conscience de l’influence de ses vies antérieures sur sa vie présente. La finalité assumée de ces séances d’hypnose de régression dans les vies antérieures est d’amener chez la personne une transformation en la libérant des blocages, des patterns et en guérissant ses blessures.

De plus, les expériences hypnotiques dans l’entre-vies permettraient à la personne d’avoir accès à ses Guides spirituels et ainsi de découvrir son Contrat d’âme et ses Missions de vie, ce qui l’aiderait par exemple à comprendre les raisons pour lesquelles elle peut vivre certaines des épreuves ou situations difficiles de sa vie présente. La régression dans l’entre-vies permettrait également à la personne qui consulte de rencontrer sa Famille d’âmes, c’est-à-dire les âmes auxquelles elle est liée et avec lesquelles elle se réincarnerait de vie en vie, ces âmes ayant pour mission de se faire évoluer mutuellement. Ainsi, une âme qui était la mère d’une personne dans une vie pourrait être son mari dans une autre et son fils dans une troisième. Savoir quelle âme est incarnée dans une personne de l’entourage de celle qui consulte permettrait de résoudre des conflits ou des enjeux interpersonnels en comprenant le rôle et la Mission de vie de chacun.

Considérations empiriques et scientifiques

D’entrée de jeu, il est important de considérer que l’hypnose spirituelle telle que décrite ici n’est pas reconnue par la communauté scientifique ni ne fait l’objet de recherches empiriques.

Dans la littérature scientifique, il existe un modèle référant à la spiritualité et à l’hypnose, la Clinical Spiritual-Hypnosis Assisted Therapy, qui a fait l’objet de quelques études documentées (Lesmana et al., 2009 ; 2010 ; 2022). Toutefois, ce traitement particulier de la culture balinaise ne propose pas de régresser dans des vies antérieures ni dans l’entre-vies, mais plutôt dans l’enfance de la personne qui consulte. L’appellation spirituelle tient au fait que ce traitement, qui combine l’hypnose et des éléments inspirés de psychanalyse, de thérapie cognitivo-comportementale et de thérapie humaniste, inclut également du counselling religieux. À cet égard, bien que le principe de la réincarnation fasse partie intégrante de la religion balinaise, il n’est pas non plus question avec ce traitement d’entrer en contact avec les âmes antérieures de l’individu ou celles d’autres personnes. Les quelques études portant sur ce traitement particulier, par ailleurs circonscrit à une culture donnée, ne peuvent donc nous servir de référence pour déterminer si l’hypnose spirituelle telle qu’elle est pratiquée en Occident repose sur des bases scientifiques et professionnelles. Par ailleurs, une étude récente (De Benedittis, 2020) s’est intéressée à un processus hypnotique de type quantique ; mais il convient de spécifier que, mis à part la référence au terme quantique et au concept de multitemporalité, ce modèle ne présente aucun lien avec l’hypnose de soin quantique, et qu’il n’est pas question de pratiques de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies telles que décrites précédemment. Nous ne pouvons donc pas non plus nous appuyer sur cette étude, par ailleurs largement spéculative et controversée, pour documenter scientifiquement les données concernant l’hypnose spirituelle. Conséquemment, nous ne disposons à ce jour d’aucune publication théorique révisée par les pairs ni d’aucune étude ou recherche relativement à l’efficacité de l’hypnose de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies.

Malgré cela, certains praticiens soutiennent que l’hypnose spirituelle repose sur des fondements scientifiques, précisant que la preuve scientifique des vies antérieures ne serait plus à faire. En effet, plusieurs praticiens en hypnose spirituelle tentent de démontrer l’existence de vies antérieures en s’appuyant sur des témoignages d’expériences de mort imminente, de vécus subjectifs de contacts avec les défunts (VSCD), qui seraient des contacts spontanés et directs apparemment initiés par les défunts, et de cas de réincarnation chez les enfants en bas âge. De plus, outre les témoignages issus de leur vécu personnel ou de leur pratique, ils s’appuient essentiellement sur les travaux du Dr lan Stevenson pour soutenir leur thèse. Effectivement, l’ensemble de preuves le plus souvent cité en faveur de la réincarnation provient du recueil de cas de ce psychiatre américain, qui a notamment publié dans le Journal of American Medical Association4. Ses travaux, pour la plupart parus dans les années 1970, soit bien avant l’émergence du système de révision par les pairs avant publication et de la science basée sur les données probantes5, ont fait l’objet de sérieuses critiques. D’abord, la formulation des hypothèses est faite de telle façon que celles-ci ne peuvent être vérifiées de façon empirique, car elles ne sont pas organisées de manière à être réfutables. Elles ne rencontrent donc pas un critère essentiel qui permet de distinguer science et pseudoscience. Par ailleurs, les théories de Stevenson n’ont aucune valeur prédictive, et des failles méthodologiques rédhibitoires ont été relevées, soit :

  • des biais de confirmation;
  • le fait que les questions posées induisent les participants à donner les informations recherchées;
  • l’intégrité douteuse de certains interprètes (Andrade, 2017).

Il appert donc que les régressions dans les vies antérieures et dans l’entre-vies sont plutôt de l’ordre des croyances, en l’absence d’évaluations méthodologiques solides et de données empiriques valides.

Cela étant, un psychologue pourrait-il recourir à l’hypnose spirituelle avec les personnes qui le consultent?

Considérations déontologiques

Pour répondre à cette question, nous retenons l’article 5 du Code de déontologie des psychologues6, qui stipule que :

« Le psychologue exerce sa profession selon des principes scientifiques et professionnels généralement reconnus et de façon conforme aux règles de l’art en psychologie. »

Or, en ce qui a trait à l’hypnose spirituelle telle qu’elle est pratiquée en Occident, nous venons de souligner qu’on ne dispose pas de modèles théoriques cohérents révisés par les pairs ni d’études ou de recherches, notamment quant à son efficacité. De plus, cette pratique ne repose pas sur « des principes scientifiques et professionnels généralement reconnus », mais pour une large part sur des croyances personnelles plutôt que sur des données probantes, et elle n’est pas conforme « aux règles de l’art en psychologie ». Certes, à titre de psychologue, il y a lieu de respecter et de prendre en considération d’éventuelles croyances auxquelles adhèrent les clients, mais cela ne signifie pas de fonder sa pratique sur de telles croyances ou de les intégrer dans sa pratique au détriment des connaissances scientifiques et professionnelles dont on dispose.

Pour ce motif notamment, en l’état actuel des connaissances scientifiques, l’Ordre considère comme dérogatoire le recours par les psychologues à l’hypnose spirituelle.

Comme souligné précédemment, l’hypnose spirituelle serait une pratique en émergence au Québec, et un nombre croissant d’hypnothérapeutes offriraient ce service à la population. Il apparaît donc nécessaire que l’Ordre détermine si la pratique de l’hypnose spirituelle constitue de la psychothérapie au sens de la loi et si elle est conséquemment une activité réservée en vertu du Code des professions.

L’hypnose spirituelle constitue-t-elle de la psychothérapie au sens de la loi?

Comme nous venons de le démontrer, l’hypnose spirituelle est une pratique qui n’est pas soutenue sur le plan scientifique ou professionnel, qui ne s’inscrit pas non plus dans les règles de l’art de la profession de psychologue et qui, de ce fait, ne répond pas aux exigences déontologiques des psychologues. Toutefois, ce constat n’exclut pas qu’il puisse s’agir tout de même de psychothérapie. En effet, une pratique peut constituer de la psychothérapie au sens de la loi sans nécessairement rencontrer les standards d’une pratique fondée sur des données probantes.

Pour déterminer si une intervention constitue ou non de la psychothérapie, il faut voir si elle répond aux critères de la définition légale de la psychothérapie. Au Québec, elle est définie par l’article 187.1 du Code des professions7, qui stipule que la psychothérapie est :

« Un traitement psychologique pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé. Ce traitement va au-delà d’une aide visant à faire face aux difficultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien. »

Cette définition permet de dégager les trois grands éléments constitutifs de la psychothérapie, tout en soulignant que son exercice va au-delà de ce qui caractérise différents types de relations d’aide, comme l’illustre le tableau qui suit.

Premier élément constitutif : Sa nature Traitement psychologique.
Deuxième élément constitutif : Son objet Pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique.
Troisième élément constitutif : Sa finalité ou ses objectifs Qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé.
Ce qu’elle n’est pas Ce traitement va au-delà d’une aide visant à faire face aux difficultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien.

Par conséquent, pour déterminer si une intervention est ou n’est pas de la psychothérapie, il faut démontrer la présence simultanée des trois éléments qui la constituent.

Présence du premier élément constitutif : la nature de l’intervention

Est-ce un traitement psychologique?

Le traitement psychologique se distingue d’autres interventions psychologiques par le fait qu’il porte sur ce qui organise et régule le fonctionnement psychologique et mental de la personne. Or, ce sont les différents modèles théoriques reconnus, auxquels se réfèrent habituellement les professionnels qui exercent la psychothérapie, qui conceptualisent et opérationnalisent ce qui organise et régule ledit fonctionnement. Le tableau suivant présente quelques exemples selon les quatre grandes familles de modèles8 :

Modèle théorique Quelques exemples représentatifs
Les modèles psychodynamiques
  • Le système conscient, préconscient et inconscient.
  • Les conflits intrapsychiques à la source des symptômes.
  • Le processus de mentalisation et la représentation mentale.
Les modèles cognitivo-comportementaux
  • Les processus cognitifs, incluant la distorsion cognitive, qui servent à traiter l’information, à la comprendre et à l’interpréter.
  • Les croyances fondamentales et les schémas cognitifs qui conditionnent les pensées automatiques, les réactions émotionnelles, les sensations et les comportements.
Les modèles systémiques et les théories de la communication
  • Le fonctionnement du sous-système individu eu égard notamment :
    • Aux règles intériorisées et aux rôles qui en découlent et qui sont joués de manière non consciente;
    • Aux constructions et coconstructions mentales de la personne (à son sujet, sur les relations qu’elle entretient avec les autres) et à la résonance qui en émerge sur le vécu de la personne.
Les modèles humanistes
  • Le soi authentique et les entraves à son actualisation.
  • Le processus de conscience de la réalité interne, de l’expérience de soi et de ses ruptures.
  • La conscience d’aspects de soi inavoués, insoupçonnés, niés ou distordus.

Il faut souligner que la référence à de tels modèles sert à conceptualiser ce qui organise et régule le fonctionnement psychologique et mental. Que l’on adhère ou non de façon rigoureuse à l’un ou à l’autre des modèles ne sert pas à déterminer s’il s’agit d’un traitement psychologique. En effet, bien que certains puissent soutenir ne pas exercer la psychothérapie parce qu’ils ne se référeraient pas à un modèle reconnu ou qu’ils s’en écartent, il importe de comprendre qu’il est possible qu’une pratique réponde à la définition de la psychothérapie sans être associée à l’un ou l’autre des modèles théoriques.

Les services d’hypnose spirituelle

Lorsqu’ils présentent leurs services, que ce soit dans des ouvrages ou sur leur site Internet, les praticiens précisent que l’hypnose spirituelle permettrait d’accéder à la Conscience supérieure (ou au Moi supérieur), qui a pour mission d’assister la personne dans ses expériences de vie pour faire évoluer son âme. Cette Conscience avec un grand C régulerait donc les raisons primaires de l’incarnation de la vie physique. Ainsi, lors de séances d’hypnose spirituelle, différentes expériences pourraient être vécues, comme :

  • le retour dans les vies passées pour réparer le présent : accéder à des vies antérieures dans le but d’expliquer certaines situations de la vie présente, de libérer des blocages;
  • la libération des mémoires transgénérationnelles : se connecter à la lignée transgénérationnelle de nos ancêtres pour comprendre certains défis de notre vie et libérer le fardeau qui ne nous appartient pas;
  • la compréhension et l’acceptation de situations de vie difficiles : accéder à l’entre-vies pour visualiser notre Contrat d’âme et comprendre les raisons pour lesquelles nous vivons certaines situations difficiles;
  • la libération de croyances ancestrales : se connecter à l’Inconscient collectif qui influence également nos vies et nos comportements.

Le traitement psychologique associé à l’hypnose spirituelle

Il y a tout lieu de croire qu’il puisse s’agir ici d’un traitement psychologique, mais afin de déterminer si c’est bien le cas, il convient d’analyser concrètement le déroulement d'une séance d’hypnose spirituelle proposant la régression dans les vies antérieures ou dans l’entre-vies. Il s’agit de définir si les interventions qui sont effectivement réalisées par le praticien portent sur ce qui organise et régule le fonctionnement psychologique et mental de la personne qui consulte. Pour ce faire, nous nous sommes référés aux différentes descriptions détaillées d’une séance d’hypnose spirituelle que présentent plusieurs praticiens dans leurs ouvrages respectifs.

Ainsi, une séance d’hypnose spirituelle de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies pourrait se décliner en plusieurs étapes :

  • D’abord, le praticien invite la personne qui consulte à se relaxer et commence doucement les suggestions hypnotiques pour l’amener à un état modifié de conscience que certains nomment état expansé de conscience ou encore état de conscience élargie. Cet état expansé de conscience, décrit comme étant spécifique à l’hypnose spirituelle, aurait la particularité de connecter la personne non seulement à son inconscient individuel, mais aussi à un inconscient élargi, plus vaste, que plusieurs appellent Inconscient collectif ou Inconscient universel. Une fois cet état de conscience élargie atteint, le praticien demande à la Conscience supérieure de la personne de l’amener dans une vie passée qui exerce une influence marquée sur sa vie actuelle et qu’il lui serait bénéfique de revisiter.
     
  • La visualisation de cette vie commence alors. Le praticien pose ses premières questions dans le but d’aider le sujet à clarifier son expérience :
    • Est-ce que tu es à l’intérieur ou à l’extérieur ?
    • Est-ce que tu es seul ou avec d’autres ?
    • Décris-moi ton environnement.
    • Qu’est-ce qui se passe ou qu’est-ce qui est sur le point de se passer?
       
  • Le praticien guide ensuite le sujet en faisant des suggestions au Moi supérieur, lui demandant d’atteindre un moment ou un jour important et significatif dans cette vie passée. L’objectif de cette demande est d’accéder au moment clé, à l’événement qui influence la vie actuelle du sujet afin de le revisiter et d’effectuer un travail pour s’en libérer.
     
  • Ensuite, toujours sous hypnose, il est proposé d’engager un travail d’analyse et d’interprétation de l’expérience vécue et de faire ressortir le sens des messages reçus. L’objectif de ce travail de compréhension et d’intégration est de faire en sorte que la personne en retire des enseignements et des prises de conscience profitables à son évolution. Pour cette étape, le praticien pose des questions telles que :
    • Peux-tu demander à ta Conscience supérieure (ou à ton Guide) pourquoi on t’a donné accès à cette vie passée plutôt qu’à une autre?
    • Quelles sont les leçons de vie à en tirer?
    • Quels sont les liens entre cette vie passée et ta vie actuelle?
    • De quelle manière cette vie influence-t-elle ta vie actuelle?
    • Peux-tu demander à tes Guides si l’âme de ta mère dans cette vie t’a suivi dans ta vie actuelle? Si oui, qui est-elle dans ta vie actuelle?

Plusieurs soutiennent que le potentiel thérapeutique et évolutif de l’hypnose spirituelle tient en grande partie à ce processus d’intégration, qui nécessite des compétences particulières du praticien. Ce dernier, par ses techniques de questionnement et sa capacité à faciliter une communication avec le Moi supérieur et les Guides spirituels, accompagne ainsi la personne dans son intégration des messages obtenus par la partie sage du Soi.

  • Lorsque ce travail de compréhension et d’intégration est terminé, le praticien amène la personne à sortir de l’état d’hypnose et lui propose d’effectuer avec lui un compte rendu de son expérience, afin de partager ce qui a été significatif, les liens qu’elle a pu faire et les enseignements à en tirer.

Nous voyons ici que le travail d’analyse et d’interprétation est central dans la pratique de l’hypnose spirituelle. Les formateurs en hypnose spirituelle mettent l’accent sur cette étape essentielle du travail thérapeutique, soulignant qu’un praticien qui investirait l’expérience d’exploration des événements de vies antérieures sans approfondir le processus d’intégration, c’est-à-dire sans faire ce travail de compréhension et de prise de conscience des liens entre les vies passées et la vie actuelle, n’offrirait pas toutes les conditions pour déployer la conscience de la personne qui consulte, et minimiserait ainsi l’apport thérapeutique de cette expérience.

Ainsi, ces séances d’hypnose ne visent pas simplement à vivre une expérience spirituelle, un voyage personnel dans la découverte et l’exploration de vies antérieures. Lorsque le praticien suggère à son client d’atteindre un événement particulier afin d’entamer un travail de compréhension et d’intégration de l’expérience vécue dans le but de retirer des enseignements et des prises de conscience profitables à son évolution, il prend la posture du psychothérapeute, à la recherche de ce qui organise et régule le fonctionnement psychologique et mental de la personne. C’est ce que fait par exemple un psychothérapeute qui travaille à partir de modèles psychodynamiques, soit proposer au sujet une exploration de son inconscient, à la recherche d’éléments importants qui, à son insu, agissent de façon dynamique sur son fonctionnement psychologique et mental. C’est en interprétant les propos ou les conduites, les symptômes, les actes manqués, les rêves, les répétitions-compulsions, le transfert, etc. que le psychodynamicien aide son client à en dégager le sens latent ou contribue à la mise au jour des conflits inconscients qui sont déterminants. Bref, c’est en mobilisant la fonction réflexive de son client qu’il l’engage dans un processus visant une certaine libération. Que cette exploration se fasse avec le recours à l’hypnose dans un cas ou à libre association dans l’autre et que cet inconscient soit ou non circonscrit ou compris de façon similaire n’a pas ici d’importance, dans la mesure où il s’agit de démontrer que le travail proposé porte sur ce qui organise et régule le fonctionnement psychologique et mental de la personne. Et c’est exactement ce que fait le praticien en hypnose spirituelle lorsqu’il invite son client à tirer des leçons de vie de ses expériences dans une vie antérieure, à faire des liens entre une vie passée et sa vie actuelle ou à réfléchir sur l’influence de sa vie d’avant sur sa vie présente. Par le type de questions qu’il pose lors de l’étape du travail de compréhension et d’intégration, il travaille à mobiliser la fonction réflexive de son client et le guide dans son cheminement interprétatif. Il l’engage dans des questionnements qui ont pour objectif de l’amener à faire des liens, alors que des enjeux déterminants de ses vies passées se répercuteraient sur sa vie actuelle, et ce, sans que la personne l’ait su jusque-là et sans qu’elle ait de contrôle sur ceux-ci. En d’autres termes, lors des séances d’hypnose spirituelle, le praticien engage la personne dans un travail qui porte sur ce qui organise et régule son fonctionnement psychologique et mental.

Pourtant, certains praticiens en hypnose spirituelle se défendent d’offrir un travail psychothérapeutique en précisant que les interprétations viennent du client et non pas d’eux-mêmes. Ils expliquent que ce n’est pas le thérapeute qui offre la compréhension des expériences vécues, mais bien la Conscience supérieure, la partie sage du Soi du client ou ses Guides spirituels. Cet argument voulant, en somme, qu’il ne s’agisse pas de psychothérapie parce que c’est le client qui interprète lui-même les choses est discutable. En psychothérapie, on préconise également que ce soit la personne qui consulte qui fasse elle-même ses découvertes, guidée par son psychothérapeute. Le degré d’engagement ou de participation active du praticien ou du psychothérapeute dans le travail d’interprétation ne permet pas de déterminer s’il s’agit ou non de psychothérapie. Le fait d’être très présent ou effacé, plus ou moins directif tient aux modalités propres aux différentes approches et ne permet en aucune façon de statuer sur la nature des interventions. En règle générale, en psychothérapie, on met en place un dispositif permettant à la personne qui consulte de faire ses propres découvertes. Ainsi, le psychothérapeute vise à ce que la personne élabore elle-même sur ses configurations inconscientes ou non représentées, ou encore sur la compréhension de ses croyances fondamentales, de ses schémas, etc., de sorte qu’elle puisse prendre conscience des facteurs qui influent à son insu sur son existence, visant ainsi une certaine libération des blocages ou des patterns inconscients. Et c’est exactement ce qu’offre le praticien en hypnose spirituelle avec les séances de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies : un dispositif permettant à la personne qui le consulte d’élaborer elle-même, à partir des messages de son Intelligence sage, sur ce qui organise et régule son fonctionnement psychologique et mental.

Nous concluons donc que les séances d’hypnose spirituelle, telles que décrites ici, constituent un traitement psychologique qui va au-delà d’une aide visant à faire face aux difficultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien. Le premier élément constitutif de la psychothérapie est donc présent.

Présence du deuxième élément constitutif : l’objet des interventions

Pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique.

Tant dans leurs publicités Web que dans les différents ouvrages que nous avons consultés, les praticiens affirment que l’hypnose spirituelle s’adresse particulièrement aux personnes qui vivent des enjeux liés à leurs émotions, à leurs relations et à leurs comportements. En effet, on relève parmi les différents motifs qui justifieraient le recours à l’hypnose spirituelle : la présence de certaines peurs, de blocages émotionnels, de comportements problématiques, de relations difficiles ou de situations nocives qui se répètent. Il s’agit bien de problématiques liées à la santé mentale et, de ce fait, nous concluons à la présence du deuxième élément constitutif de la psychothérapie.

Présence du troisième élément constitutif : la finalité des interventions

Qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé.

Les praticiens s’accordent pour affirmer que, quelle que soit l’expérience vécue (régression dans les vies antérieures ou régression dans l’entre-vies), l’hypnose spirituelle vise à faire évoluer, grandir et découvrir davantage de facettes de notre être dans le but ultime de faire évoluer l’âme vers davantage de sagesse, de paix et d’authenticité. Plus concrètement, l’hypnose spirituelle a pour finalité de réparer le présent en libérant la personne de blocages, de relations toxiques, de patterns. En d’autres termes, l’hypnose spirituelle vise une transformation profonde de la personne, donc des changements significatifs. Cela signe la présence du troisième élément constitutif de la psychothérapie.

La présence simultanée des trois éléments constitutifs de la psychothérapie

Considérant la présence simultanée des trois éléments constitutifs de la psychothérapie, nous concluons que l’hypnose spirituelle constitue une forme de psychothérapie lorsqu’elle est pratiquée telle que rapportée ici et décrite par ses praticiens et ses formateurs.

Ainsi, si une personne propose des services d’hypnose spirituelle sans être ni médecin, ni psychologue, ni détenteur d’un permis de psychothérapeute, il y a de fortes présomptions qu’elle exerce illégalement la psychothérapie. Toutefois, avant de conclure hors de tout doute à une pratique illégale, il convient d’analyser au cas par cas l’offre de services, comme nous venons de le faire dans notre démonstration. Inversement, ce n’est pas parce qu’on nommerait autrement des séances d’hypnose spirituelle qu’il ne s’agirait plus de psychothérapie, puisque ce qui doit être pris en compte n’est pas tant ce que l’on dit faire que ce que l’on fait effectivement, indépendamment des termes ou des expressions pour le désigner. Dans tous les cas, il s’agit donc de faire une analyse des interventions qui sont réellement offertes, quelle que soit l’appellation qu’on leur donne.

Conclusion

L’hypnose spirituelle telle que définie ici constitue une forme de psychothérapie. Pratiquée de la sorte au Québec, elle constituerait donc une pratique illégale pour toute personne qui ne serait ni médecin, ni psychologue, ni détenteur d’un permis de psychothérapeute.

Par ailleurs, selon l’état actuel des connaissances scientifiques, la pratique de l’hypnose spirituelle ne répond pas au standard des bonnes pratiques, car elle ne s’appuie pas sur des principes scientifiques reconnus et n’est pas conforme aux règles de l’art en psychologie. Il serait donc dérogatoire pour un professionnel habilité à exercer la psychothérapie d’offrir une telle approche à ses clients.

Notes

  1. Nous utilisons le terme praticien pour désigner les personnes qui pratiquent l’hypnose spirituelle, car c'est ainsi que la plupart se désignent elles-mêmes. On retrouve également couramment l’appellation thérapeute sans qu'elles ne soient membres d'un ordre professionnel ou détenteurs d'un permis de psychothérapeute.
     
  2. Les pionniers de l’hypnose spirituelle sont Michael Newton (Life Between Lives Hypnotherapy) et Dolores Cannon (Quantum Healing Hypnose Technique). Ils sont souvent cités en référence par les praticiens en hypnose de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies :
    •Newton, M. (1994). Souvenirs de l’au-delà. Le Jardin des livres, 2007.
    •Newton, M. (2004). La vie entre les vies : exploration de ce que l’on vit avant... Le Jardin des livres, 2019.
    •Newton, M. (2009). Mémoires de l’au-delà. Le Jardin des livres, 2019.
    •Cannon, D. (2003). Conversations avec des esprits entre deux vies. Une expérience fascinante sur l’après-vie. Le lotus et l'éléphant, 2024.

    Depuis 2020, la pratique de l’hypnose spirituelle semble faire de nouveaux adeptes, et plusieurs praticiens ont fait paraître des livres présentant leur pratique :
    •Kaczmareck, S. (2020). Guérir avec les thérapies de l’âme. Constellations familiales, hypnose spirituelle, sophro-analyse : comprendre d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Leduc.
    •Monade, M. (2021). Explorez vos vies antérieures, l’hypnose régressive pour mieux vivre. Leduc.
    •Roumanoff, C. (2023). L’hypnose spirituelle : 7 voyages essentiels seul·e ou accompagné·e. Le lotus et l'Éléphant.
    •Chabot, J.-C. et Edeline, I. (2023). Le potentiel insoupçonné de l’hypnose spirituelle : accédez à vos vies antérieures et à vos Guides pour évoluer. Le Jour.
     
  3. Nous retenons ici l’appellation hypnose spirituelle, car c’est l’expression la plus couramment utilisée pour désigner la pratique de régression dans les vies antérieures et dans l’entre-vies.
     
  4. https://jamanetwork.com/searchresults?author=Ian+Stevenson&q=Ian+Stevenson
     
  5. Selon l’étude sur l’histoire des données probantes en médecine de Sur et Dahm (2011), on peut situer dans les années 1990 l’émergence du système de révision par les pairs et de la science basée sur les données probantes.
     
  6. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/C-26,%20r.%20212
     
  7. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/c-26/20200924#se:187_1
     
  8. Pour plus d’exemples, voir le tableau 2 du document L’exercice de la psychothérapie et des interventions qui s’y apparentent : https://www.ordrepsy.qc.ca/documents/26707/135241/L%E2%80%99exercice%20de%20la%20psychoth%C3%A9rapie%20et%20des%20interventions%20qui%20s%E2%80%99y%20apparentent/fa9c0531-3d77-43f6-822e-630176a8dd99