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Mères dont l’enfant présente un TDA/H : une étude longitudinale

Dre Fanny-Maude Urfer, psychologue au CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal et en pratique privée


À la suite d’une évaluation en neuropsychologie ayant mené à un diagnostic de trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDA/H) pour leur fils de 12 ans, des parents souhaitent se préparer à l’aider. Ils demandent des séances de consultation visant à mieux gérer les difficultés vécues au sein de leur famille, car ils désirent comprendre les enjeux auxquels ils pourraient faire face dans les années à venir, tout en réfléchissant à des pistes de solution.

Selon différentes études, le « fardeau de donneuse de soins » (qu’on appellera « FDS »; traduction libre de caregiver strain) d’une mère dont l’enfant a reçu un diagnostic de TDA/H est corrélé à certaines conséquences négatives graves pour l’enfant, la mère et la famille, et l’enfant peut même recevoir de mauvais traitement pour cette raison.

Le FDS est reconnu comme étant généralement porté par la mère en raison de sa responsabilité plus fréquente relativement aux traitements dont a besoin l’enfant souffrant d’un TDA/H. On inclut dans cette responsabilité l’énergie portée à défendre les comportements de l’enfant en certaines circonstances. Cela place la mère dans la position du parent le plus susceptible de subir certaines conséquences additionnelles d’une telle situation. Par exemple, une perte d’emploi de la mère pourrait survenir en raison du temps déployé à régler certaines questions à des moments interférant avec son horaire de travail.

Si les conséquences découlant du FDS des mères d’enfants souffrant d’un TDA/H ont été considérablement étudiées, les effets à moyen et à long termes d’une telle situation sont quant à eux moins connus. Babinski et ses collaborateurs (2020) proposent une étude longitudinale visant à définir les facteurs pouvant influencer le FDS des mères ainsi que l’impact sur la famille lorsque l’un des enfants reçoit un diagnostic de TDA/H. À l’aide de cueillettes de données réalisées sur une base annuelle, cette étude se penche sur la trajectoire de 364 de ces enfants devenus adolescents puis adultes. L’étude considère un groupe contrôle afin de mieux comprendre certains enjeux familiaux dans chacun des deux groupes. D’abord, une comparaison est réalisée entre le FDS des mères de jeunes appartenant à chacun des deux groupes. Puis, les chercheurs se penchent sur les variables médiatrices de la relation entre le TDA/H diagnostiqué chez des enfants et le FDS de leurs mères à long terme.

Parmi les caractéristiques des parents et des familles pouvant exacerber le FDS, on recense : 1) la dépression maternelle, qui est notée dans près d’un foyer sur deux lorsque l’enfant présente un TDA/H; 2) un diagnostic de TDA/H chez la mère elle-même, dans un cas sur quatre; 3) un niveau scolaire atteint inférieur à la moyenne; 4) des possibilités d’emploi limitées et 5) une instabilité financière. On remarque également que les parents d’enfants présentant un TDA/H se séparent ou divorcent trois fois plus que dans les autres foyers.

Selon certaines méta-analyses, le genre de l’enfant présentant un TDA/H est à considérer. Le FDS maternel s’avère supérieur lorsque le jeune est un garçon, car les comportements perturbateurs sont alors plus fréquents. Bien que le FDS soit déterminé par plusieurs facteurs, les comportements défiants et oppositionnels apparaissent plus lourds à porter pour les parents comparativement à d’autres défis familiaux. Ils sont associés au TDA/H dans 40 % à 60 % des cas et perdurent à l’adolescence et à l’âge adulte, contribuant ainsi au FDS à long terme.

Les comportements délinquants à l’adolescence et à l’âge adulte peuvent aussi contribuer au FDS des mères à long terme. Ils sont souvent associés au TDA/H et au trouble oppositionnel avec provocation (TOP). Les études recensent, dans ces cas, des niveaux élevés de FDS chez les mères, dont 1) une colère envers l’enfant; 2) un sentiment de désespoir; 3) des craintes concernant le futur de l’enfant; 4) un sentiment d’exaspération et 5) un sentiment d’inadéquation en tant que parent.

Les problèmes de discipline à l’école (suspension ou expulsion) peuvent eux aussi exacerber le FDS maternel. On recense que 46 % des jeunes présentant un TDA/H vivent au moins une suspension dans leur parcours scolaire. Ceci implique différentes démarches de la part des parents (par exemple, interagir avec le personnel de l’école ou prendre la défense du jeune). La mère peut craindre que son enfant abandonne l’école et qu’il vive en situation de dépendance financière prolongée par rapport à elle (ou aux deux parents).

En conclusion, dans cette étude, les mères d’enfants présentant un TDA/H ont rapporté un FDS plus élevé que les mères des enfants faisant partie du groupe contrôle. Ce diagnostic établi dans l’enfance constitue un prédicteur du FDS maternel à long terme, quoique cette corrélation rencontre des facteurs médiateurs. En considérant le niveau d’éducation du parent, l’état matrimonial, la dépression maternelle, la présence ou non d’un TDA/H chez la mère, l’âge de l’enfant et son genre, le TDA/H diagnostiqué dans l’enfance ressort comme étant significativement associé au TOP, à la délinquance et aux problèmes de discipline scolaire, lesquels contribuent à un FDS supérieur chez les mères. Babinski et ses collaborateurs (2020) observent que la médication de l’enfant, à elle seule, apparaît insuffisante pour améliorer le poids du FDS de la mère, et que des interventions supplémentaires visant directement les problèmes vécus par l’enfant pourraient aider davantage sa famille.

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